Avide de rencontrer une grande république libérale et fédérale, Alexis de Toqueville se rend aux États-Unis en 1831 pour y étudier principalement pour y étudier le système pénitentiaire américain mais en reviendra avec des idées bien plus larges sur la démocratie en général. Il reviendra aussi avec un projet de réforme des prisons françaises.
Licencié de droit, il avait été nommé juge auditeur en 1827 au tribunal de Versailles, il sera célèbre, entre autre, pour ses analyses de la Révolution française.
Toujours tiré de ses multiples passages aux États-Unis (où il étudiera aussi), de ses observations et de ses apprentissages, il publie en 1835 le premier tome De la démocratie en Amérique et le second en 1840.
Tocqueville défend la liberté individuelle et l'égalité politique. Exprimant parfois des réserves sur l'évolution possible de la démocratie vers une dictature de la majorité au nom de l'égalité, et rejetant à ce titre nettement toute orientation socialiste, il sera, et est encore, l'une des plus grandes références de la philosophie politique libérale.
Chez Toqueville, l'égalité des conditions est imaginaire, n'annulant pas l'inégalité économique, mais modifiant l'ensemble des relations entre les hommes, en faisant de l'égalité la norme. Autrement dit, l'égalité des conditions implique l'absence de castes et de classes tout en indiquant qu'elle n'équivaut pas à la suppression de la hiérarchie sociale ou politique. Contrairement à la société aristocratique, (dont il était issu) aucun des membres de la société démocratique ne subit sa destinée du fait de la position sociale qu'il occupe, et la hiérarchie sociale ne renvoie plus à un ordre social préétabli qui assigne à chacun une place, des droits et des devoirs propres. L'égalité des conditions constitue une autre appréhension de la structure sociale : les positions ne sont certes pas équivalentes, mais elles ne cristallisent pas la totalité de l'existence sociale des individus, ce qui fait que la condition sociale évolue avec la société démocratique. L'égalité des conditions se redéfinit sans cesse et ne peut se dissocier de la dynamique sociale.
Mais plus que d'égalité, il faut parler d'égalisation dans la perspective de l'ordre social démocratique.
La société démocratique se caractérise par la mobilité sociale et la recherche du bien-être matériel. Pour des raisons diverses comme les inégalités naturelles, certains réussiront mieux que d'autres. Il y a donc un paradoxe puisque l'égalité des conditions conduit à alimenter les inégalités économiques. Si les membres de la société démocratique cherchent à s'enrichir, c'est aussi pour se différencier socialement. Il y a donc la conjonction de deux mouvements : une aspiration égalitaire (conscience collective) et une aspiration inégalitaire (conscience individuelle). L'homme démocratique désire l'égalité dans le général et la distinction dans le particulier.
La société démocratique est de cette manière traversée par des forces divergentes. D'une part un mouvement idéologique irréversible qui pousse vers toujours plus d'égalité et de l'autre des tendances socio-économiques qui font que les inégalités se reconstituent sans cesse.
Dans les risques de la société démocratique, Toqueville se dit sceptique et hanté par la corruption de la démocratie et le déclin des valeurs aristocratiques.
...sceptique et hanté par la corruption...
Nettement en avance sur son époque, Toqueville, décédé en 1859, allait aussi sans le savoir annoncer la couleur des méthodes politiques des siècles à venir.
À la lumière de ce que nous entendons à la Commission Charbonneau et avec le ménage qui s'opère à Laval, ne serait-il pas temps de faire renaître un nouveau Alexis de Toqueville, dont l'oeuvre aura eu une influence considérable sur le libéralisme et la pensée politique, au même titre que Hobbes, Montesquieu, ou Rousseau?
Cette commission fera oeuvre utile.
Sinon il n'y a plus d'espoir.
La commission Charbonneau reprend du service aujourd'hui.