Le temps d’une dizaine de jours, oublions Hollande, Merkel et Obama. Et si on confiait enfin le poids du globe à de vrais présidents : Steven Spielberg, Jane Campion et Thomas Vinterberg ?
Le monde irait peut-être beaucoup mieux sous le règne de Steven Ier. Imaginez donc. Le jour commencerait par un joli lever de soleil pour tous. Vous partiriez ensuite au boulot, à la conquête d’un trésor perdu, affrontant de dangereux mercenaires, mais ressortant toujours vainqueur et couronné de gloire. Vers midi, vous prendriez votre pause, bavardant avec vos précieux amis (Peter Pan et la fée Clochette), puis vous reprendriez le travail, bravant de féroces T-Rex affamés. Bien entendu, l’après-midi vous promet quelques décharges d’adrénaline. Mais qu’importe, vous savez que tout va bien se terminer. Et puis vous rentrez à la maison (une grande cabane au milieu de la nature, noyée par les étoiles), vous piquez une bonne bière dans le réfrigérateur, et vous vous installez sur la terrasse, les yeux rivés sur la pleine lune, devant laquelle passe un petit garçon à vélo. Fondu au noir, et happy end. Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous ne vivez pas dans une perpétuelle routine.
Lorsqu’on pense au cinéma de Steven Spielberg, forcément, toutes ces images nous viennent en tête. De la féerie, de l’aventure, le goût du risque, le rêve. A tel point que l’on éclipse presque d’autres œuvres mois gaies, telles que Il Faut Sauver le Soldat Ryan, ou bien La Liste de Schindler. Il faut dire que Spielberg a trouvé la bonne recette : celle de faire rêver son spectateur et de l’arracher à la réalité monotone qui l’encercle. Difficile donc d’émerger de films comme Hook, E.T. L’Extra-Terrestre, ou bien encore les aventures du célèbre Indiana Jones. Et pour cause, nous étions plongés dans l’univers fantasmagorique propre au cinéaste. Même s’il lui est arrivé de construire des œuvres plus dures (Amistad, Munich, La Liste de Schindler), Spielberg a (presque) toujours su concilier « grand public » et « qualité ». Et finalement, c’est ce qui lui a permis de se bâtir une réputation internationale. Demandez au premier passant dans la rue s’il connaît un nom de réalisateur, et vous verrez que dans quatre-vingt-dix pourcent des cas, le nom de Spielberg s’échappe de toutes les lèvres.
A Cannes, on avait besoin, comme chaque année, d’un président qui régnerait pendant une dizaine de jours sur le monde cinématographique. Qui donc pouvait remplir au mieux ces fonctions, si ce n’est le plus populaire des réalisateurs ? Sur la liste depuis déjà de nombreuses années, Steven Spielberg, en accord avec son agenda, a enfin accepté l’invitation que Gilles Jacob lui a gentiment envoyée. Le réalisateur, qui dans cinq jours se verra sacré « roi de Cannes », jugera aux côtés de ses ministres quel film mérite la tant convoitée récompense : la palme d’Or. Sa majesté Steven Spielberg traitera donc de nombreux dossiers, dont certains sont attendus par la plèbe comme le Messie.
Siégeant non loin, Jane Campion et Thomas Vinterberg s’occuperont quant à eux des sélections parallèles. Jane de la Cinéfondation et des courts métrages ; Thomas de la section Un Certain Regard. Deux réalisateurs ambitieux, sûrement moins utopistes que Steven Spielberg, ayant de près ou de loin un rapport fusionnel avec le Festival de Cannes, et qui ont accepté d’arpenter une nouvelle fois le goudron fumant de la Croisette, mais cette fois-ci en tant que « juges ».
Feste, réalisé par le danois Thomas Vinterberg, à la tête du jury d’Un Certain Regard cette année.
Au milieu de ces présidents et de tous leurs collaborateurs, circuleront quelques grands noms : Ryan Gosling, Roman Polanski, James Gray, Nicolas Winding Refn, Steven Soderbergh, les frère Coen, Jim Jarmusch, etc. Les cinéphiles sont aux anges, là, au pays des rêves et des paillettes. Il se peut que, cette année, ils scandent haut, fort et sans cesse leurs cris de joie et d’espoir : « Cannes, président ! ». Et la ville leur ferait écho : « Yes we Cannes ! ».
Terence B.