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L'écume des jours, film de Michel Gondry d'après Boris Vian

Par Onarretetout

l_ecume_des_joursLe film de Michel Gondry n’est pas une sorte de vulgarisation du livre de Boris Vian. Il n’en rend pas l’accès plus facile. Les plats de Nicolas (Omar Sy), le cuisinier de Colin (Romain Duris), passent vite et sont à l’image du film : foisonnants, débordants, pas toujours appétissants (ça bouge et ça saigne parfois, « faut qu’ça saigne » chantait Boris Vian), mais très colorés jusqu’au moment où la lumière n’entre plus dans l’appartement de Colin et Chloé (Audrey Tautou) et où Colin chasse Nicolas… Inutile, je pense, de raconter le film, nous sommes nombreux à avoir lu le livre et le film lui est fidèle. Comme il faudrait lire le livre plusieurs fois pour en déceler tous les secrets (musiques, jeux de mots…), il faudrait voir le film plusieurs fois pour débusquer les détails des images.

Dans ce film, Gad Elmaleh joue au piano « Caravan », Audrey Tautou dessine les aventures de Chloé et Colin pour en faire un dessin animé (flip book qui sera intégré au livre final) - ils en sont crédités au générique -. Colin tentera d’écrire une ligne du livre avant d’être évacué et emporté par les forces de police. Michel Gondry lui-même sera le médecin de Chloé, comme si le réalisateur cherchait, en vain, à modifier le cours du roman (et il s'en excuse en remboursant Colin: « Je me suis trompé »). Ainsi, les acteurs sont plus que des acteurs, les personnages plus que des personnages.

Si l’on pense que L’écume des jours est seulement une histoire d’amour, Michel Gondry montre bien que c’est une variation sur la peine. Les synonymes de ce mot y apparaissent tous. Voici ceux que propose sur Internet le dictionnaire de l’Université de Caen, dans l’ordre alphabétique : abattement, affliction, agonie, amertume, angoisse, anxiété, besoin, boulet, cafard, calvaire, censure, chagrin, châtiment, collier, condamnation, contravention, correction, crève-cœur, crime, croix, dam, damnation, déception, déchirure, délit, déplaisir, dépression, déprime, désagrément, désolation, détresse, difficulté, douleur, effort, embarras, endolorissement, enfer, ennui, épreuve, exercice, expiation, fatigue, faute, gêne, huile de coude, infraction, inquiétude, labeur, larme, mal, malheur, mélancolie, meurtrissure, misère, pénalité, pénitence, plaie, préoccupation, punition, purgatoire, regret, remords, ronce, sanction, souci, souffrance, sueur, supplice, tâche, tirage, torture, tourment, tracas, travail, tribulation, tristesse. Tous ces mots ont une résonance dans le film où l'ennui traîne, où le travail tue, où les addictions sont un supplice, où la police sanctionne, où la religion punit, où la tristesse et la misère changent les couleurs (on ne s’en aperçoit que lorsqu’il ne reste que le noir et blanc).

Bien sûr, il y a aussi la musique, et je me dis qu’il aurait fallu que j’écoute Duke Ellington quand j’ai lu (et relu) le livre.  Et il y a l’humour, dans les mots (« il ne faut pas mollir, vous auriez tort, car aujourd’hui nous allons à la patinoire Molitor »), mais aussi dans les images (par exemple quand Colin croise l’oiseau de ladite patinoire en fauteuil roulant)…

Michel Gondry ne s’est pas contenté d’être fidèle au livre (sauf peut-être avec les derniers mots de la souris, qui manquent), il le situe dans notre époque, faisant ainsi, par exemple, un clin d’œil à l’histoire du cinéma inscrit dans l’histoire urbaine : le trou des Halles de Paris a servi de décor dans les années 1970 à un film de Marco Ferreri où celui-ci s’était aussi donné un rôle (Touche pas la femme blanche), Michel Gondry profite du chantier engagé quarante ans plus tard pour y faire voyager Colin et Chloé sur un petit nuage…


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