Trois personnes, deux femmes et un enfant, selon un bilan provisoire, ont péri dans l’incendie d’une
usine désaffectée qui était squattée par environ 200 Roms à Lyon.
L’incendie « violent », qui a démarré un peu avant 00 h 30 dans la
nuit de dimanche à lundi, a « totalement embrasé » ce bâtiment situé rue Audibert et Lavirotte dans le 8e arrondissement de Lyon, selon le lieutenant-colonel des
pompiers du Rhône Jean-Philippe Gueugneau en charge des opérations de secours.
Lors d’un point presse organisé sur place, il a précisé que « très vite les 2 niveaux
supérieurs de ce bâtiment blanc se sont embrasés et l’escalier s’est effondré ». Le toit a également brûlé.
D’autres victimes ?
Des équipes cynophiles fouillent les décombres du bâtiment, qui menace de s’écrouler, pour voir s’il n’y
a pas d’autres victimes, selon le lieutenant colonel Gueugneau qui a précisé que « les trois corps des victimes sont toujours à l’intérieur ».
Selon Gilberte Renard, militante de la LDH, les enfants en bas âge et les femmes enceintes étaient
nombreux dans ce bâtiment. Il s’agit d’un petit immeuble de bureaux d’une ancienne usine de fabrication de petits moteurs électroniques qui s’appelle 'Leroy Somer'
« Ils dormaient souvent dans le grenier » a expliqué à Mme Renard.
Les rescapés, ont été évacués en minibus et regroupés dans un gymnase d’une école située avenue des
Frères Lumière, dans le même arrondissement, ont précisé les pompiers.
La Police judiciaire a été chargée de l’enquête.
Trois morts dans l'incendie d'un squat à Lyon par ITELE
Le Monde 13 05 2013
FAMILLES DÉLOGÉES D'UN PRÉCÉDENT SQUAT
Selon Gilberte Renard, militante de la LDH, près de 200 personnes, dont
des enfants en bas âge et des femmes enceintes, occupaient ce bâtiment, des anciens bureaux d'une usine selon elle. "Ils dormaient souvent dans le grenier", a-t-elle expliqué. Ces
familles s'étaient installées dans l'ancienne usine après avoir été délogées d'un précédent squat du quartier de Vaise. "Ce qui vient de se passer est symptomatique de la politique de la
préfecture du Rhône", a estimé Jean Philippe, militant du MRAP, "elle refuse d'appliquer la circulaire
qui prévoit des diagnostics médicaux, sociaux et de sécurité, sa seule réponse est l'expulsion des squats et des campements et, à chaque fois, la situation s'aggrave."
Des accusations dont se défend la préfecture : "Le préfet de la région Rhône-Alpes rappelle que chaque jour plusieurs centaines de déboutés du droit d'asile et de sans-abri sont hébergés par l'Etat avec l'appui des associations. Néanmoins, un
certain nombre de campements et de squats existent dans l'agglomération."
La voix des
Rroms
Les larmes de crocodile de Valls: la France est en danger!
Samedi dernier vers midi, Tony, un Rrom habitant dans une baraque à Montreuil, s'est jeté sur les flammes
de l'HLM en face pour sauver ses voisins en danger, en compagnie d'un autre voisin, Ahmed. Ils ne se connaissaient pas, mais se sont connus là, dans le feu, en sauvant des enfants. Une jeune
femme interrogée par France Bleu disait plus tard "on ne les voyait pas comme voisins (les Rroms) avant, mais là, ils ont été super solidaires, ils sont venus en courant".
Dimanche vers minuit, un incendie ravage cette fois-ci un squat à Lyon, dans lequel vivent des Rroms.
Actuellement, le bilan est de trois morts: deux femmes et un enfant. Plusieurs autres personnes sont portées disparues et les recherches sous les décombres se poursuivent avec des chiens, en
raison du danger.
Manuel Valls, en visite à Lyon pour les zones de sécurité prioritaires, accompagnée par Mme. Taubira, y a
fait un détour. Pour reprendre, dans un discours à peine modéré, les propositions de Louis Aliot, numéro 2 du Front National. Le "sentiment de profonde tristesse" n'a pas empêché le
ministre de dire que "ces squats, comme les campements de fortune, doivent être évacués chaque fois quand ils présentent, ici comme ailleurs, de vrais dangers". Le 26 août 2012, M.
Valls a signé, avec 6 autres ministres, une circulaire interministérielle sur les "campements illicites". Celle-ci préconise des diagnostics sociaux et des solutions de relogement pour les
occupants de ces "campements". A l'heure actuelle, le maximum fait par les autorités (et rarement) a été de payer 2-3 nuitées d'hôtel aux personnes expulsées ou victimes d'incendies comme celui
de Lyon. Après cela, les "hébergés" sont mis dehors et doivent tout recommencer, en étant chassés de partout par la police de M. Valls. Le Front National se fait un plaisir de dénoncer le
"relogement en HLM" des Rroms, qui selon lui, mettraient volontairement le feu à leurs bidonvilles pour avoir ces logements que beaucoup de Français attendent depuis des années.
En jetant la responsabilité sur les Rroms, en incitant et attisant des "exaspérations" de riverains
derrière lesquels il s'abrite ensuite, tout ceci d'une manière lâche et non assumée ouvertement, le gouvernement français fait le jeu de l’extrémisme. N'oublions pas que le fascisme n'est pas
le fait d'hommes seuls. Il est le résultat de l'infiltration des idées et sentiments qu'ils propagent et attisent parmi la population. Souvent, il commence avec un processus de déshumanisation
de fractions précises de la société, supposées faibles et/ou impopulaires.
Melikah-Abdelmoumen
Melikah Abdelmoumen née en 1972 à Chicoutimi, est une écrivaine et professeure québécoise. Spécialiste de
l'autofiction, elle fait son entrée en littérature à la fin des années 1990.
-
Chair d'assaut, Trait d'union, 1999
-
Le Dégoût du bonheur, Point de fuite, 2001
-
Lima Destroy et Robinette Spa, Point de fuite, 2005
-
Alia, Marchand de feuilles, 2006
-
Victoria et le Vagabond, Marchand de feuilles, 2008
-
L'École des lectrices : Doubrovsky et la dialectique de l'écrivain, Presses
universitaires de Lyon, 2011
J'aurai du mal à écrire ce matin.
Je vous préviens, mes mots seront maladroits.
Ce squat, je le connais. Ces gens, je les connais.
Ces enfants, je leur ai apporté des petits jouets, j'ai discuté avec
certains d'entre eux qui m'ont raconté leur vie d'écoliers pas comme les autres.
Mon mari et mon amie Anaïs étaient encore là, hier, à leur rendre visite
pour leur faire la lecture.
Nous avons discuté avec leurs parents, nous avons salué leurs voisins, nous
avons rigolé dehors, devant les bâtiments, au soleil, au milieu des poubelles et des meubles éventrés, parlé du beau temps et du retour de la chaleur, comme si nous n'étions pas au milieu de la
misère la plus désespérante.
Nous avons discuté et rigolé même au milieu de la misère et des ordures et
des meubles éventrés parce que des êtres humains qui se reconnaissent entre eux, et décident de se considérer mutuellement, de se respecter, de se saluer, savent que ce bonheur et ce partage-là
valent bien davantage que le confort de celui qui est venu aider, ou que la misère de celui qui a besoin d'aide.
Ce squat qui abritait près de 300 hommes, femmes et enfants roms, disséminés
dans plusieurs bâtiments, dont celui de la tragédie de cette nuit, c'était celui où étaient venus se réfugier mes amis "Clara" et "Fabian". Il s'y étaient construit une cabane coquette et
étonnamment sophistiquée, que Clara avait pris le temps de décorer. Chaque fois que nous venions les voir, elle avait ajouté une nouvelle touche à la décoration.
Un jour, alors qu'Anaïs et moi, invitées à déguster avec eux de merveilleux
cigares au chou roumains, nous extasions sur les fleurs artificielles que Clara avait trouvées et dont elle avait orné toute la petite pièce immaculée, nous nous sommes retrouvées avec chacune
une énorme gerbe de fleurs artificielles sur les bras. Clara avait absolument tenu à nous les donner, puisque nous les trouvions jolies.
Après une âpre négociation ("Mais Clara, nous les trouvons belles chez toi,
dans ta maison, tu ne vas pas nous les donner! Il faut justement les garder, là, comme ça, parce que c'est si joli!"), nous avons fini par accepter de prendre les fleurs (et les vases avec), à
une condition: "vos jours ici, dans ce squat, à Fabian et toi, sont comptés. Vous avez réussi, en si peu de temps, à vous refaire un chez-vous, en y mettant le soin que vous mettez pour toutes
les cabanes successives que vous avez été forcés de quitter depuis votre arrivée en France, en 2009, mais nous le savons tous: ça ne durera pas. Alors les fleurs, nous les prenons, nous les
gardons quelque part, et le jour où vous aurez enfin votre première vraie maison, nous vous les rapporterons pour la décorer."
Et Fabian qui se met à rêver tout haut, pendant que Clara retient ses
larmes: "Oui, Anaïs, Mélikah, juste une pièce, un terrain même, et je construis une petite maison dessus, une petite maison à nous, et j'aurai le droit de travailler, et nous ferons une grande
fête, tous ensemble. Une grande fête."
J'ai bien fait de reprendre les fleurs de Clara. L'îmmense entrepôt dans
lequel ils avaient construit leurs cabanes, eux et six ou sept autres familles (parmi lesquels le petit S., 9 ans, aux yeux de velours, qui nous servait d'interprète roumain-français lors de
conversations plus compliquées ou plus abstraites), n'est pas celui qui a brûlé cette nuit, c'était celui d'à côté (si j'ai bien compris). Mais comme les autres, ils en ont été évacués en
catastophe et sans doute n'ont-ils pas pu emporter grand-chose. Tout ce qu'ils ont amassé depuis leur arrivée là-bas fin mars, après la destruction du petit squat villeurbananis où je les ai
connus, ils ont dû l'y laisser. Tout est, encore une fois, à recommencer.
Nous le savions, évidemment. Mais chaque fois il y avait ces moments
d'amitié dans les cabanes, avec les enfants qui jouaient, les parents qui faisaient la lessive, la cuisine, venaient discuter, offrir une cigarette, dire bonjour... je ne sais pas, je pense que
ces moments avaient le pouvoir à la fois magnifique et dangereux de nous faire oublier le reste. La gravité du reste. Ce que ce pays, comme tant d'autres pays d'abondance, fait à ses démunis,
sans pitié, sans égard pour leur âge, leur histoire, même leur humanité. Ces pays où le cynisme a remplacé tout le reste, et où l'on préfère considérer ceux que l'on ne comprend pas comme des
rats, une vermine dont il faut se débarrasser. Une engeance dont on aime à dire, avec l'arrogance et la fierté irréfléchie du con le plus glorieux, que même en n'ayant rien, elle nous vole
quelque chose.
Il y a des jours où je saisirais certaines personnes par le collet pour les
y trainer et les forcer à se mettre à genoux à même la terre battue pour regarder les enfants roms dans les yeux, regarder les efforts que font leurs parents même dans toute cette misère,
regarder les cahiers d'école avec les exercices, le café qu'on offre aux visiteurs, les vêtements qui sèchent au soleil sur les cordes à linge de fortune, ces ordures qui traînent partout parce
que la ville refuse de les ramasser, ces visages qui ont vu ce que personne, jamais, ne devrait voir, et qui trouvent néanmoins la force de vous offrir le sourire le plus radieusement timide du
monde lorsque vous avez la décence de les saluer et de les regarder avec respect, avec bienveillance.
Vous pensez que ces pères, ces mères, ces maris et femmes, ne s'aiment pas
comme vous, comme nous? Que ces enfants qui ont vu l'immeuble flamber cette nuit, entendu les cris, appris qu'il y avait des morts, ces enfants qui errent de squat en squat et qui essaient de
continuer d'aller à l'école, ces enfants dont les parents n'ont pas le droit de travailler, qui ont fui un pays où ils étaient déjà des parias, pour arriver ici et voir ces choses horribles,
que ces enfants sont différents des vôtres?
J'arrête. La colère m'empêche de bien écrire.
Je repense à notre rendez-vous chez le dentiste avec Clara, vendredi
dernier. Nous avons passé quatre heures ensemble. Elle souffrait le martyre et en avait par-dessus la tête de cette vie. "Mélikah, je n'ai pas de maison, nous ne pouvons pas travailler, et
là-bas c'est pire", me disait-elle, en me tenant la main et en essuyant ses larmes. Et elle trouvait quand même moyen de me forcer à raconter ce qui n'allait pas de mon côté. J'étais
fatiguée ce jour-là, un peu préoccupée. Elle voulait que je lui raconte.
J'arrête. C'est trop dur.
J'arrête avec en tête une image: celle du grand sac que j'avais donné à
Philippe pour Clara et qu'il devait lui remettre hier, lorsqu'il est allé avec Anaïs faire la lecture aux enfants. Il y avait plein de vêtements dont certains à revendre et à troquer pour
pouvoir se sustenter avec Fabian. Mais il y avait un super beau flacon de parfum que je ne porte jamais. Je sais que Clara aime le maquillage, les longues jupes qui volent, qu'elle aime sentir
bon, qu'elle aime se sentir femme.
C'est plus fort que moi, je vois le flacon de parfum, transparent, longiligne,
élégant, avec cette étiquette florale, au fond d'un sac de vêtements et de chaussures, posé dans le coin d'une cabane désormais vide, au milieu des cabanes abandonnées, dans cet immense hangar où
la vie a été soudain interrompue, dans l'odeur d'incendie et de mort, dans l'odeur de l'espoir qui part en fumée.
Réactions de Manuel Valls et de
Christine Taubira
Le ministre de l’Intérieur qui est resté une vingtaine de
minutes sur place, a fait part de sa « tristesse » face au drame. Avant de tenir un message de fermeté : « les squats sont des camps de fortune. Ils doivent être évacués ici
comme ailleurs car ils représentent un vrai danger aussi bien pour les populations qui les habitent que pour les riverains. Il faut poursuivre ce travail de démantèlement ». Christiane Taubira, Garde des Sceaux, qui accompagnait le ministre de l'Intérieur, a renchéri en demandant «une solution à la fois digne et efficace».
Après s’être entretenu avec les élus, Manuel Valls a eu un échange tendu avec les riverains. La visite du
ministre a aussi provoqué des réactions vives du côté des associations. « Manuel Valls vient verser des larmes de crocodile alors que le squat existe depuis huit mois. Le préfet n’a rien
fait, il n’a pas respecté une circulaire interministériel qui stipule que lorsqu’on a connaissance d’un squat, un diagnostic doit être engagé concernant la sécurité des lieux », a ainsi
réagi Jean-Philippe, militant du Mrap.