Critères. Le bloc-noteur voit déjà les haussements d’épaules ostentatoires. Pas ça! Pas lui! Et à quoi bon vanter un roman déjà populaire et qui, à l’évidence, revendique sa filiation d’américanophilie littéraire, ce qui ne manque pas par les temps qui courent. Seulement voilà, dans la pénombre mercantile de ce qui-se-vend donc de ce-qui-se-publie, "la Vérité sur l’affaire Harry Quebert" possède en lui des qualités qui témoignent non du culte d’un moment (ce serait trop simple), mais bien du talent narratif d’un écrivain. Et c’est toute la différence.
Il y a bien sûr quelque chose de désolant dans l’injonction que de jeunes auteurs francophones se donnent à eux-mêmes de suivre une sorte de modèle états-unien, pourtant rarement enseigné dans les ateliers d’écriture. Car soyons sérieux: qu’y a-t-il de commun entre Hemingway, Irving, Morrison, Banks, Harrison, Auster, Roth, Ellroy ou Wolfe, pour ne prendre que ceux-là? Né en 1985 (eh oui!), Joël Dicker a peut-être trouvé outre-Atlantique la recette du roman-enquête à tiroirs, mais, n’en déplaise aux critiques bien-pensants, il est l’une des révélations de ces derniers mois. Au fond, il fallait écouter attentivement, à l’époque, les attendus des membres du jury du 25e Goncourt des lycéens. Que disaient-ils, ces treize gamins, indifférents au littérairement correct, tous venus de différentes régions de France et du Québec, pour justifier alors leur choix? Ils évoquaient «l’originalité, puis la lisibilité, l’accessibilité, la fluidité, et enfin la cohérence narrative et la solidité de la structure». Notre enthousiasme se retrouve assez bien dans leur définition. La jeunesse a parfois le goût de la lecture: vive la jeunesse!
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 10 mai 2013.]