L'art d'accepter la critique

Publié le 14 mars 2013 par (dé)maquillages @demaquillages
Un blog, c'est un espace où l'on partage avec ses lecteurs des morceaux de vie et/ou des expériences et réflexions sur une thématique (au hasard, la beauté), reflet des émotions de son auteur, de ses goûts, ses valeurs, ses envies, ses coups de coeur... et parfois ses déceptions et ses agacements.
Il m'arrive d'émettre des avis négatifs sur certains produits et certaines marques, notamment dans leur manière de communiquer (déformation professionnelle d'une marketeuse qui a beaucoup de mal avec le marketing trop "commercial", déformant la réalité, sous-entendant que les concurrents font de la m... ou des tests animaux, ou que leur produit est top-révolutionnaire......), pas souvent, avec toujours moult arguments et une certaine objectivité (j'évite d'écrire sur le coup de l'émotion, je contrebalance quasi-systématiquement avec des aspects que j'apprécie chez la marque, et puis je suis quand même une très gentille fille comme on en fait peu, vous le savez, vous, les fidèles), mais quand je le fais, en général, ça ne laisse pas indifférent. Ni mes lecteurs ou les lecteurs de passage (je le vois aux réactions en commentaire), ni les marques.
 
C'est de ce dernier point dont je veux vous parler aujourd'hui. Vous n'imaginez pas jusqu'à quel point cela peut aller. Il y a 3 types de réactions : les marques qui ont d'autres chats à fouetter (après tout, l'influence de la plupart des blogueuses est quand même relativement limitée), celles qui prennent note de la critique, l'acceptent, voire qui y réagissent concrètement (qui ont aussi compris qu'il vaut mieux entendre parler de leur produit / marque, même parfois négativement, que pas du tout), et les marques qui se sentent attaquées au plus profond d'elles-mêmes et sur-réagissent.
Je pense à tout cela parce qu'il y a quelques jours, Lush a demandé à me rencontrer pour discuter de l'article où je vous disais (avec une pointe d'agacement bien perceptible) à quel point leur manière de communiquer me gênait. J'ai trouvé l'initiative plutôt bonne. Faut dire que je ne les avais pas épargnés, enfin... surtout vous en commentaire ;) ! J'ai donc rencontré la responsable de "l'image de marque" et l'attachée de presse, on a échangé sur ma position, elles l'ont tout à fait acceptée, voire partagée sur certains points, on en a profité pour aller plus loin dans la réflexion et voilà, mission accomplie pour la marque : des éléments constructifs sur ce qui déplaît à certains chez Lush et une blogueuse contente, qui n'a pas changé d'avis, mais qui saura reparler positivement de la marque sans que ça lui torde les boyaux au moment de cliquer sur "publier" (parce que souvenez-vous, j'aime plutôt bien la marque et les produits, c'est juste la communication à la Lush qui me dérange).
Autre exemple de marque qui a bien réagi : SVR. Il y a 18 mois, j'avais écrit un billet pas très sympa sur un de leurs produits dont je trouvais une des revendications "dangereuse". La reponsable service conso est venue poster en commentaire une explication, simplement, rationnellement, compréhensive, sans s'énerver, sans jugement, mais sans non plus abonder dans mon sens. Elle a ajouté qu'ils tenteraient à l'avenir d'être plus prudents dans leur communication autour du produit en question. Entre nous, j'avais écrit ce post sur le coup de l'agacement, donc j'avais un peu over-réagi (leur angle de comm étant confusant), et en plus d'un EDIT (ce que je fais régulièrement), j'avais après-coup édulcoré un poil le contenu-même du post, ce que je ne fais habituellement jamais. La encore, la marque a gagné à accepter la critique et entrer dans le dialogue.
Parfois, non seulement les marques reçoivent positivement la critique, mais en plus, elles agissent ! Souvenez-vous de ce panneau publicitaire minceur Clarins qui tronaît au milieu des décombres de Port-au-Prince juste après le tremblement de terre, ou de cette huile de palme dans un produit Christophe Robin. Après avoir pris connaissance de mes billets, Clarins a supprimé le fameux panneau et reversé la somme correspondant à l'investissement publicitaire à des associations haitiennes et Christophe Robin a intégré dans son Huile à la Lavande une huile de palme écogérée. Chapeau, je n'en demandais pas tant.
A l'inverse, certaines marques (enfin, certaines personnes chez certaines marques) réagissent parfois très mal, voire très TRES mal, souvent sous le coup de l'émotion, et feraient mieux de s'accorder une bonne nuit de prise de recul et de réflexion avant de passer à l'action.
Je vous passe ces marques aux CM idiots qui me blacklistent parce que j'ai osé mettre le doigt sur quelque chose qui ne me plaisait pas (en général, c'est parce que ce n'est pas juste un "je n'ai pas aimé le parfum" ou "je n'ai pas vu d'amélioration sur la peau" mais plutôt la mise en évidence d'un petit abus d'ordre marketing, scientifique ou légal que la marque aurait préféré faire passer en douce), je vous passe aussi la marque qui m'a virée de ses listes parce que j'ai écrit en commentaire sur le blog d'une fille qui disait avoir fait une allergie à un produit que j'avais étonnamment fait une allergie au même produit, non, je vais vous parler des vrais abus.

Il y eût par exemple cette entreprise de copies de parfums dont je tairai le nom, dont j'avais évoqué les pratiques illicites (= se servir de la notoriété de parfums connus pour vendre des copies) et qui m'avait menacée de procès, après avoir tenté de me dénigrer auprès de mes lecteurs (le directeur marketing avait fait des recherches sur moi et avait posté le résultat en commentaire pour "révéler" que je travaillais dans l'industrie cosmétique - scooooop ! - et que donc forcément je n'étais pas objective vis à vis des "rebelles" comme eux, j'étais du côté des méchants qui veulent se garder tout le magot, pensant - à tort - retourner ainsi mes lecteurs contre moi), et après avoir publié de faux commentaires négatifs sur le blog de Babillages qui avait repris "l'affaire" (mais quand on poste avec la même adresse IP, on est démasqué, eh oui). Menace de procès, donc, mais attention, écrit en tout petit dans le texte "NB/ Il est bien évident que nous vous demandons d'enlever les photos et pas l'article qui parle de notre société." Depuis quand une marque refuset'elle à un blogueur d'utiliser une photo récupérée sur le Net, d'autant plus quand c'est la marque qui vous a sollictée à 2 reprises pour parler d'elle ?... Bien sûr, ils ne pouvaient rien dire sur le contenu de l'article, puisque je ne disais rien de faux - pour le coup, je m'étais fait aider d'une experte en droit des marques. (entre parenthèses, cette marque s'est effectivement pris plein de procès sur le dos, ils ont dû supprimer leur fameux moteur de recherche, puis comme ils ont vu que sans citer les marques copiées les affaires ne marchaient plus, ils l'ont remis, enfin bref, je n'aime pas les "j'avais bien raison" mais là, voilà quoi) 
Il y eût aussi ce patron de marque Bio qui m'a laissé un message très énervé et très très limite sur mon répondeur parce que j'avais dévoilé que dans certains de ses rouges à lèvres, il y a avait du rouge cochenille (de l'écrasé d'animaux mort, quoi). Dans ce message, il me donnait 24 heures pour modifier mon billet, sinon il allait voir son avocat pour m'attaquer en diffamation car JAMAIS AU GRAND JAMAIS il n'aurait utilisé de colorant animal, mais comment osais-je affirmer une chose pareille. Il avait quand même ussi à me faire douter, malgré mes 2 sources différentes (dont une interview où la directrice R&D elle-même disait qu'elle utilisait de la conchenille), mais non, bien sûr, j'avais raison, il a fini par le reconnaître, et il s'en est excusé platement plus tard (encore le fameux "coup de l'émotion", toussa, mais franchement, quand vous entendez ce genre de message, vous avez du mal à pardonner). Par la suite, il a aussi demandé à me rencontrer et il s'est montré très agréable. J'ai quand même supprimé dans le fameux billet les noms des 3 marques utilisant du rouge cochenille que j'avais trouvées, car elles n'étaient pas les seules et ça n'apportait rien de les citer, à partir du moment où chacun pouvait retenir le numéro du "color index" rouge cochenille pour le retrouver sur la liste INCI des produits cosmétiques si cette question est importante pour lui.

Je termine avec un grand #fail très très drôle (je ne m'en lasse pas) d'une attachée de presse qui n'a pas apprécié une (pourtant pas si méchante) critique (que ça) et qui s'est ridiculisée en public sur Planète Beauté, un grand moment d'étonnement et de rire que je vous invite à (re)lire ici. Et là, je me dis que les marques avec lesquelles j'ai eu des soucis ont bien de la chance que je ne les ais pas citées, car elle court elle court la viralité sur Internet...
La morale de tout cela, c'est qu'il ne faut pas réagir "sous le coup de l'émotion" (blogueurs comme marques, j'essaye de m'appliquer aussi cette règle, je réfléchis avant d'écrire des critiques négatives), que ce n'est pas bien de menacer les blogueurs de procès juste pour leur faire peur en espérant qu'ils retireront leur post (ce qu'ils ne feront pas s'ils n'ont rien à se reprocher), que les blacklistages sont inutiles (rien ne m'empêche de continuer à parler  - en bien ou en mal - des marques même si je ne reçois ni dossier de presse ni produit, bien au contraire), que si vous vous attaquez à un blogueur, vous risquez de vous mettre toute sa communauté et bien plus à dos (ça s'est souvent vu), et qu'en cas de critiques non digérées, le dialogue reste quand même la meilleure solution.