Mercredi, Bernard Gheur a reçu le Grand Prix des Lycéens ainsi que, lors d'une cérémonie où les récompenses étaient multiples, le Prix des délégués et le Prix Tempête. Ne me demandez pas comment ça fonctionne, je l'ignore. Mais l'occasion est belle de saluer l'écrivain et son roman, Les étoiles de l'aube.
Journaliste d’occasion, Ralph Demy, bibliothécaire, y est chargé de collecter, auprès des lecteurs d’un quotidien liégeois, leurs souvenirs de la Libération. Les évocations sont émouvantes. L’une d’elles le lance sur la piste d’un secret longtemps préservé. Bernard Gheur fait mine de retourner dans le passé pour accomplir un devoir de mémoire. Puis le romancier sensible aux ombres de l’existence reprend la main. Il tire sur des fils d’abord ténus, les renforce, redessine la trame des existences. Si bien que quelques destins forment des carrefours, ouvrent des possibilités inattendues et finissent par ajouter le suspense à l’émotion, sans que celle-ci ne faiblisse jamais.
J'ai profité de l'occasion pour lui poser quelques questions, auxquelles il a aimablement pris le temps de me répondre hier soir.
Y a-t-il un plaisir particulier à recevoir, après le prix Marcel Thiry pour le même livre, un prix attribué par des jeunes lecteurs?
Un plaisir particulier, oui! Une grande joie. Auprès des adolescents, je me sens chez moi. Ce prix des lycéens m'a permis, dans un premier temps, de faire une "tournée" dans des écoles secondaires, aux quatre coins de la Belgique francophone. Cela meublait le plus agréablement du monde l'agenda d'un journaliste retraité, comme moi. J'ai beaucoup aimé chacun de mes rendez-vous avec de jeunes lecteurs et lectrices des Etoiles de l'aube. Je n'oublie pas leur regard sympathique et curieux, leurs questions souvent très originales et pertinentes. A chaque fois, un bain de jouvence! Ils ont trouvé une très jolie formulation pour l'un des trois prix qu'ils m'ont été décerné le 8 mai (mon "jour V"): prix "Tempête" du roman qui fait chavirer les cœurs J'adore! 2.200 élèves de classes terminales ont participé au vote. Ce sont les jurés les plus intègres et les plus intransigeants.
Les étoiles de l’aube est, me semble-t-il, le roman des réconciliations. Le journaliste et le romancier travaillent main dans la main, fondus dans un seul personnage. Le passé et le présent nouent des liens à travers les générations. Et les circonstances de ta naissance éveillent de lointains échos à notre époque. Était ce ton ambition en écrivant ce livre?
Oui. Réconciliations est le mot-clé de cette histoire. Des personnages appartenant à cinq générations différentes interviennent dans ce récit. Le journaliste-romancier Ralph Demy, qui fait office de narrateur, est un peu mon double. Il est sans cesse présent, tout en se livrant peu. Il s'intéresse aux souvenirs d'autrui. C'est un "moissonneur de souvenirs". Par ailleurs, deux histoires d'amour intergénérationnelles - totalement chastes - habitent le récit: celle du journaliste Ralph Demy et d'une lycéenne de seize ans; celle aussi d'un garçon de onze ans, le petit Guy Moutier qui, pour la première fois de sa vie, est ébloui par la grâce féminine sans trop savoir ce qui lui arrive. Son cœur bat, mystérieusement, pour une jeune fille, Jeanne Rivière, sa belle cheftaine de dix-huit ans, lors du printemps 1944.
As-tu vraiment effectué un travail de recherche pour écrire Les étoiles de l’aube, ou bien es-tu parti de quelques images pour tisser ta toile et y prendre tes personnages ?
Tout est vrai. Tout est tiré de témoignages que j'avais récoltés, comme journaliste, en 2004, pour le 60e anniversaire de la Libération. En temps de guerre, le quotidien est toujours extraordinaire, les choses de la vie sont plus incroyables que n'importe quelle fiction. Sur cette toile de fond authentique, j'ai placé mes protagonistes: l'aviateur américain, la belle résistante, la jolie rousse de seize ans, jeune fille d'aujourd'hui... Ces personnages principaux sont imaginaires, mais quand même inspirés de ce qui m'a été rapporté.
Tu t’es remis à publier avec une plus grande régularité. Es-tu occupé à écrire un nouveau livre?
Question embarrassante! J'ai pris du retard... Mon prochain roman est encore à l'état embryonnaire. J'ai envie de revenir - encore et toujours ! - à des histoires de guerre. Peut-être un roman centré cette fois sur le printemps 1945, avec la découverte de l'horreur des camps nazis.