LAURENCE DEQUAY
La Commission Européenne souhaite que la France accélère des réformes "structurelles". En revanche, vis à vis de l'Allemagne, elle se montre bien plus tolérante que des économistes d'Outre-Rhin qui alertent sur le suicide démographique de leur pays.
SIERAKOWSKI/ISOPIX/SIPA De la France à laquelle elle vient «d’offrir» un sursis de deux ans pour réduire à 3% son déficit, la Commission européenne on le sait déjà, attend à minima, une réforme des retraites, une baisse coûts du travail et la libéralisation de ses services.
En revanche lorsqu’elle passe en revue l’Allemagne, elle se montre bien moins incisive. De son point de vue cela se comprend : en 2013 l’ensemble des comptes publics de notre voisin dégagera, au sens des critères de Maastricht, un excédent de 2,2 milliards d’euros.
Toutefois comme sa croissance - plus 0,8% - restera poussive au regard de son poids économique et de ses excédents commerciaux, elle se risque tout de même, à bas bruit, à émettre quelques reproches.
Ainsi en 2012, elle regrettait que la chancelière Angela Merkel impose trop lourdement ses ménages pauvres ; qu’elle s’accommode de 7 millions de précaires abonnés à des mini jobspayés royalement 450 euros par mois, quand bien même ce statut de tâcheron ne leur permet pas de réintégrer le marché du travail ; et donc de contribuer pleinement à la croissance de leur Nation, comme à celle du Vieux Continent.
Dans la même veine, elle s’inquiétait de ce que les länder empêchent des millions de mères de travailler à temps plein, en ne construisant pas les crèches et les écoles où elles pourraient déposer leurs enfants toute la journée. Tous investissements utiles qui leur permettraient aussi de doper l’activité de l’Allemagne.
Sauf que, tous ces constats forts judicieux ne s’accompagnaient nullement d’objectifs chiffrés ou contraignants ! A la différence des l’impératifs de réduction de déficit prévu par le pacte de stabilité. Doit-on s’accommoder de cela ?
Ce n’est pas l’avis d’Hans Werner Sinn, le président de l’IFO, l’un des plus influents instituts économiques à Munich. Dans une interview à die Welt, ce spécialiste de la croissance à long terme - ce qui en soi suffit à le classer parmi les iconoclastes - tente même de déciller les yeux de ses concitoyens sur leur avenir. Il leur rappelle donc qu’en dépit d’une taux de chômage de 6,9%, moins élevé qu’au sud de l’Europe et quasi stable, l’Allemagne est loin d’avoir atteint le plein emploi puisqu’il lui manque au moins trois millions de jobs à temps plein.
Angela Merkel soutient l'initiative Wellcome, qui vient en aide aux jeunes parents - EMEK/DDP IMAGES EDITORIAL/SIPA Surtout il estime que ses caisses sociales comme toute sa société sont fatalement menacées par sa dénatalité galopante.
Et qu’en dépit de toutes les assurances juridiques qui leur ont été données, les retraites des Allemands ne pourront sur le long terme être financé par une population de 20-65 ans dont le nombre, selon les prévisions de la fondation Bosch, aura fondu de 6,1 millions en 2013.
Un handicap structurel aggravé par le fait que l’Allemagne ne dépense pas assez pour la formation de ses rares écoliers, tout particulièrement ceux issus de l’immigration…
Aussi pour relever ce grand défi nataliste, Hans Werner Sinn préconise des mesures radicales : primo alléger considérablement les impôts des familles allemandes. Secundo, accorder des droits de vote double ou triple à toutes les élections à ces parents.
Autant d’injonctions qui devraient inspirer une commission européenne si soucieuse de déficit et de réformes de fond. Car enfin, n’est-ce pas vraiment chérir les Allemands que de souhaiter qu’ils soient plus nombreux et que les inégalités entre les hommes et les femmes s’atténuent dans un pays cornaqué par une chancelière ?