Il est parfois difficile de différencier la politique du sport. Les gens semblent soutenir les partis politiques comme si ces derniers étaient des équipes sportives, acclamant l’équipe rouge ou l’équipe bleue vers la victoire avec la même passion que pour la CAN. Les membres de l’équipe sont suivis avec la même intensité que le sont les joueurs stars de basket-ball ou de football.
De même, les membres de notre équipe sont toujours les héros, et les membres de l’équipe adverse, les méchants. Ce type de rhétorique emplit aujourd’hui les discours politique, notamment aux USA, un groupe traitant l’autre de bande de troglodytes racistes qui détestent les pauvres, et l’autre groupe disant que le premier est un lot de crypto-communistes voulant détruire le pays. Des deux côtés on crie et on hurle combien sont mauvais les gens de l’autre équipe, et peu de discussion sérieuse n’émerge sur les véritables problèmes auxquels sont confrontés les citoyens aujourd’hui.
Mis à part la façon dont l’argument du « Nous contre eux » passe à côté des vraies questions, il rate surtout le problème plus fondamental de l’économie politique. Le ping-pong sur le thème des gentils et des méchants transforme le débat politique en une bataille d’intentions : notre équipe est « formidable » à cause de ce que nous pensons qu’elle a l’intention de faire au cours du mandat. De même, le problème avec l’autre équipe se ramène à ce que notre équipe pense des intentions de l’autre équipe.
Les intentions ne sont cependant pas ce qui importe en économie politique, parce qu’elles ne sont pas équivalentes à des résultats. Le fait que les intentions produisent les résultats que désirent les acteurs dépend de la structure des règles et des institutions au sein desquelles ces intentions sont mises en action. C’est l’idée de base sur laquelle l’économie a mis l’accent, au moins depuis Adam Smith. Se concentrer sur les seules intentions ne nous dit presque rien. L’intérêt personnel peut se manifester par un monde de violence et de prédation si les règles et les institutions sont telles que les droits des personnes et des biens (propriété) ne sont ni clairs ni respectés. Ou il peut se manifester en un progrès pacifique – produisant l’échange si de tels droits sont clairs et bien appliqués.
Les intentions sont filtrées à travers les structures de règles et d’institutions pour mener à des résultats. L’exemple classique est sans doute le salaire minimum. Ceux qui soutiennent cette mesure croient qu’ils aident les pauvres parce que leur intention est d’augmenter les salaires de ces derniers. Cependant, les conséquences réelles de cette mesure sont, comme nous le savons, d’augmenter le coût du travail et donc d’exclure du marché du travail des travailleurs dont la productivité est inférieure au salaire obligatoire. Le résultat est l’augmentation du chômage pour certains ou même beaucoup, et la réduction des heures ou des avantages non pécuniaires pour les autres. Les conséquences réelles sont à l’inverse de ce que les « gentils » avaient prévu.
Plutôt que de soutenir une équipe ou l’autre, ou d’espérer ce joueur star ou ce héros vertueux pour nous sauver, nous devons accorder plus d’attention à la structure institutionnelle qui sert de cadre à l’action humaine. Une des plus grandes erreurs dans la politique moderne est de penser qu’il est correct de donner le pouvoir aux bonnes personnes parce qu’elles l’utiliseront à bon escient. Le problème principal n’est pas qu’elles ne l’utiliseront pas à bon escient (même si ce sera probablement le cas) mais que les institutions que nécessite le pouvoir survivront à ceux qui le possèdent aujourd’hui. Ceux qui le possèderont après pourraient ne pas avoir les mêmes bonnes intentions.
Il suffit de voir la manière dont la gauche aux USA pensait que si Barack Obama était au pouvoir, l’accroissement massif du pouvoir exécutif serait en sécurité entre ses mains parce qu’il est un « gentil ». Le résultat, bien sûr, a été plus de mort et de destruction s’abattant sur des innocents au Moyen-Orient et l’éviscération pure et simple du Quatrième Amendement aux USA.
De la même manière, blâmer les échecs de l’État sur les « méchants » qui avaient le pouvoir ignore aussi le fait que les mêmes échecs sont susceptibles de se produire même si les « gentils » avaient le pouvoir. Si le problème a à avoir avec les institutions et les règles, alors il importe peu de savoir dans quelle équipe sont les joueurs. Ils génèreront des conséquences négatives dans tous les cas.
Ce qui importe est de savoir quelles sortes d’interactions les règles du jeu permettent. Lorsque les règles protègent les droits et promeuvent l’échange pacifique comme moyen d’atteindre nos fins, même les plus égoïstes n’ont pas d’autre choix que de négocier pour un avantage mutuel. Lorsque les règles échouent à cette tâche, la prédation, à la fois publique et privée, va dominer.
Soutenir notre équipe ou notre joueur préféré est la meilleure recette pour nous conduire à un désastre social. Cela encourage la création d’institutions du pouvoir qui sapent le progrès aujourd’hui et qui seront disponibles pour « l’autre équipe » plus tard, avec des résultats tout aussi désagréables. Si nous voulons mettre fin à la croissance de l’État et à l’érosion de nos libertés, nous devons cesser d’attendre que le joueur star gagne la partie et nous devons commencer à parler de la nécessité de changer les règles.
Steven Horwitz est professeur d’économie à la St Lawrence University aux USA. Le 13 mai 2013.
Une version de cet article a été publiée originellement en anglais par la Future of Freedom Foundation.