J'ai beau faire. C'est comme au cinéma. C'était pas moi. J'avais rien à voir avec eux, moi. C'était comme si j'avais déjà vu le film. J'aurais pu raconter la fin. Je savais que je m'en souviendrais, que ça serait là, toujours et que j'y croirais toujours pas. J'avais pas douze ans. Et le grand-père, tout mort on l'avait mis dans une cour, je sais pas où. Mais il y avait cette mouche. J'invente rien. Une moche qui rôdait autour de la tête du grand-père, pas n'importe lequel grand-père, le mien, moi qui vous raconte ça. Et alors, à un moment on m'a dit qu'il fallait l'embrasser le vieux dans son cercueil... ce vieux machin dont je ne savais rien et dont je venais. Et donc, je l'ai embrassé sur le front et c'était salement froid ce front de cadavre. C'était pas le premier mort que je voyais, mais c'était le premier que je touchais. De me dire aujourd'hui que sans lui, ce mort-là je serais pas en vie, rien à faire : ça m'attendrit pas. Se rendait pas compte que j'existais ce vieux. Pensait qu'à lui. Qu'à sa vie de merde, sa vie de gardien de square ou je ne sais quoi. Me voyait pas le vieux. Me parlait pas. C'était comme si j'existais pas pour lui. Alors j'en ai rien à foutre de ce qu'il était. Fallait pas qu'il vive cette vie de merde, qu'il dise pas que ma sœur c'était une chienne, et ma mère une pauvre pute. Sales vieux cons. Crevés. Je suis jamais allé sur leur tombe. J'irai jamais. Mérite pas ma mémoire. Des morts qu'ils étaient, même vivants.