Ensemble Consonance, 3 mai 2013
Photographie de Rémi Angéli
Les musées français seraient-ils lentement en train de commencer à comprendre ce qui est une évidence pour la majorité de leurs confrères européens, comme le démontrent l'exposition Watteau, la leçon de musique organisée depuis février 2013 à Bruxelles sous la direction de William Christie ou Vermeer and music qui ouvrira ses portes à la National Gallery de Londres à la fin du mois de juin, deux manifestations qui explorent les relations étroites qu'entretiennent peinture et musique ? Certes, nous n'en sommes pas encore, dans cette France dont une majorité d'esprits prétendument éclairés ne voit dans l'art des sons au mieux qu'un aimable divertissement permettant d'aventure d'assurer un vague arrière-plan à ses dîners en ville, à nous voir proposer le concert hebdomadaire dont ont bénéficié nos voisins de Belgique ou les trois par semaine promis à nos cousins d'Angleterre, mais il faut saluer les initiatives comme celles dont je souhaite vous entretenir aujourd'hui.
L'exposition Disegno & Couleur, organisée par le Musée des Beaux-Arts de Tours du 16 mars au 27 mai 2013, lui a fourni l'occasion de proposer, le 3 mai 2013, un concert en rapport avec cet accrochage de dessins italiens et français du XVIe au XVIIIe siècle. On a donc pris place dans un des somptueux salons XVIIIe de l'ancien palais de l'Archevêché qui abrite aujourd'hui les collections afin de pouvoir écouter le programme alléchant concocté pour la circonstance par l'Ensemble Consonance. Il n'a fallu que quelques instants aux musiciens réunis autour de leur directeur, la basse François Bazola, que ceux qui ont suivi l'aventure de William Christie et de ses Arts Florissants connaissent bien, pour installer l'atmosphère raffinée et complice que l'on imagine être celle qui pouvait régner lorsqu'une société choisie se réunissait jadis pour goûter les charmes de la musique.
La seconde moitié du programme entraînait l'auditeur dans un autre univers tout aussi passionnant et, hélas, négligé que l'air
de cour : la cantate française. Ce genre, qui connut une véritable vogue durant les trente premières années du XVIIIe siècle, offre de
courtes scènes composées d'airs, de récits et parfois de pièces instrumentales – symphonies, sommeils, tempêtes, etc. – qui en font de véritables miniatures d'opéra destinées à être
données dans les salons. Les sujets en sont divers, parfois tirés de l’Écriture, comme dans la Jephté pour deux dessus et basse continue (1711) d’Élisabeth Jacquet de La Guerre, dont
Noémi Rime et Betsabée Haas ont livré une lecture très réussie par son parfait équilibre entre théâtralité de la forme et sérieux du propos et dont la flamme se situait heureusement aux
antipodes des exécutions exagérément précautionneuses et gourmées que l'on entend encore trop souvent dans ce répertoire, parfois de la mythologie classique, comme dans Polyphème pour
basse, violon, flûte et basse continue (1710),
Souhaitons maintenant à l'Ensemble Consonance de trouver rapidement l'écho que la qualité de son travail mérite et espérons qu'il saura vaincre la fatalité qui veut que nul ne soit prophète en son pays ainsi que les réticences des organisateurs de concerts et des éditeurs discographiques pour continuer à servir avec la même vitalité cette musique baroque française pour la défense et l’illustration de laquelle il reste encore tant à faire et dont il a visiblement les capacités d'être un excellent serviteur.
Tours, Musée des Beaux-Arts, vendredi 3 mai 2013
Ensemble Consonance :
Noémi Rime et Betsabée Haas, dessus
Yuki Koike, violon
Xavier Richard, basse de violon
Étienne Galletier, théorbe
Sébastien Wonner, clavecin
François Bazola, basse & direction
Évocation musicale :
Robert de Visée, Les Sylvains de Mr. Couperin
José Miguel Moreno, théorbe de pièces en ré
Louis-Nicolas Clérambault, Orphée, cantate extraite du Premier Livre de Cantates françaises à I et II voix avec symphonie, et sans symphonie (Paris, 1710) :
Air fort lent et fort tendre : « Monarque redouté » (fin)
Air tendre : « Vous avez ressenty la flamme »
Cyril Auvity, ténor
L'Yriade
Crédits photographiques :
Tous les clichés illustrant ce billet sont de Rémi Angéli, utilisés avec autorisation.