C'est l'an II d'une présidence douloureuse. François Hollande ne célèbre pas sa première bougie à l'Elysée.
Hollande accélère
On multiplie les abécédaires, les billets-souvenirs, un e-book gouvernemental et gratuit, les articles-bilans pour commenter cette première année de quinquennat. Hollande est encore plus impopulaire que Sarkozy à la même époque, c'est dire. 960 heures de débat à l'Assemblée, 660 heures au Sénat. Une moindre boulimie législative que sous Sarko, mais quelques bases qui réjouissent ou font grincer des dents: flexi-sécurité, loi Duflot, clarification des naturalisations, moralisation, augmentation des impôts sur les hauts revenus et les grandes entreprises, emplois d'avenir, contrats de génération, mariage gay, loi bancaire, la guerre au Mali, les actions de classe, etc.
Il y a surtout le chômage et la précarité, des phénomènes massifs que nos éditocrates ne commentent que sous la forme de statistiques. Ils préfèrent les menaces bruxelloises et le buzz du jour.
L'an II débute lundi 6 mai. En guise de fête, Hollande convoque le gouvernement à l'Elysée pour un "séminaire", pour accélérer le "rythme": "Il revient au gouvernement de maîtriser ce temps. Quand je dis maîtriser ce temps, ce n’est pas le retenir, c’est au contraire l’accélérer . Ce n’est pas simplement de défendre un bilan, c’est être à l’offensive. Un an, c’est court mais quatre ans ce n’est pas long." En sort aussi un plan d'investissements sur 10 ans. Puis un entretien à Paris Match, deux jours plus tard. Un remaniement viendra en son temps. Aucun proche n'est protégé.
Hollande met ses ministres sous tension. De toutes façons, il est bien seul.
Christiane Taubira présente la création du parquet financier, avec son "super-procureur". Quelques juges protestent au motif que des juridictions existent déjà. On oublie qu'elles n'ont aucun moyen. D'autres braillent que le procureur financier ne serait pas indépendant. Pensent-ils aux dégâts médiatiques que la couverture de délits causerait au pouvoir ?
Mélenchon s'impatiente
Sur une tribune place de la Bastille, il domine son monde. La manifestation est paraît-il un succès, ou pas, qu'importe. Les slogans étaient disparates, avec l'envie de changer de régime mais de réfléchir après à celui qui conviendrait. "A cette VIème République, y croyaient-ils vraiment ?" s'amuse Ragemag. On attend, on espère ou on craint que les réflexions alternatives à la politique menée depuis l'Elysée ne débouchent sur quelque chose de concret.
Certains pensent qu'ils ont le temps, jusqu'en 2017. Ils ont tort. D'autres perdent leurs énergies au grand jeu de l'étiquetage quand il faudrait autre chose de plus concret. D'autres encore "travaillent" à autre chose que des petites phrases.
Sarkozy trépigne
Nicolas Sarkozy se rappelle nécessairement à notre souvenir. Un documentaire sur France 3 permet de recoller une mémoire trop vite défaillante. L'ancien monarque file à Las Vegas, invité et rémunéré par un fond spéculatif pour parler finances et XXIème siècle. Il livre sa rancoeur, confirme un narcissisme intact.
François Fillon est au Japon. Il assure qu'il sera candidat en 2017. Quelques sarkozystes s'étranglent, puis minimisent en public. Fillon 2013 joue à Pompidou 1969 mais Sarkozy n'a jamais été de Gaulle.
Guéant nage
L'ancien vizir Claude est à la peine. Les révélations se succèdent sur quelques flux financiers troublants qui affectent son train de vie. Quand il était directeur de cabinet de Sarkozy, il aurait interdit l'usage des "notes de frais" pour compléter en liquide les maigres traitements de police. C'est exactement dans cette période qu'il recevait lui-même des primes en espèces. La presse s'intéresse à ses nouvelles activités d'avocat. Rien d'illégal que d'utiliser ses connaissances et son carnet d'adresses auprès de de chefs d'Etats "françafricains" et corrompus pour gagner sa vie. Rien d'illégal, mais quelle bassesse !
Copé s'agace, Woerth se rassure
Le patron contesté de l'UMP promet un "printemps des cons". Mais à l'UMP, on licencie. Une cinquantaine de permanents ont quitté le navire, faute de subsides publiques suffisantes. Les défaites de 2012 ont laissé ses finances exsangues. Copé lance quand même la reconquête. Il fait des meetings. Il propose que les militants de l'UMP fasse de l'aide gratuite et civique aux plus démunis. Pour un gars qui n'hésite pas à fustiger le poids social de l'Etat, il n'est pas à une hypocrisie près.
Un ancien trésorier, Eric Woerth, est soulagé. Le parquet de Paris requiert un non-lieu dans les charges de trafic d'influence et de financement illicite de la campagne de Sarkozy en 2007, qui pèsent contre lui dans l'affaire Bettencourt. Ce n'est pas toute l'affaire, il reste encore des "abus de faiblesse", mais c'était l'essentiel. Le Parquet justifie sa démarche: ces faits, "auraient, en tout état de cause, été couverts par la prescription de l'action publique". Circulez, il n'y a plus rien à voir. D'ailleurs, une centaine de députés UMP ont publié une lettre de soutien à l'un des leurs, Henri Guaino, l'ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy fait l'objet d'une plainte pour "outrage à magistrat et discrédit jeté sur une décision de justice" de la part de l'USM. Quand le juge Gentil avait mis en examen Sarkozy, Guaino l'avait traité d'irresponsable.
Les Municipales se préparent
La trêve . Les militants refont du porte-à-porte, à Mulhouse et ailleurs. Les notables sortants espèrent limiter la casse. A Marseille, quatre socialistes devraient partir en primaire. L'une d'entre eux, Samia Ghali, dérape encore contre les Roms. Elle multiplie les clichés. Imaginez qu'elle remporte la primaire socialiste ?
A Cannes, alors que le Festival débute dans quelques jours, la droite UMP se déchire et le FN rôde en embuscade. Imaginez une montée des marches avec un maire frontiste en 2014 ?
Bruxelles exige
La Commission, qui venait d'accorder deux années de quasi-répit budgétaire à la France 10 jours avant, travaillerait à des "contre-parties". Quel cirque ! On sait bien que les censeurs européens n'ont pas approuvé le report sans rien en échange. On connait leur agenda: pérenniser le financement des retraites, pour limiter les déficits et donc l'endettement, n'est pas le plus grave. C'est même nécessaire, tout dépend de la méthode. Mais accentuer la libéralisation du travail et des marchés de l'énergie (EDF) et des transports (SNCF). Davantage de précarité et de privatisation ? Quel programme ! "Aligner nos salaires sur ceux du Bangladesh, qui en bénéficie ?" se demande Paul Jorion. Il était curieux de noter que ces Commissaires avaient omis la réduction des dépenses publiques. Nos services nationaux sont "à l'os", commente-t-on jusqu'au Monde.
Le Bangladesh émeut
Justement, là-bas, le décompte de l'effondrement d'un immeuble qui abritait des ateliers de confections ne cesse de s'alourdir. Une femme a été sauvée, 17 jours après la catastrophe. Mais 1.038 autres de ses collègues sont morts. A 38 centimes l'heure, le salarié bengali est évidemment sacrément bon marché. En Europe, on s'inquiète à peine, on s'émeut tout juste. Finalement, acheter pas cher, quel bonheur ! A Bruxelles, on n'ose demander si cette "flexibilité" extrême est donc le modèle que nous visons.
Les salariés allemands s'énervent.
Le modèle allemand, finalement obsède. Une compétitivité efficace, au prix d'une précarité devenue massive et contre ses voisins européens, débouchés faciles. Dans la métallurgie, les transports, la Poste ou à la Lufthansa, les grèves "d'avertissement" se multiplient. Ces salariés réclament des hausses de salaires. Tiens donc...
Le 6 mai, anniversaire d'une élection; le 8 d'une victoire contre les nazis; le 9, d'une Europe réconciliée; le 10, de l'élection de Mitterrand, et de la fin de l'esclavage.
Quelle semaine...
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