C'est ça le sens de l'éthique en journalisme ? à vomir !!!

Publié le 14 mai 2013 par Lino83
jean luc Mélenchon le 13 mai 2013 à 16:27

Bonjour,

De Hitler à Mélenchon. Petite généalogie de la diabolisation visuelle

Le Monde.fr, portrait de Mélenchon par Laurent Hazgui, s. d.

La narration visuelle au service du journalisme fait rarement dans la dentelle. En ce jour de manif du Front de gauche, le Monde.fr a remis en Une le signalement du long article d’analyse politique de Raphaëlle Besse Desmoulières et Vanessa Schneider publié dans “M le magazine”, illustré par une photo noir et blanc d’un Mélenchon vociférant, parfaitement raccord avec les éléments de langage gouvernementaux (voir ci-dessus).

La presse de la middleclass entretient une allergie notoire pour le leader gauchiste, qui s’exprime abondamment par l’image. Un récent article de Libération comportait un choix iconographique qui tapait délibérément sous la ceinture, en dévoilant l’oeil noir d’un Méluche comme sorti d’un puits d’ombre. L’association avec Marine Le Pen constitue un classique de la dénonciation du populisme mélenchonien, que le Journal du Dimanche reprend dans son édition d’aujourd’hui (voir ci-dessous).

Libération du 8 avril 2013.

Rien n’interdit à un journal d’opinion de critiquer celles qui l’indisposent. Le Monde entretient de surcroît de mauvaises relations avec le dirigeant, qui a insulté un de ses journalistes. Mais un pas est franchi avec la photo de Laurent Hazgui, dont le noir et blanc, traitement rare dans le registre du portrait politique, souligne la violence tout en évoquant un rapport au passé. Comme le délit de sale gueule, l’attaque iconographique ne fait pas appel à des arguments politiques ou philosophiques, mais construit sur le mode de la médisance un document accusatoire qui s’appuie sur l’aspect physique et sur des jeux associatifs plus ou moins avoués.

Sélectionnée parmi les reportages de French-politics, collectif spécialisé dans le portrait politique, l’iconographie de l’article (5 visuels, dont une vidéo et 3 photos noir et blanc) a fait l’objet d’un travail élaboré. Sans surprise, elle souligne la dimension tribunicienne du dirigeant, angle traditionnel de dénonciation du “populisme”. Deux portraits qui montrent Mélenchon en pleine harangue sont des allusions manifestes à l’imagerie des dictateurs des années 1930, dont les discours tonitruants et les postures martiales nourrissaient dès cette époque le stéréotype du tyran (voir ci-dessous).

La diabolisation par l’image fonctionne à la manière de l’allusion: comparaison elliptique suggérant un rapprochement avec les clichés des totalitarismes, elle omet le comparant, qui reste implicite et doit être restitué par le destinataire. Cette figure s’est appliquée à diverses personnalités, à commencer par l’ancien président du Front National, Jean-Marie Le Pen, fréquemment associé depuis les années 1980 au souvenir de la période nazie. Nicolas Sarkozy a subi à son tour cette forme de caricature pendant une courte période, suite au tournant du discours de Grenoble en août 2010, qui prônait ouvertement une politique xénophobe (voir ci-dessous).

J. G. Shields, The Extreme right in France, 2007. Nouvel Observateur, 02/09/2010 (photo: Martinat/MaxPPP).

Ces applications sélectives d’une forme d’insulte par l’image montre que le journalisme politique, ou du moins son volet visuel, reflète moins une analyse politique qu’une condamnation morale. La diabolisation qui frappait Jean-Marie Le Pen en raison de ses nombreux dérapages et allusions racistes est largement épargnée à sa fille, dont les options politiques ne diffèrent pourtant qu’à la marge. De même, l’association de Mélenchon avec le répertoire de la diabolisation est la punition ponctuelle de l’expression “coup de balai”, qui a fortement déplu aux élites politiques et médiatiques. Sorte de point Godwin visuel, le traitement iconographique du Monde traduit une réprobation dont la dimension morale autorise à franchir les limites habituelles de l’objectivité journalistique.

  • Lire ci-dessous le commentaire de Jean-Luc Mélenchon.


Je me glisse parmi les commentateurs car ce post m’a été signalé. Je l’ai lu avec intérêt. Je complète la description des faits par un rapprochement iconographique supplémentaire. La série de photos en noir et blanc publiée en une est une re-dite de la série de photos bien connues d’Adolf Hitler devant un miroir pour étudier ses poses. Le choix du noir et blanc est en soi un message, évidemment, et il éclate aux yeux de l’observateur dans la pleine page intérieure, lorsqu’on me voit à peine distingué d’un fond noir total, les rides creusées, le visage lugubre. L’intention de nuire est parfaitement claire. Je n’ai aucun moyen de m’y opposer ni de la contredire. Je ne peux donc que prendre appui sur son énergie pour la retourner contre ses auteurs. Ma stratégie médiatique consiste à organiser ce retournement. Car si vous voulez bien considérer la situation, aucun argument rationnel n’est proposé contre moi. Ce n’est pas mon programme, mes thèses ou quoi que ce soit de semblable qui sont mis en cause, comme ce serait le cas dans une polémique politique normale. Ce sont mes manières, et parfois mon vocabulaire. Sur ce point il n’y a pas non plus de registre rationnel. Le cas du « balai » me semble significatif. Il s’en est dit dix fois pire dans le passé et dans le présent le plus actuel sans soulever aucune des indignations collectives dont je bénéficie. Pire : « Libération », « le Monde » puis même repris ironiquement par « le Canard Enchainé » m’ont attribué une expression que je n’ai jamais prononcée d’aucune manière, placée de surcroit entre guillemets : « purification éthique » (Libération), « purificateur éthique « Le Monde ». Ces comportements signalent davantage qu’un parti pris purement politique. Je vous laisse établir à quel inconscient de caste, évidemment refoulé, renvoie cette fixation. Pour l’histoire rappelons que « Le Monde » est le successeur du « Temps » journal dont il a longtemps gardé le caractère graphique du titre. Le « Temps » a été saisi à la libération pour avoir collaboré avec l’occupant nazi. « Libération » est un ancien journal Maoïste dont la une a publié un portrait en pleine page de Mao lui-même. Une interminable prise de distance avec un passé honteux explique peut-être l’acharnement contre ma vocation dictatoriale, façon de se battre la coulpe sur la poitrine d’un autre. Ce transfert peu couteux explique peut-être que tous les papiers à mon sujet se positionnent dans un registre qui vise à « révéler la face cachée » supposée de mon personnage produisant ainsi des « dévoilements psychologiques » consternant par leur contenu comme par leur répétition. Ainsi de cette page entière dans « le monde » pour faire de mon opposition à la politique de François Hollande une affaire de conflit de personne. Et encore cette fois ci dans « la revue » sur plusieurs pages. Au final, la dépolitisation de mon personnage remplit la fonction de désarmement intellectuel qui est la mission de ce type de production. On ne jugera pas mon programme mais ma personne. Ça tombe bien car chacun sait qu’il n’y a qu’une politique possible, qu’il n’y a pas d’alternative et que seuls des fous peuvent le nier. Ça tombe bien : Mélenchon est fou, comme le montre indiscutablement les photos. La dépolitisation du personnage va jusqu’au détail : les photos de une de la revue du Monde date d’il y a trois ans. On le vérifie à ce fait que je n’y ai pas la cravate rouge qui affiche mon engagement politique depuis bientôt deux ans…. Vue ainsi l’iconographie des dernières productions est en ligne avec ce « récit » de moi qui veut en rester à ce qui est antérieur au discours politique. Je finis en vous apprenant que tout cela n’est pas du tout original. Dans tous les pays d’Europe et du nouveau monde hispanophone, tous les porte-paroles de notre gauche, sans exception, sont traités de cette même façon, écrite et visuelle, comme nous en avons fait le constat à l’occasion d’une réunion commune. Hommes et femmes. Mais les femmes sont évidemment encore plus grossièrement insultées que les hommes, cela va de soi. Jean Luc Mélenchon.