Nous n'en sommes pas conscients mais, avec Cécile Duflot, au ministère du logement et de l'égalité des chances, nous disposons enfin d'un pilote capable de changer l'urbanisme en France. Elle est, en effet, urbanisme de formation et possède une conscience aiguisée des enjeux de la ville de demain.
Elle est parfaitement convaincue de la nécessité de densifier nos villes et de réduire le poids des normes, les deux plaies de l'urbanisme à la française que nous payons tous les jours. Nous sommes en effet obligés de prendre nos voitures pour aller acheter une baguette de pain, à cause d'un étalement urbain qui confine à l'absurde. Nous payons des mensualités ou des loyers énormes pour rembourser nos logements: le prix moyen du mètre carré est de 3700 euros en France, il est de 1250 euros en Allemagne. Alors que la bulle immobilière se dégonfle en Espagne ou en Italie, la France voit la poursuite ralentie de l'ascension des prix.
Cette situation est intenable à terme: Cécile Duflot a pour objectif la construction de 500000 logements par an et la rénovation de 500000 autres logements. Nous arrivons péniblement à en construire entre 400000 et 300000.
Or, il faut loger 300000 nouveaux ménages chaque année, conséquence de notre belle santé démographique française, où nous faisons davantage d'enfants que dans les autres pays. Et on estime le déficit de logements à prés d'un million. La pression immobilière qui fait monter les prix, le manque de terrains et les surcoûts liés à des normes très contraignantes expliquent ces problèmes.
La seule solution est donc la densification de l'existant. Mais cette idée reste très impopulaire: la densification est perçue comme un problème. On y accole le terme d'entassement urbain. On y voit le contraire de la tranquillité et du bien-être que nous associons à nos lieux de vie.
Ces représentations négatives doivent être combattues: densifier nos lieux de vie, c'est la possibilité de se déplacer plus facilement grâce à des réseaux de transport plus présents, c'est accroître la densité de commerce et favoriser le vivre ensemble grâce à des espaces publics de qualité. Bien entendu, cela suppose aussi que nous arrêtons d'avoir toujours deux ou trois voitures particulières par ménage. Combattre les normes inutiles est alors indispensable: imposer deux ou trois parkings pour un logement ou une taille minimale pour un terrain sont des règles qui font perdurer ce principe de l'étalement urbain qui arrangent certains maires, plus soucieux de préserver l'entre-soi de leurs administrés que l'intérêt général.
Mais comment allons-nous densifier? D'abord, en réaffectant et en transformant l'existant: la démolition-reconstruction a un coût énorme. Il est préférable de modifier les bâtiments anciens: changer l'affectation d'un bâtiment, faire une rénovation thermique, mêler logement social et privé, installer des espaces verts supplémentaires sur les toits et sur les murs, remettre des espaces publics (terrain de sport, espaces culturels, commerces, ...)
Cela ne suffira pas. Il faudra augmenter la hauteur des bâtiments. Les tours nouvelles resteront des constructions symboliquement fortes mais coûteuses: elles resteront anecdotiques.
La véritable solution est le rehaussement des bâtiments existants. La France est couverte de petits immeubles construits dans les années 60 et 70, mal isolés et en mauvais état général. Attendre de les démolir et de reconstruire mettra des décennies.
Il est préférable de les rehausser en changeant les lois de l'urbanisme. Il faut rendre chaque copropriété capable de réaliser ce rehaussement et de profiter de la vente des logements nouveaux construits au-dessus des anciens.
Cela est réalisable en utilisant les techniques de l'ossature bois, des structures très légères, qui ne remettront pas en cause la construction existante, tout en disposant de capacités d'isolation thermique excellentes.
Cette stratégie aura l'avantage de procurer aux vieilles co-propropriétés désargentées, des moyens financiers qui vont lui permettre de réaliser les indispensables rénovations que nécessitent les nouvelles exigences thermiques. Cette rénovation sera l'occasion aussi d'installer des espaces verts et des équipements de productions d'énergie. Si on en profite pour installer un système de véhicules partagées (vélib' ou autolib), on diminue la pression du stationnement en faisant diminuer le nombre de voitures particulières.
Le rehaussement d'immeubles permet de cumuler les avantages: il participe à la construction de logements nouveaux et offre les ressources nécessaires pour rénover les anciens. Il améliore aussi la qualité de vie des habitants. Il est utilisable partout et peut donc démultiplier ses effets. Voilà l'outil qui manque à Cécile Duflot: un outil dynamique qui leur permette de se donner les moyens de sa politique.
Si vous voulez en savoir plus sur cette question, vous pouvez lire le récit imaginaire d'un rehaussement et le compléter par un argumentaire qui répond aux premières réserves que l'on peut faire.
D'autre part, pour réussir à atteindre les enjeux du logement, il faudra des formations de qualité. Il y a fort à faire du côté des référentiels du bâtiment dans l'Education Nationale qui n'ont pas encore complètement intégrés les enjeux de la RT2012 et encore moins les nouveaux enjeux qui apparaissent.
source image: ville de Vélizy-Villacoublay