Ils sont cinq. Cinq individus, chacun avec quelque chose de particulier, une façon de danser, une façon de parler dans le micro, une façon de s’adresser au public… Le public, une grande famille où tout le monde se tient par la main, à la demande, où tout le monde partage les oh ! les ah ! les rires, les émotions. Mais où, parfois, les refus s’opposent aux acceptations. Ce moment-là, où la division s’installe, c’est celui où on ne rit plus. Toute la première partie nous emporte : quelle adresse ! quelle énergie ! quelle liberté ! et puis, soudain, on en appelle à Obama, le sauveur de la planète : vas-y Barack, saute, toi-même tu peux ! Il y va, il saute… Ça a été très vite, je ne l’ai pas vu se jeter. Il est au sol. Le sauveur ne peut plus rien. Il viendra peut-être vous vendre des roses au restaurant… Une rose, c’est ce que les hommes donnent ostensiblement aux femmes au restaurant où ils les ont invitées avant de vouloir plus : le sourire, le pas de danse, le sexe. La rose est le début de l’humiliation. Il fallait s’en douter : Obama tombé de l’échelle, lui-même humilié, n’a plus que cette ressource. Je détourne les yeux. « Avez-vous des amis ? » répète le magnétophone. Je détourne les yeux. « Ce n’est qu’un spectacle ! Nous sommes une grande famille ! » J’applaudis, bien sûr, nous applaudissons tous. Sans doute pour libérer cette tension qui s’est installée en nous. Dans le métro un peu plus tard, près de moi, un homme pas encore vieux, assis sur un strapontin, plié en deux, comme s’il s’adressait à Obama tombé de l’échelle, parle seul : « Dans trois semaines je serai mort ». Dans la foule, qui l’entend ? Nous sommes une grande famille…
J'ai vu ce spectacle au Théâtre Paris-Villette, dans le cadre du Festival Hautes Tensions.