Antoine Berjeaut Quintet
" Waste land "
Paris. Atelier du Plateau
Jeudi 9 mai 2013. 20h.
Antoine Berjeaut : trompette, bugle
Jozef Dumoulin : Fender Rhodes
Stéphane Kerecki : contrebasse
Fabrice Moreau : batterie
Mike Ladd : poésie
Invité :
Julien Lourau : saxophones ténor, soprano.
La meilleur cantine de Paris se trouve ici. D’où le nom de la salle : Atelier du plateau. Plat et dessert pour 6€, fait maison, préparé et servi par une jeune femme souriante. Que demande le peuple ? Il s’agit en fait d’un ancien atelier de tuyauterie installé au fond d’une impasse dans le 19e arrondissement de Paris, à 200m du Parc des Buttes Chaumont qu’aimaient tant les surréalistes. Le plafond est à 7m de haut avec des verrières. Par contre, les chaises sont à la hauteur des écoles maternelles. Pour un homme d’1m85, c’est franchement désagréable.
Démarrage à 20h30. Jozef entame en duo avec Stéphane. Les sons tordus du clavier, clairs de la contrebasse. La vibration de la batterie et un beau son clair de la trompette par-dessus. Musique impressionniste. Sur un mur, derrière Jozef Dumoulin, en hauteur, est projeté un nuage sur lequel est écrit M Four Tone 1. Je n’ai pas le code de décryptage, désolé, lectrices curieuses, lecteurs intrigués. Ca démarre en swinguant souplement. Avec une telle rythmique, impossible de se planter. Près de moi, une jeune fille dessine en hochant la tête en mesure. Une fan. Jozef part dans ses explorations cosmi comiques alors que Stéphane tient le rythme que le batteur malaxe aux baguettes. La trompette vient ajouter de la clarté, de la simplicité au propos avec un son voilé, feutré. Sur le nuage projeté au mur apparaît un texte illisible. Je n’ai toujours pas le code. Pas grave. La musique parle d’elle-même comme disait Miles Davis qui avait horreur des textes introductifs (liner notes in english) dans ses albums (sauf pour Jack Johnson, 1970, qu’il avait écrit lui-même). Sur le mur, il n’y a plus de texte, juste un nuage, peut-être atomique d’ailleurs. A moins que ce ne soit un incendie après un bombardement. La musique, elle, s’apaise vers le final.
La photographie de Jozef Dumoulin est l'oeuvre du Tellurique Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.
Mike Ladd rejoint le groupe. C’est un poète noir américain qui déclame dans sa langue natale. Cela ressemble à une histoire de guerre qu’il déclame du haut d’une échelle, accompagné d’en bas par le son planant du clavier et la contrebasse à l’archet. Au mur, cela ressemble bien à des images de guerre. Mike Ladd rejoint le sol et le groupe. Jamais de ma vie je n’ai été aussi mal assis dans une salle de spectacle. A ne plus sentir mon pied gauche tant le sang circule mal. Cela gâche mon plaisir alors que la musique est bonne, sonne, ne triche pas et que la voix porte bien. Le rythme s’accélère. Le groupe est soudé derrière l’orateur. Toujours des images incompréhensibles sur le mur derrière Jozef Dumoulin. Ca sort de la bouillie sonore dont les medias dominants nous gavent sous les appellations de Rap et de R’n B. D’ailleurs Mike Ladd porte un costume cravate impeccable, pas un pantalon doggy style sans ceinture. Marche militaire hachée menue aux baguettes qui pousse le trompettiste alors que clavier et contrebasse maintiennent le climat sonore derrière. Solo vocal de Mike lad poussé par Fabrice Moreau. Je n’y comprends rien mais il semble fâché à l’entendre. Un coup de trompette et tout se calme. Jozef réinstalle une douce ambiance. Superbe pulsation bondissante de la contrebasse. Les baguettes tapotent doucement. Mike vocalise, en harmonie avec la trompette, doucement comme dans la lumière du soleil levant. J’en viens à souhaiter que le concert soit bref, non à cause de la musique qui me plaît, mais de l’inconfort de ma position.
Passage au bugle. Jozef lance le débat, grave, profond. Mike Ladd s’est mis à l’écart. Une sorte de ballade avec le son voilé, feutré du bugle. Le batteur est aux balais, tranquille. Toujours des images incompréhensibles et des textes illisibles au mur. Si c’est une tentative de manipulation, c’est raté. C’est une sorte de roman feuilleton puisque les personnages parlent dans des phylactères. Dans quelle langue parlent-ils ? Que disent-ils ? Le mystère demeure.
Il s’agit de compositions originales. L’album sortira en octobre 2013.
Un invité mystère rejoint le groupe sur scène, Julien Lourau aux saxophones. Il figurera d’ailleurs sur l’album à venir. « Slow motion », une ballade bien funky. Groove chaud et souple de la rythmique. Le duo trompette/sax ténor est symbiotique. Ce n’est pas du niveau de « Red clay » (Freddie Hubbard+Joe Henderson, 1970) que j’ai écouté cet après-midi mais ils assurent. Mike Ladd rappe doucement. A l’écart, la célèbre photo d’hommes blancs montrant un homme noir lynché dans un arbre au Sud des Etats Unis d’Amérique (Strange Fruit comme le chantait Billie Holiday). Trompette avec sourdine Harmon mais ça ne sonne pas à la Miles Davis (sourdine Miles dit-on depuis le Prince des ténèbres). Sourdine enlevée, le duo de souffleurs relance le tempo, più agitato. Mike Ladd s’énerve de nouveau, poussé par la batterie. Ca décoince. Julien Lourau relance le jeu. Ca se termine par l’échange des deux souffleurs, en douceur.
Julien Lourau reste sur scène. Il en a bien le droit puisqu’il joue sur l’album, sapristi ! Pulsation de la contrebasse et de la batterie, bon flux (flow in english) de Mike auxquels répondent la trompette bouchée et le ténor. Jozef Dumoulin ajoute les bruits, les vibrations de sa machinerie. Ca sonne résolument urbain, métallique, mécanique. D’ailleurs, les baguettes s’abattent sur la batterie comme le coup de pioche sur le charbon dans la mine (expression d’Art Blakey). Ca gémit bien entre les souffleurs. Solo tortueux de ténor, ponctué par des pointes de trompette. Fabrice Moreau hache menu me rappelant Jack de Johnette sur « On the corner » de Miles Davis (1972). A l’orateur de reprendre la parole. Le Toine a enlevé sa sourdine de son instrument . Ca pète entre sax et trompette, saperlipopette ! Mike ponctue de la voix et du geste. La jeune fille passionnée continue de dessiner.
« Cloud ». Julien Lourau passe au saxophone soprano. Ca groove subtilement. La rythmique pose l’ambiance, nuageuse à souhait. Retour au bugle pour le leader. Jozef Dumoulin, avec son Fender, nous fait un petit solo de guitare avec distorsion, tranquille, facile. Je ne fais plus attention aux images incompréhensibles qui se succèdent sur le mur. Tant pis pour elles. Contrebasse et batterie nous donnent des repères alors que le clavier nous les fait perdre. C’est déroutant comme un sentier de montagne dans les nuages. Mike enchaîne sur la rythique, souple et rêche à la fois. Les souffleurs unis prolongent l’impression d’évasion. Tiens, des images de femmes nues à l’écran. Ce spectacle est donc interdit aux enfants à cause d’images érotiques voire pornographiques. Dommage car la musique par sa vivacité, ses couleurs pourrait leur plaire. Petit chant du soprano et réponse de la voix. Fin après 1h de concert et après avoir perdu l’usage de mes jambes.
RAPPEL
Les souffleurs recommencent pendant que la rythmique s’installe. Le batteur redémarre, funky en diable. Le clavier grogne, brille, rugit. Mike Ladd nous ramène dans la jungle urbaine. Trompette et sax ténor. Ca pulse. Julien Lourau fait bien claquer son anche avec sa langue. Ca groove, baby ! Final clair et net.
Au final, la salle est sympathique, les images interdites aux mineurs de moins de 18 ans, la tortore de première, la musique aussi mais plutôt des coussins pour s’asseoir en tailleur que ces chaises pour enfants en bas âge !
Cette musique est en devenir. Je n'en ai trouvé aucune illustration sonore ou musicale. A vous de la découvrir en direct sur scène et, à partir d'octobre 2013, enregsitrée, lectrices curieuses, lecteurs intrigués.