La machine à recyclage de la Fashion s’empare de la Culture Punk… Succès et décryptage
Le punk, c’était la crise financière des années 70, c’était No Future, c’était Margaret Thatcher, c’était Vivienne Westwood, Sid Vicious et les Sex Pistols, c’était les crêtes, les épingles à nourrice et les cuirs usés. C’est de l’histoire ancienne, une antiquité pour les nouvelles générations, me direz-vous. Détrompez-vous ! Près de 40 ans après sa naissance dans les recoins miteux de Londres, le punk ressuscite. Son esthétique est désormais célébrée prouvant que les temps ont bien changé. Une revanche pleine de panache!
Du 9 mai au 14 août, le Metropolitan Museum de New York met à l’honneur le mouvement punk et son influence sur la haute couture, de la naissance du courant dans les années 1970 à aujourd’hui, dans le cadre de l’exposition « Punk : Chaos to Couture ». La situation est des plus ironiques, le très sérieux MET, ce haut lieu de l’establishment, célébrant le mouvement le plus nihiliste de notre histoire… Un hommage qui n’a rien de gratuit, tant l’esprit punk influence aujourd’hui encore les codes esthétiques de la mode. C’est d’ailleurs le parti pris de l’exposition. D’après le directeur général du MET Thomas P. Campbell « le mouvement punk est un mélange de références et a été alimenté par les développements artistiques tels que le dadaïsme et le postmodernisme ». Pour Andrew Bolton du Costume Institute, « depuis ses origines, le mouvement punk a eu une influence incendiaire sur la mode. Les créateurs continuent à s’approprier le vocabulaire esthétique du punk pour capturer au mieux son esprit de rébellion juvénile et sa force ».
Le MET a fait les choses en grand, mobilisant des sponsors comme le site d’e-commerce Moda Operandi et des pointures majeures de l’industrie comme Condé Nast, Anna Wintour et Riccardo Tisci. A cette occasion Moda Operandi.com propose une collection exceptionnelle baptisée « Anarchie et élégance » pour parfaire son vestiaire punk, pour des prix allant de 100 à 13 000 dollars (de 76 euros à 10 000 euros). Treize grands noms de la mode, comme Rodarte, Vivienne Westwood, Givenchy ou encore Balmain y participent. Côté accessoires, c’est le bijoutier américain Tom Binns qui s’y colle. « Nous sommes ravis d’offrir aux femmes de pouvoir capturer l’esprit du punk à travers des pièces mêlant mode et rébellion », explique à Vogue la cofondatrice de Moda Operandi, Lauren Santo Domingo. Pour fêter cet esprit d’anti-establishment, le traditionnel gala du MET a réuni un gratin mondain tentant maladroitement de réinterpréter les codes punk. Seule Madonna, éternelle Material girl, a joué le jeu, sortant ses breloques cloutées, des collants résilles déchirés avec un costume tartan, tout ça griffé Givenchy couture tout de même, immortalisée sur son compte Instagram.
Pour cette saison punk, Andrew Bolton et son équipe ont élaboré un parcours en sept galeries, rassemblant une centaine de créations, récentes ou d’époque, remontant aux origines du mouvement punk, signées par une trentaine de créateurs et de marques qui se partagent la vedette. L’objectif est de dépasser les clichés et de décrypter une esthétique pleine de contradictions ; ou comment la philosophie du No Future demeure une source d’influence importante dans la mode contemporaine. Un seul absent, « l’enfant terrible de la mode », Jean Paul Gaultier le « punk sentimental »…
Cependant, l’exposition ne traite pas des punks anti-conformistes mais de la mort d’une sous-culture nihiliste, et de sa renaissance « fashion ». Elle affirme que le do it yourself, littéralement « fais-le toi-même », principe fondamental de la mode punk, trouve écho dans le travail stylistique d’aujourd’hui. « Dans une étrange tournure de leur destin, leur philosophie du do it yourself est devenu l’avenir du No Future » expliquent les notes de l’exposition. « La philosophie punk peut sembler en opposition avec celle de la couture sur mesure, mais en fait, les deux sont définies par la même impulsion d’originalité et d’individualité », lit-on encore. De la robe Versace parsemée d’épingles à nourrice aux « robes poubelles » d’Alexander McQueen et de Gareth Pugh, en passant par les tenues savantes de Viktor&Rolf, tous les codes punk sont revisités et transposés façon haute couture, tout en écartant sa dimension anarchique et dérangeante, s’offrant ainsi une place dans au Panthéon de la Mode.
Outre le fait d’être un symptôme social, le punk trouve aujourd’hui sa modernité au-delà de la mode : « Il s’exprime par exemple à travers la révolution du Net, souligne Andrew Bolton. Le Web permet à chacun de prendre en main la production culturelle. Le do it yourself est devenu le futur du No Future. » Tout semble dire que le « Punk is not dead » !
Amaury Monoté