"On tombe de sommeil dans le sommeil: il est lui-même, le sommeil, la force qui précède et qui entraîne la puissance dans son acte. Si je tombe de sommeil c'est que déjà le sommeil a commencé à s'emparer de moi et à m'envahir avant même que je dorme, avant que je commence à tomber. Nous disons que le sommeil nous gagne: il gagne sur nous, il étend son emprise et son ombre avec la discrétion et la constance que sont celles du soir, de la poussière, de l'âge. [...]
En tombant de sommeil, je tombe à l'intérieur de moi-même, de ma fatigue, de mon ennui, de mon plaisir épuisé ou de ma peine épuisante. Je tombe à l'intérieur de ma propre satiété aussi bien que de ma propre vacuité: je deviens à moi-même le gouffre et la plongée, l'épaisseur des eaux profondes et la descente du corps noyé qui sombre à la renverse. Je tombe là où je ne suis plus séparé du monde par une démarcation qui m'appartient encore tout le temps de ma veille et que je suis moi-même, tout comme je suis ma peau et tous mes organes des sens. Je passe cette ligne de distinction. Je glisse tout ensemble au plus intérieur et au plus extérieur de moi, effaçant le partage de ces deux régions supposées.
Je dors, et ce je qui dort ne saurait pa plus le dire qu'il ne saurait dire qu'il est mort. C'est donc un autre qui dort à ma place. Mais si exactement, si parfaitement à cette place mienne, qu'il l'occupe tout entière sans en délaisser ni en excéder la moindre parcelle;
Ce n'est pas une partie de moi, ni un aspect, ni une fonction qui dort. C'est cet autre tout entier que je suis dès lors que je suis soustrait à tous mes aspects et à toutes mes fonctions, sauf à cette fonction de dormir, qui peut-être n'en est pas une ou bien qui ne fonctionne qu'à suspendre toute fonction.[...]"
-Jean-Luc Nancy-Tombe de sommeil Editions Galilée-
source: collection: les textes-"La mort hier et aujourd'hui-Hors série-Marianne-avril-mai 2013-
Aux premiers tours de piste
de dimanche
cette nuit
là
à l'ombre de la lune-
L'ampoule
tout en bas -grésille-
Je veille sur des chimères, des trolls fabulistes
et funambules;
des meilleures intentions du monde.
Quelques regrets et remords assaisonnés
à la sauce
des titres posthumes
des traversins en plume fantaisie
des couettes sur les deux oreilles.
et une couverture supplémentaire
en maille de solitude.
Je veille au grain
à moudre
le ptit noir nocturne.
boit sa tasse dans le grand bain
d'une cafetière pistonnée
et forcément légèrement
ténébreuse
sur les bords du crépuscule.