Tribune libre de Jean Dùma
Telle une créature du Dr Moreau l’égalité maîtresse n’est qu’une aberration humaine, une folie invivable. Elle porte en elle même son propre poison, sa métrique impossible et foncièrement insatisfaisante. Le réel étant par nature inégal, la vertu d’égalité ne peut qu’arriver à une schizophrénie infernale, inhumaine, la folie et la douleur intrinsèque de la hyène chez Wells.
On notera ici et là le comptage et le dénombrement, les pourcentages et les chiffres. Et, comme un cicatrice qui saigne et qui pleure, l’angoisse des tréfonds ne se résorbe pas par l’absorption dans le grand Gris uniforme et égal. Le mythe de l’égalité se heurte à l’enfer de l’impossible réel, et les acharnés de l’égalitarisme s’affermissent dans leur mensonge, fiers de leur crasse, comme des condamnés à mort refusent l’échafaud, là où seul marche l’abandon.
Pour les chrétiens, seule la charité permet à la fois et la vie et la croissance. Cette charité, enracinée dans la paix des profondeurs, qui accepte l’inacceptable tout simplement parce qu’il est, et s’y donne dans l’espérance. Cette même charité enracinée qui permet de créer et de donner le sens qui revient enrichir cette même paix des profondeurs.
Dans cette perspective, l’égalité n’est qu’un angle analytique, un élément du jugement moral qui permet d’avancer (de quoi parle-t-on, quel contexte, quel but). L’égalité n’est plus un but en soi, mais la case d’une grille bien plus large. Car la charité porte à la fois son propre abandon et le sens du monde, le don de soi et la construction du cosmos.
La charité supporte tout, endure tout. Et construit tout, en vérité.