Maryse n’est pas ma tante, Maryse n’est pas un monument historique comme on en trouve en Dordogne, ni une table renommée de la région. Non, Maryse, c’est un concept, Maryse, c’est un lieu de mémoire, Maryse, c’est la France qui se lève tôt, la France qui travaille toujours plus sans pour autant gagner plus. La Corrèze, ce n’est peut-être pas le Zambèze, mais Chez Maryse, c’est le Flagship de l’estaminet, le Colette des bars tabac de campagne.
Bar tabac oui, mais aussi épicerie, dépôt de pain, point presse, relais colis, permis de pêche, syndicat d’initiative, borne UGC, petites annonces matrimoniales, potentiel Mont de Piété et surtout lieu de convivialité. Située au carrefour avec la D12, Maryse fait le pont tous les jours. Pourtant elle n’a pas attendu que la Pentecôte devienne journée de solidarité pour vous offrir sa gentillesse au microcosme électoral de 7 à 97 ans.
Pour ceux qui viennent ici, la « fracture sociale » n’est qu’un vague thème de campagne d’un ancien Président, pourtant lui aussi corrézien. Maryse, c’est du lien social en pelote tricoté au point mousse, une association sans statut et pourtant reconnue d’utilité publique par tous, y compris par la DG Regio qui lui a versé des subventions pour organiser des « after » limousins sur sa terrasse en béton: depuis la création du FEDER, on n’avait jamais vu un tel taux d’absorption pour une buvette.
Chez Maryse, c’est la plaque tournante de l’info, le dealer de scoops, l’IFOP en province, l’antenne locale de la rue des Saussaies. Ici, les RG, ce sont vous, moi, ce sont ce couple néerlandais venus à pied du camping et cette équipée de pêcheurs à la mouche revenant d’une matinée passée mi-cuisses dans la Maronne ou encore ces agriculteurs qui une fois le bétail mis au vert, viennent se récompenser d’un coup de rouge.
Il suffit alors de tendre l’oreille pour sentir le pouls de la vallée et étouffer un sourire discret à l’enchevêtrement des conversations : « Tiens, Jacky a vendu sa R5. Sa mère est morte. Remarque, elle a eu une belle vie. 25 ans pour une voiture, c’est pas si mal. T’aurais pris des sièges en cuir toi ? Va falloir penser à tondre avant qu’il ne pleuve. Tu vas toujours chez Jacqueline la coiffeuse ?» Bref, c’est entre « Nous deux », « Modes et travaux » et « Le nouveau Détective ».
Quand le portable n’existait pas, on allait chez Maryse, sûrs et certains que le message parviendrait à son destinataire dans la journée. Mais à l’heure des IPad et autres tablettes, on continue tout de même de faire le pigeon voyageur, ne serait-ce que pour le plaisir de commander un Birlou bière et de lire la Vie Corrézienne en commençant, comme pour le Monde, par le Carnet. On y apprend les dernières nouvelles, en observant le nez au vent, le ballet des voitures qui descendent vers le soleil tandis que d’autres remontent en fin de journée les canoéistes épuisés, coups de soleil sur les genoux, bronzage marcel et ampoules aux mains. Maryse a ses habitués et ceux qui le deviennent.
Bref, Maryse, on aime y chercher des cigarettes, les seules Vogues bleues à 30km à la ronde, on y gratte un numéro fétiche, on y savoure un guignolet ou un Orangina bouteille, et on y traine surtout pour se respirer un peu de la France éternelle, cette France en sépia qui l’été venu se colorise de quelques vacanciers et des parisiens revenus au pays.
Maryse, c’est la « Marianne » moderne, bien plus que Catherine Deneuve et qu’Isabelle Adjani réunies. A quand son buste dans les Mairies et son portrait sur les cheminées ? A quand « Maryse, Présidente » ? Elle a déjà notre suffrage, elle aura sûrement bientôt le vôtre. Jamais deux sans trois ?
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Où : Chez Maryse, Pont de Monceaux sur Dordogne, 19400 Argentat
Quand : Open bar du lever au coucher du soleil. L’inverse est aussi vrai.
Avec qui : Les régionaux de l’étape Dédé, Mimi et Hubert, les connaisseurs Suz’, JL, JD, BS et les amis de passage, Nico, Stéph, Jul’ et tant d’autres encore.
A vos pieds : no dress code is the new dress code
Dans votre Ipod : J’ai demandé à la lune, Indochine