Magazine Journal intime

C'est quoi un papa ?

Par Kasey

       Qu'est ce qu'un père ?

La première fois que je me suis posée cette question, j'avais 13 ans... plus de 10 ans après, je me la pose encore. 

J'ai été gentille en cours. Non, que je ne le sois pas habituellement ( quoique j'ai constaté que si je me mets à côté de certains étudiants, je deviens vite dissipée, du coup, je m'isole pour rester concentrée ^^ ). Mais, y a des mots qui créent des explosions de colère chez moi... Débordement d'aggressivité comme appelait cela notre prof de psycho cette année.

Et une intervenante en a fait les frais y a moins d'un mois... Alors qu'elle était toute gentille, compétente... et tout et tout. Elle ne méritait pas cela. Y a toujours après une certaine culpabilité qui vous envahie car vous savez que votre comportement est démesurée. Qu'il est trop personnel, anti professionnel. Mais, est ce que les professeurs pourraient comprendre un étudiant qui part en plein milieu d'un cours ? 

Là, je me suis forcée à rester en cours vendredi. J'ai écouté l'intervenante, passionnante au demeurant, mais j'étais mal à l'aise, et j'avais juste envie de m'enfuir, loin. Et de crier. Je l'admire cette kiné de travailler avec des handicapés psychiques comme on les appelle dans le jargon. 

Binome est venu me voir après le cours pour me demander ce qui n'allait pas. C'est étrange que lui aussi comme Bones lise en moi. Dérangeant presque. Ou alors c'est que je suis trop transparente, et que je contrôle moins bien mes réactions corporelles que je ne le pense. Pourtant, je me force, j'assiste à des cours qui me rende comme une cocotte minute, qui peuvent me faire perdre le contrôle de mes mots... de mes propos...

Je reste. 

Mais, je me sens en danger. 

Et j'ai horreur de cela.

J'arrive même pas à expliquer pourquoi... Qu'est ce que je suis censée dire alors... Excusez moi, mais j'ai subi un skizophrène en délire sans médoc quand j'étais enceinte. J'ai cru que j'allais mourir ou que lui allait mourir. J'ai du rester calme, gentille, patiente... alors que j'étais morte de peur. J'ai passé mon temps à le raisonner, à rester neutre... alors que je voulais m'enfuir dans une jolie bulle loin de tout. Ma psy m'a dit " vous avez été courageuse "... Ca sert à quoi le courage sur le moment, quand on reste complêtement traumatisé par un évênement, au point d'avoir peur à chaque appel, chaque sms... Au point d'avoir peur du mot " skizophrénie " dès qu'il est prononcé devant vous. 

Depuis que je fréquente Bones, les crises d'angoisse se sont atténuées... la distance ou l'apaisement. Allez savoir... Mais quand elles ressurgissent... 

Comment expliquer aux gens que je ne décroche presque plus mon téléphone ? 

Parce que j'ai toujours peur de la personne derrière la ligne... comme à l'époque, où je savais que s'il sonnait, c'était pour entendre qu'il avait fugué pour venir me voir, que je devrais l'affronter... que je devrais avoir peur pour lui, parce qu'il aura essayé de se flinguer... 

Qu'est ce que je suis censée dire quand on me pose la question ? Que j'ai peur... peur pour mon fils. Peur que s'il soit dans l'univers de cet homme il devienne comme lui. Peur que ce dernier le tue. Peur que ce dernier lui fasse du mal en pleine crise. Peur des prises de risques qu'il prenait déjà pour lui même et qu'il les fasse subir à un enfant. 

Et peut être le pire... peur que à 18 ans... mon fils soit pareil.

Parce qu'il a le passé génétique.

Parce qu'il a le passé microbien.

Parce qu'il est élevé par une mère célibataire adulescente.

Et que chaque fois... à chaque SMS, à chaque cours où l'on prononce ce mot, j'ai l'impression de recevoir toute cette merde dans la gueule, et de vouloir m'en protéger, en protéger mon fils, et ne pas pouvoir. Me sentir impuissante. Sans ressource. 

Le temps passant, un père... c'est ce que ni celui de mon fils ni le mien ont été.

Un père il doit protéger ses enfants, tout comme une mère.

Un père il doit sévir... de manière juste.

Un père il doit jouer sans mettre en danger.

Un père il doit apprendre sa vie, sa vision du monde, qu'elle soit ou non juste.

Etc.

Même si je me refuse à voir Bones comme cela, Bones ferait un bon père. Peut être un peu psychorigide envers son fils, et trop protecteur envers sa fille. Mais, il ferait un bon père, s'il diminue ses exigences envers les autres, il est juste, ferme, joueur. C'est impressionnant comment il se place à la même hauteur que Crap. Même si j'ai pas le droit de les regarder ou de les prendre en photos, j'adore les instantannés que je peux voir. Quand Crap fait l'avion, ou qu'ils sont assis tous les deux. Ou quand mon fils lui fait des calins, ou lui prête ces peluches ou réclame un livre. C'est trop mignon. 

Ou leurs crises de jalousie, qui se sont espacées... 

Mais c'était mimi aussi de les voir se chercher à m'accaparer, en reproduisant les mêmes gestes. 

Et il cadre. Que ce soit moi, ou Crap. Il met des limites, des cadres... 

Et je suis convaincue que les enfants et adultes d'aujourd'hui ont besoin de cadres, de les dépasser mais de savoir qu'ils existent. C'est sécurisant.

D'ailleurs, Crap obéit au doigt et à l'oeil... quand moi, je dois batailler pour me faire obéir ou respecter. Ce qui se fait non sans mal. Mais on y arrive petit à petit... En passant d'une méthode d'éducation à une autre.

Bones m'avait demandée un jour pourquoi j'étais pas sortie avec cet homme qui m'avait abordée peu de temps après les 5 mois de mon fils... En réalité, je crois que ce jour là, j'étais encore trop sujette aux crises d'angoisses, à la peur... Et quelque part, et c'est le cas aussi avec Bones, je ne me sens pas en droit d'imposer mon fils à quiconque, pas plus que mes peurs et mon sentiment d'insécurité, ou encore l'épée de Damoclès de se dire qu'un jour mon fils sera peut être lui aussi un handicapé psychique. 

A l'époque, encore maintenant, je prenais beaucoup de films et de photos de mon fils... Je retenais chaque détail de son évolution. Pour me dire que si... si... J'aurai au moins ces souvenirs là, heureux. Que je pourrais me raccrocher à cela si... 

A 13 ans, quand je me demandais à quoi servait un père... Je ne voyais que le contraste entre les enfants dans la rue avec le leur... et moi avec le mien. Toujours les conflits, les disputes... Parce que j'en avais ras le bol d'être un pantin manipulé, d'être obéissante, d'être une fille parfaite... 

Quand les années ont passé... Et aujourd'hui, que je n'ai plus de relations avec lui, je vois les choses plus sereinement. 

Je vois les bons moments. Ceux où on jouait dans le lac avec son frère, ceux où il me serrait fort quand je pleurais parce que mon playmobile avait été aspiré, où quand il était à mes yeux, le meilleur docteur au Monde ( il n'était pourtant pas médecin ), quand il m'apprenait à me défendre, à faire de beaux papiers cadeaux, ou quand il m'expliquait son travail que je trouvais passionnant... 

Et quand il a eu mon frère... et que j'ai compris combien les enfants étaient injustes envers leurs parents et blessants. La souffrance que parfois il ne réussissait pas à cacher face au rejet de ce dernier après une dispute. Le fait qu'un enfant aille toujours vers sa maman. ( je ressens la même chose quand mon fils coure vers sa grand mère... arg ).

Les gens autour de moi voudraient que les choses s'arrangent, veulent y croire. Mais pour la première fois de ma vie, je me rends compte que je suis rancunière. Que quand on me fait du mal. Vraiment. Et qu'on ne cherche ni à comprendre, ni à s'expliquer. Je ne pardonne pas.

Mon fils m'a appris une chose : y a des choses qui valent la peine de se battre, d'autres non.

Mais le temps est plus court quand on a un enfant, que lorsque l'on n'en a pas... et on ne souhaite pas le perdre en futilité, en disputes, en aggressivité, en peur...

On veut du temps pour sourire, être heureux...

Et si cela signifie renier la notion de paternité.

Alors avec joie.

Aileen.


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