Faut-il du talent pour réussir? L’histoire de Dan McLaughlin

Publié le 09 mai 2013 par Sportpsy @sportpsy

Le talent est-il un pré-requis pour réussir à haut niveau dans le sport? Est-ce que l’on peut réussir sans talent mais avec un entraînement acharné? Se développe-t-il? Et d’abord, qu’est-ce que le talent? Toutes ces questions taraudent la plupart des sportifs et entraîneurs et nous n’avons aucune certitude sur ce qui fait la différence entre un sportif qui réussit et un sportif qui échoue. Quand on regarde Roger Federer, Kelly Slater, Zinedine Zidane, Tiger Woods, on s’aperçoit que ce sont des sportifs hors norme mais à qui on attribue un «talent», un don, quelque chose de particulier et d’unique qui a sûrement contribué à leur réussite. Etre doté d’un talent peut être à la fois une source de fantasme mais aussi de déception pour les sportifs qui pensent qu’ils en sont dénués. Reste à voir si le talent se résume à une aisance technique, physique ou une vision. On retrouve de nombreux sportifs de haut niveau qui ont un talent naturel et n’arrivent jamais à percer et inversement (et pour la grande majorité), des sportifs à qui ont ne reconnaît pas cette aisance naturelle mais qui ont passé leur vie à affiner leurs compétences pour atteindre ce  haut niveau de performance. Est si le talent était une croyance?

Pour illustrer cette question, j’ai décidé de vous présenter l’histoire d’un Américain de 30 ans, pas sportif et pour qui cette question ne s’est pas posée de cette manière. C’est l’histoire de Dan Mc Laughlin, qui a eu une révélation un jour: devenir professionnel de golf.

Dan est parti d’un constat fait par le scientifique Ericsson pour qui 10 000 heures de pratique «délibérée» amènent un débutant dans n’importe quel domaine à devenir un expert. Pour ce scientifique, le talent est un mot galvaudé et ses recherches l’ont amené à conclure qu’il fallait 10 000 heures d’entraînement, d’une pratique délibérée, c’est à dire une pratique uniquement dévouée à une tâche pour réussir. Insistant sur le fait que la répétition n’est pas en elle même suffisante, mais qu’il faut également avoir un feedback suffisamment précis pour pouvoir analyser ses faiblesses et travailler sur ce point. Ericsson a étudié de nombreuses disciplines (Football, scrabble, médecine, musique) et postule donc que n’importe qui pourrait donc accéder à son rêve de devenir un expert dans une activité en se dévouant totalement à ce projet. Mc Laughlin décide donc de contacter le scientifique, qui fut immédiatement intéressé par ce projet car un paramètre s’ajoute à ses recherches, celui de l’âge. Autrement dit, est-ce que l’âge peut être un facteur limitant dans l’apprentissage? Car Mc Laughlin n’est pas un jeune loup, mais un trentenaire, n’ayant pas de prédispositions particulières pour le sport.

Il faut prendre en compte quelques éléments de la personnalité de Dan décrite par ses parents comme étant «changeant», «original». Car il s’est essayé à plusieurs activités mais a toujours eu une tendance à s’ennuyer rapidement et à ne pas aller au bout de ses projets. Alors son projet de devenir golfeur est apparu d’abord comme un caprice aux yeux de son entourage. Mais pas pour Dan, pour qui cette tâche lui semblait suffisamment difficile pour lui maintenir un intérêt pour garder une motivation intacte avec le temps.

Etant donné que la pratique «délibérée» nécessite de se consacrer entièrement à l’apprentissage, Dan décide de suivre cette théorie en abandonnant son travail de photographe, en décidant de vivre avec ses économies et en supprimant les dépenses superflues. Dan semble donc investi dans son projet comme un scientifique qui serait son propre cobaye. Son défi est immense car il s’est fixé comme objectif d’atteindre après 10 000 heures de pratique (qui représente 6 années d’apprentissage) les qualifications du PGA tour, de se qualifier pour les cartes et d’éventuellement gagner un tournoi amateur.

Pourquoi a-t-il choisi le golf? Il avoue qu’il avait pensé à la musique ou à l’architecture mais que le golf était une activité pour laquelle il n’avait aucun à priori ni connaissance et qu’en plus il pouvait mesurer les progrès d’une manière tangible: mesurer le nombre de coups, les distances. Pour lui, cela semblait virtuellement impossible, mais en théorie possible. Autrement dit, pourquoi ne pas tenter ce pari?

Dans sa quête, Dan s’est accompagné d’un entraîneur qui l’a d’abord dissuadé de son projet. Pour l’entraîneur, cela étant offensant de voir arriver un débutant qui partait d’une idée que le golf serait simple et qu’il suffisait de 10 000 heures d’entraînement pour arriver à être professionnel. Mais l’entraîneur finit par accepter en voyant la détermination de Dan et met en place une méthode originale et inédite. Il accepte mais à condition que Dan suive son enseignement: il commence par lui demander de faire des putts d’un mètre, puis de deux pendant des mois. Au bout d’une année, Dan a eu le droit de toucher à un fer. Pour l’entraîneur, c’était un moyen de tester la motivation de Dan en le frustrant dès le départ, mais Dan s’est accroché. C’est aussi une expérience qui lui permet de tester une méthode et de réinventer l’apprentissage en se demandant quel niveau pourrait donc atteindre ce débutant.

Aujourd’hui, Dan a déjà 3 années d’entraînement et 4 000 heures au compteur. Il est presque à la moitié de son projet et répertorie statistiquement ses progrès sur son blog. Il a même trouvé des sponsors qui se sont intéressés à cette expérience. Il s’est entouré d’un spécialiste du swing, d’un préparateur mental et s’est lié d’amitié avec quelques professionnels qui ont été intrigués par son projet. Sur ce point, on peut déjà féliciter Dan, qui partant de rien, ne pouvait qu’avoir une évolution favorable. Mais après 3 années d’entraînements, il a déjà réalisé au meilleur de ses performances un +8. Ce qui constitue déjà une performance en soi. Le but étant maintenant d’arriver à réitérer ses performances.

Cette histoire m’a donc intéressée, d’abord parce que j’aime les personnalités originales, mais aussi parce qu’elle soulève plusieurs interrogations par rapport aux paramètres psychologiques.

Le golf fait partie des sports les plus exigeants d’un point de vue mental. Car il ne suffit pas de savoir taper des coups, être adroit ou intelligent pour analyser ses stratégies. Le paramètre psychologique fait la différence entre un bon golfeur et un excellent golfeur. Alors je me demande comment Dan va gérer ces aspects?

D’abord, je me pose la question de la quête, du but derrière ce projet. Je me demande si au delà de l’expérimentation, un projet comme celui-ci permet de donner un sens à sa vie, peut aussi représenter une fuite de la réalité et si cette quête est réellement sincère car il est maintenant déjà médiatisé. Pendant six années, il peut être rassuré de s’investir dans un projet en ayant toujours comme but de progresser. Cela peut être excitant en soi. Mais qu’adviendra-t-il s’il ne réussit pas à atteindre son but? Et puis qu’en fera-t-il par la suite? A mon sens, pour réussir un projet comme celui là, il faut une motivation hors norme, c’est à dire d’arriver à donner un sens profond à cette quête et j’espère que Dan a réussi à identifier ce qui le pousse réellement à tenter cette expérience.

Ensuite, si les heures d’entraînements vont l’amener à progresser d’une manière assez logique, il va peut être se produire un palier dans la progression de son apprentissage. Car s’il descend son score au fur et à mesure, d’arriver à faire un score négatif est une autre tâche. Ce n’est pas parce qu’il a progressé en partant de rien qu’il arrivera à atteindre une stabilité dans ses performances, car il n’y a rien de plus versatile que le golf.

Son projet est centré sur ses performances et donc lié à des résultats. S’il se focalise là dessus pour constater ses progrès, il me semble qu’il y ait un gouffre entre ce qu’on réalise à l’entraînement et en compétition. Je me demande comment il va gérer ses compétitions, car ce qui est le plus compliqué à gérer est cette pression liée à ses résultats. Alors qu’il insiste sur l’apprentissage, la compétition nécessite que l’on gère le score, les temps morts, les mauvais coups. Un golfeur qui réussit est celui qui arrive à rester au présent à chaque coup et à gérer ses états d’âmes liés au score. Qui nous dit qu’avec ses 10 000 heures d’entraînement, qu’il soit capable de cela?

Enfin, cette expérience est fascinante car elle pose la question de la part du talent dans les performances. Peut être que Dan, sans le savoir a des qualités intrinsèques qui font qu’il pourrait réussir ce pari. Il semblerait encore plus intéressant, mais impossible d’une manière pratique, à prendre une dizaine de joueurs, sans passé sportif, du même âge et de comparer leur évolution. Et on pourrait voir si à un niveau égal, ce qui fait qu’un joueur arrive à être plus performant qu’un autre et il semble pourtant difficile d’isoler un paramètre, qui expliquerait ce «petit plus» qui fait la différence.

Etant curieuse de nature, je vais suivre ce projet car les questions que je viens d’évoquer méritent de trouver un début de réponse. Et seul le temps nous apportera ses réponses et nous dira si Dan peut réussir son pari. Je lui souhaite en tout cas. Car au delà de son côté expérimentation, le projet de Dan est le projet d’un homme qui teste ses limites. Peut être chacun de nous se limite, s’invente des excuses pour ne pas aller au bout de ses rêves. Dan fait partie de ces personnes qui croient que l’on peut tenter l’impossible et que la force du rêve et la détermination peut parfois amener à réussir son projet en dépit des circonstances et du talent. Peut-on penser qu’il suffit d’y croire pour réussir et que c’est en là que réside le talent, comme le disait Mark Twain: « Ils ne savaient que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». 

J’ai envoyé quelques questions à Dan sur ces paramètres psychologiques et j’espère donc pouvoir publier un entretien de lui. En attendant, je vous invite à regarder son blog pour comprendre mieux son projet.

Lien pour suivre Son blog: The Dan Plan

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