Canet, le 10 mai 2010 Le transfert, Don Quichotte, espace-temps et alcool

Publié le 14 mai 2013 par Balatmichel

M. B. : Nous sommes le, rappelez-moi, le 10…

Public : Le 10 mai

M. B. : … le 10 mai 2010…

Oliver Friedrich : … Oui, un colloque sur l'alcoologie mettait en parallèle le modèle canadien et le modèle français plus humaniste, dans l'intervention d'une alcoologue canadienne, ce qui revenait comme moteur du soin, c'était la question du transfert, même dans les choses cognitivo-comportementales…

M. B. : Ils n'ont pas réussi à effacer le thérapeute…

O. F. : Ils voient bien qu'il y a quelque chose qui entre en relation, même en prenant des modèles, des protocoles, etc. C'est intéressant parce que ça venait de quelqu'un qui était sur le modèle canadien…

M. B. : Une fois l'inconscient et le transfert lancés dans le monde… On peut nier le transfert, c'est ce qui est tenté actuellement en psychiatrie, mais, comme disait l'autre « ça n'empêche pas d'exister ». Décider que tout ce qui se passe est un symptôme, c'est une façon de parler du transfert… Quand je suis arrivé à la clinique de Château Rauzé, Edwige m'a dit que si nous voulions travailler, il ne fallait pas que la psychanalyse intervienne : « Je te fais venir parce que tu es psychanalyste, mais débrouille-toi pour faire intervenir la sémiotique partout », ce que j'ai fait pendant des années. Edwige, elle même, n'a pas dit un mot sur ce qu'on faisait pour ne pas prendre le risque d'être déconsidérée, de perdre l'oreille des médecins, c'était sa stratégie…

O. F. : Le fait de parler sémiotique, ça donnait une valeur plus scientifique…

M. B. : Je vous signale qu'il y a eu une conférence de consensus sur la sémiotique où toutes les grosses têtes du coma se sont réunies pour envisager le traitement par la sémiotique, le traitement par la systémie, et un troisième traitement semblable à celui des hôpitaux parisiens, cherchez sur internet à « Conférence de consensus sur le trauma crânien »… Ils n'ont pas trouvé de différence notable, la sémiotique avait tout à fait sa place dans le traitement du trauma crânien, nous sommes fondateurs avec Edwige d'une discipline à part entière, le traitement sémiotique du trauma crânien… Voici un extrait des conclusions de la conférence : L'approche thérapeutique fondée sur la sémiotique (AS) est plus globale et individualisée. Elle considère la dimension, chez le blessé, d'être en relation. Elle vise à favoriser une communication avec le patient en éveil de coma afin de permettre une récupération des repères personnels, une restructuration de la conscience de soi. Elle est fondée sur l'observation des comportements du patient, puis sur l'interprétation de leur sens pour le sujet et leur utilisation comme moyens de communication. Initialement, les comportements ne sont que des manifestations singulières, le plus souvent d'ordre émotionnel (sons, sourires) qui préludent souvent à des comportements plus conventionnels (tenue de la tête) et à la reconquête de l'autonomie. Ainsi, organise-t-on un programme de vie aboutissant à une meilleure intégration du blessé dans un lieu de vie adapté, où il réapprend à communiquer avec sa famille, l'équipe de soin et les autres patients. (Rapin et Richer, 1994). (…) La poursuite des programmes scientifiques susceptibles de confirmer (ou d'infirmer) l'efficacité des procédures de rééducation (RS [La régulation sensorielle vise un contrôle de l'environnement sensoriel du patient, de façon à faciliter le traitement de l'information, en réduisant le rythme et la complexité de l'exposition aux stimuli à un niveau proportionnel à la capacité de traitement limitée du patient (Wood, 1992). Les sessions de stimulation doivent alterner avec des périodes de repos afin d'augmenter la vigilance durant les temps d'exposition aux stimuli et d'améliorer les capacités de réponse.], SS [La stimulation sensorielle fait appel à l'application de stimuli environnementaux par un agent externe, dans le but de favoriser la reprise de conscience. Cette stimulation peut être multimodale – plusieurs ou toutes les modalités sensorielles sont stimulées à tour de rôle, ou unimodale, une seule modalité sensorielle est stimulée, habituellement l'audition - car elle serait la modalité la plus susceptible d'être préservée à la suite d'une atteinte cérébrale (Sisson, 1990). La stimulation sensorielle vise à éviter la privation sensorielle et à bénéficier de la plasticité cérébrale et des périodes critiques des processus physiologiques de récupération (LeWinn et Dimancescu, 1978 ; Mitchell et al, 1990 ; Doman et al, 1993 ; Johnson et al, 1993 ; Wilson et al, 1993 ; Jones et al, 1994), à susciter une capacité à réagir à l'environnement (Boyle et Greer, 1983) ou vise à favoriser une organisation cohérente entre le cerveau, le corps et l'esprit (Aldridge, 1991).], AS) doit être maintenue. Ces recherches devraient recourir, dans un premier temps, à des études de type « cas unique avec mesures répétées dans le temps » et mieux définir les critères d'inclusion des patients, le choix des critères d'évaluation les plus pertinents. Ainsi pourrait-on préciser le cadre méthodologique le plus adapté pour mener, dans un second temps, des essais contrôlés difficiles à mettre en œuvre, au sein d'une population hétérogène (avis d'experts).

O. F. : Ça y est maintenant on va pouvoir tous mettre ça sur nos CV, psychologue sémioticien…

M. B. : Oui, psychologue sémioticien, ça va marcher, vous pourrez aller à peu près nulle part… Le problème tout à fait réel est plutôt celui de l'infiltration de toutes ces conneries dans l'esprit des psychanalystes, il faut vraiment faire un gros effort théorique, je le vois avec ce que je peux lire des Lacaniens officiels, des choses pas trop intelligibles……

O. F. : … un peu sectaires…

M. B. : La plupart du temps je n'y comprends rien…

O. F. : … de ce point de vue-là, Onfray a raison…

M. B. : Mais il ne parle pas des Lacaniens, il parle de Freud… (…)