R. Gleadow (Leporello) & M. Werba (Don Giovanni), © Vincent Pontet
‣ Retrouvez la chronique originale, d'après la représentation générale du 23 avril, en cliquant sur cette ligne.Notre précédente chronique du Don Giovanni concocté par le Cercle de l'Harmonie de Jérémie Rhorer & Julien Chauvin, sur une scénographie de Stéphane Braunschweig, n'avait pourtant rien de tiède ! Elle l'était si peu, que nous ne pouvions faire autrement que reprendre le chemin du Théâtre des Champs-Élysées, pour tester , à partir de fauteuils dignes de ce nom, l'endurance de ses sortilèges, comme celle de ses supposés travers.
Ces derniers résidaient essentiellement dans les voix féminines, dont l'épanouissement n'était pas, à notre sens, le point le plus fort. De fait, ce 5 mai 2013, Miah Persson ne nous a paru à peine meilleure Elvira en terme de matériau, l'aigu conservant bien des aspérités métalliques, tandis que le grave reste parcimonieux. En revanche, son implication émotionnelle s'est encore accrue (quel sensationnel Sextuor au II), ce qui fait monter la tension déjà extrême d'un cran supplémentaire.
Meilleur observatoire aidant, son personnage propose des clef visuelles neuves (auparavant occultées) : sa robe de mariée, sur ce plateau noir et vide aux éclairages crus, face au miroir dépoli, son port si fin, ne peuvent pas ne pas évoquer une danseuse telle qu'imaginée par Degas. Cela accroît le caractère spectaculaire et lugubre du tableau final (photo tout en bas de la chronique initiale), face au spectre de Giovanni, d'autant que ladite robe est devenue... noire. Ainsi les protagonistes tous ensemble, et non le seul Leporello, semblent porter le deuil du débauché, la disparition de ce dernier laissant leur existence à tous complètement vide de sens.
S. Malfi (Zerlina) & N. Di Pierro (Masetto), © Vincent Pontet
Autre sens, autre clef, avec les momies (ou squelettes) exhibées dans des vitrines surélevées (photo au centre de la chronique initiale). Vues de plus près, ce sont bel et bien des momies féminines, ornées de bijoux... et au nombre de six. De là à jeter un pont entre le mythe de Don Juan et celui de Barbe-Bleue - autre huis-clos mortifère et dévastateur - il n'y a qu'un pas, que Stéphane Braunschweig nous invite peut-être à franchir. Très stimulant pour l'imaginaire en tout cas, comme le sont ces fenêtres, entrouvertes ou béantes, suggérant le néant d'un noir décidément obsessionnel.Les satisfactions déjà mentionnées restent à leur niveau, à savoir élevé, si ce n'est superlatif. Cela vaut particulièrement pour Robert Gleadow (photo tout en haut), dont on apprend - seulement à l'entracte - qu'il a été victime d'un choc violent à la tête, quelques minutes avant l'Ouverture. Le jeune Canadien a néanmoins tenu à assurer ce Leporello maître d'ouvrage tel que voulu par le scénographe ; et compte tenu du résultat magistral obtenu, nous n'aurons jamais assez de mots pour lui dire notre admiration. Difficile dès lors pour un Markus Werba / Giovanni (en haut), même irréprochable, de revendiquer le meilleur score à l'applaudimètre.
‣ Un entretien "écrit" recommandé, avec Stéphane Braunschweig.
‣ Un entretien "podcasté" - non moins recommandé - avec Jérémie Rhorer (au sujet du Così de 2012, mais dont le propos couvre amplement la problématique de l'interprétation lyrique mozartienne) vous est proposé au bas de la chronique initiale. ▸ Jacques C. Duffourg
‣ Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 5 V 2013 - Don Giovanni, ossia il dissoluto punito,
dramma giocoso en deux actes de Wolfgang Amadeus Mozart & Lorenzo da Ponte (Prague 1787 & Vienne 1788).
‣ Markus Werba (Don Giovanni), Miah Persson (Donna Elvira), Daniel Behle (Don Ottavio),
Sophie Marin-Degor (Donna Anna), Robert Gleadow (Leporello), Serena Malfi (Zerlina),
Nahuel Di Pierro (Masetto), Steven Humes (Il Commendatore), Chœur du Théâtres des Champs Élysées.
‣ Anne-Françoise Benhamou, dramaturgie - Thibault Vancraenenbroeck, costumes - Marion Hewlett, lumières -
Stéphane Braunschweig, mise en scène - Julien Chauvin, 1° violon - Jérémie Rhorer, direction musicale.