Plus d’un siècle après leurs premières tentatives œcuméniques l’Eglise Réformée et l’Eglise évangélique luthérienne de France célèbrent leur récente union dans « l’Eglise protestante unie de France », au Grand temple de Lyon.
Depuis son apparition il y a bientôt cinq siècles, le protestantisme français s’est toujours considéré comme un « petit troupeau ». Son ultra-minorité (sur 1,7 million de protestants français, soit 3% de la population, environ 800 000 sont affiliés à la Fédération qui regroupe une trentaine d’unions d’Eglises réparties sur plus de 1 400 paroisses. La nouvelle Eglise protestante Unie en compte environ 450, avec 400 000 personnes qui font appel à ses services) l’a conduit à développer une manière d’être Eglise où l’on se serre les coudes, où l’on affiche une identité forte et sélective, ouverte à d’autres pourvu qu’ils s’y assimilent. Dans un contexte de société stable, où le culte majoritaire, catholique, pouvait être écrasant, cette manière d’être Eglise était pertinente. Elle a permis aux protestants français de tenir bon.
Mais ce monde a changé. En France, toutes les religions sont désormais minoritaires. De nouveaux cultes sont apparus. Les affiliations sont devenues mouvantes et peu lisibles. Croire est une démarche individuelle, choisie et évolutive. L’Évangile est très largement méconnu. S’ils veulent faire connaître cette « bonne nouvelle » qui les fait vivre, les protestants français ne peuvent plus se contenter d’être convaincus et accueillants. Il leur faut aller à la rencontre de leurs contemporains, pour partager avec eux cet Évangile, tel que la Réforme protestante l’a reçu et compris car un Évangile qui n’a jamais été aussi pertinent.
Joel Dautheville et Laurent Schlumberger
Crédit Photo ©EPUdF-DC
Les protestants doivent donc évoluer dans leur manière d’être Eglise, et particulièrement les protestants luthériens et réformés qui cultivent volontiers une certaine réserve. Ils le doivent et ils le veulent : c’est pourquoi ils ont réalisé leur union dans l’Eglise protestante unie de France. Une union comme un élan pour une Eglise de témoins. En accueillant au sein de la même Eglise deux traditions qui se conjuguent tout en restant toutes deux vivantes, il s’agit tant pour les réformés que pour les luthériens de se laisser décentrer. Se laisser décentrer les uns par les autres. Pour, ensemble, mieux se laisser décentrer par Jésus, le Christ, qui appelle à la rencontre. Cette union prend ainsi le contre-pied des peurs identitaires si fréquentes, notamment dans le monde religieux. Elle est le signe d’une grande confiance : confiance reçue de Dieu, confiance les uns dans les autres, confiance dans la rencontre avec les contemporains, confiance dans la capacité à renouveler le langage pour témoigner de l’Évangile : ce sera le premier grand chantier de l’Eglise protestante unie de France à l’horizon 2017, année des 500 ans de la Réforme.
Un synode, pour quoi faire ?
Le premier Synode national de l’Eglise protestante unie de France réunit les délégués de leurs 450 églises locales ou paroisses du 8 au 12 mai au Centre Valpré à Ecully. Le synode national est composé de 220 membres, dont 103 à voix délibératives, élus par les 10 synodes régionaux qui se sont tenus les 16 et 17 mars derniers. Le synode national se réunit chaque année pour une session de 3 jours. Le synode national 2013 a débuté ses travaux le mercredi 8 mai à 20h30, dont l’un des chantiers principaux sera une réflexion sur la fin de vie. Il les interrompra pour la journée inaugurale du samedi 11 mai et les reprendra dimanche 12 mai au matin. Le synode national va examiner les rapports du conseil national et des diverses instances nationales ainsi que le rapport financier pour l’année écoulée et régler des questions institutionnelles. Il va procéder notamment à des élections, en particulier l’élection du premier Conseil national de l’Eglise protestante unie de France, constituée juridiquement depuis l’été 2012, lequel élira son président. Le pasteur Laurent Schlumberger, 55 ans, président du conseil national de l’Eglise réformée de France est pressenti pour être élu mais son nom ne sera annoncé qu’au début du service inaugural du samedi 11 mai à 10h.
Une union respectueuse de la diversité
Samedi, le 11 mai, un village d’animation se tiendra sur le quai Augagneur, face au Grand Temple de Lyon qui accueillera le culte inaugural. Le thème du village est : « Ecoute, Dieu nous parle… »
L’union entre « Eglise évangélique luthérienne de France » et « Eglise réformée de France » pour devenir « Eglise protestante unie de France » (EPUdF) fait suite à un long cheminement qui tient compte des échecs du passé (lire l’encart « dates clés » ci-dessous). Cette union était déjà partiellement vécue, en particulier au travers de la formation commune des pasteurs (depuis 1969) et de la possibilité d’exercer le ministère pastoral dans l’une ou l’autre Eglise. Le processus d’union a été mis en œuvre à la demande de paroissiens, en particulier de la minorité luthérienne, et de synodes dès 2001. L’union se base sur une communion de foi effective en Jésus le Christ. Elle s’appuie sur une déclaration d’union, une seule Eglise nationale, un seul synode national, un seul corps de ministres. Mais quelques divergences existent toujours entre les deux grands courants de la Réforme, née au XVIe siècle, celui d’un Martin Luther (1483-1546), plus centré sur les questions mystiques et pastorales, et celui de Jean Calvin (1509-1564), davantage impliqué dans l’organisation d’une église indépendante du pouvoir. La principale opposition réside dans la compréhension des sacrements, Calvin ayant une vision plus symbolique. C’est ce point qui provoqua l’échec de la première tentative de concorde entre Luthériens et Réformés, en 1529.
La nouvelle Eglise est proposée non comme un aboutissement, mais comme base commune de vie, et en vue d’un meilleur témoignage et service de l’Évangile en France. Elle vise à prendre en compte le plus largement possible la diversité (théologique, ecclésiale, liturgique) existant dans les deux Eglises, avec la volonté de s’en enrichir et, sur cette diversité, de proposer à la société un témoignage commun. L’organisation actuelle en régions est maintenue, sans bouleversement du fonctionnement qui leur est particulier. L’EPUdF constitue une base ouverte à des développements futurs, et se veut ouverte à d’autres Eglises de la Réforme.
Mais au-delà du rapprochement souhaité, cette union vise aussi à faire face au développement, spontané d’églises d’un genre nouveau, relevant d’un « néo-pentecôtisme » exubérant, syncrétique, non soumis à une institution, apparu au Brésil et en Afrique et qui fleurit parmi les populations immigrées.
Relations œcuméniques en France
Rassemblement religieux des protestants à Mialet, au Mas Soubeyran.
Photo © maxppp/lemidilibre
La rencontre à la base avec d’autres chrétiens, l’engagement au dialogue œcuménique, aux projets diaconaux et à l’action sociale en commun, sont des socles importants pour le témoignage à Jésus-Christ. A travers la Fédération protestante de France (FPF), dont elle a été une des Eglises fondatrices, l’Eglise protestante unie de France s’engage de façon concrète dans les relations fraternelles entre les différentes Églises, Œuvres et mouvements du protestantisme en France. Elle est également engagée dans l’œcuménisme multilatéral avec les Églises orthodoxes et avec l’Église catholique, à travers le Conseil d’Églises chrétiennes en France (CECEF). En un temps où le paysage ecclésial et œcuménique se complexifie, en France comme ailleurs, l’Eglise protestante unie poursuit les dialogues théologiques avec d’autres Églises dans le cadre de la Communion protestante luthéro-réformée (CPLR). Elle encourage ses membres à aller à la rencontre des Églises issues de l’immigration, ainsi que des Églises évangéliques et pentecôtistes.
L’Eglise protestante unie de France entretient des liens multiples avec de nombreuses Eglises protestantes de par le monde, en Europe, en Afrique, en Amérique, en Asie. Les liens de l’Eglise protestante unie de France avec l’Eglise universelle sont de deux types : des liens bilatéraux avec des Eglises luthériennes, réformées, ou unies, sur à peu près tous les continents (partages d’information et d’expériences, accueil de délégations, visites aux synodes respectifs, organisation de conférences et rencontres diverses) ; l’appartenance aux organisations œcuméniques internationales (le Conseil œcuménique des Eglises, la Cevaa – communauté d’Eglises en mission, la Conférence des Eglises européennes, la Fédération luthérienne mondiale, la Communion mondiale
d’Eglises réformées, la Communion d’Eglises protestantes en Europe, la Conférence des Eglises protestantes des pays latins d’Europe).
Ces organisations ont une triple fonction : théologique et spirituelle, diaconale (mutualiser les forces pour répondre aux besoins exprimés par les Eglises membres comme la lutte contre la pauvreté, la prévention du VIH/Sida, secours en cas de catastrophes naturelles, etc.) et de plaidoyer, agissant comme un relais auprès des gouvernants des interpellations issues du travail des Eglises sur le terrain (défense des migrants, appel à une économie plus solidaire, protection de l’environnement, promotion de la paix, défense des minorités, etc.).
45.764043 4.835659Quelques dates clés :
- 1960 : Dans le cadre des recompositions du protestantisme d’après-guerre, et inspirée par l’Eglise confessante allemande (qui avait résisté au nazisme), la question de l’unité du protestantisme français s’était à nouveau posée. Le pasteur Georges Casalis lance le projet d’une Eglise évangélique unie et une première instance commune de dialogue entre les quatre Eglises luthériennes et réformées de France et d’Alsace-Lorraine, dénommée les Quatre bureaux, est créée.
- 1968 : Un travail théologique commun aboutit à la rédaction des Thèses de Lyon portant sur le statut des Écritures et de la Parole de Dieu, le baptême, la cène. Une esquisse pour l’union des Eglises évangéliques est créée mais échoue..
- 1969 : Les Quatre bureaux se transforment en une instance plus formelle qui prend le nom de Conseil permanent luthéro-réformé (CPLR) où les Eglises se rencontrent et échangent.
- 1973 : Les Eglises luthériennes et réformées de l’ensemble de l’Europe adoptent un texte, La Concorde de Leuenberg, qui constate leur accord sur l’essentiel et où elles se déclarent en pleine communion. Le CPLR rassemble les Eglises signataires de la Concorde en France pour une collaboration limitée : formation permanente des pasteurs, œcuménisme, catéchèse.
- 2001 : Une paroisse luthérienne, puis le synode national de l’Eglise réformée de France (ERF) et, en 2003, le synode général de l’Eglise évangélique luthérienne de France (EELF) demandent une plus grande visibilité de la communion entre ces deux Eglises.
- 2005 : L’Inspection luthérienne de Montbéliard et la Région Est de l’ERF expriment la volonté d’une région unie luthéro-réformée.
- 2006 : Les alsaciens crée l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine (UEPAL) .
- 2007 : Le Conseil permanent luthéro-réformé est renommé en “ Communion protestante luthéro-réformée ” et le processus d’union EELF-ERF est lancé par les synodes conjoints des deux Eglises à Sochaux-Montbéliard.
- 2009 : Une « feuille de route » est définie pour la construction de l’union par les deux synodes nationaux réunis à Bourg-la-Reine. Les paroisses et Eglises locales adaptent leurs statuts.
- 2012 : Les textes constitutifs de la future Eglise protestante unie de France sont votés par les synodes conjoints de Belfort. La Nouvelle Eglise protestante unie de France est juridiquement constituée.
- 2013 : Le 1er Synode national de l’Eglise protestante unie de France, communion luthérienne et réformée, se tient à Lyon.