Quatuor

Publié le 09 mai 2013 par Petistspavs

J'allais publier ce billet quand j'ai entendu à la radio une info qui me réjouit. Il semblerait (restons précautionneux) que le Grand Chancelier de la Légion d'honneur (un militaire) s'oppose à la proposition de la ministre de la culture visant à distinguer de ladite Légion, Bob Dylan... Bon, je fouille dans mes souvenirs personnels, Dylan, la Légion d'honneur, pourquoi pas, en effet, marier la carpe et le lapin ? Sinon, je me prends à rêver. Et si, plutôt qu'avoir l'honneur de figurer aux côtés de Céline Dion, Barbelivien, Christian Clavier ou Poutine, Dylan choisissait de refuser la breloque, en compagnie de Beauvoir, Sartre, Camus, Pierre et Marie Curie, Ferré, Bernanos, Maupassant, Ravel. Choisis ton camp, camarade.
C'est l'occason de revoir une vidéo que j'aime bien. Franchement, la Légion d'honneur qui distingue n'importe qui, mérite-t'elle Dylan ?

J'aime bien les correspondances, les liens, les relations et depuis quelque temps, avec chacun sa personnalité, son approche singulière, certains films se parlent. Et pas les pires. Ainsi Amour de Haneke et The land of hope de Sion Sono nous disent chacun sa vérité sur ce que ça implique de vieillir ensemble, de s'aimer jusqu'au bout et de faire face à l'épreuve dernière. Une vie simple, de Ann Hui qui nous dit, à nouveau, la vigueur du cinéma de Hong-Kong résonne, mais comme en creux, comme dans un champ contre-champ intercontinental avec Quartet de Dustin Hofman. Les deux, l'un de manière minimaliste et lyrique, moderne,  l'autre de façon pailletée, hollywoodienne et brillante, posent, avec la question du vieillissement, celle de l'acceptation ou non de perdre une certaine capacité de donner et de recevoir (qu'il s'agisse d'art lyrique ou de secrets de cuisine) d'être désormais un vestige de ce que l'on a pu être.

Ces correspondances me troublent d'autant qu'on ne les rencontre pas que deux à deux. Les quatre films se parlent et nous interrogent sur le devenir. Et nous montrent du doigt que seul l'amour (le beau titre de Haneke), dans des formes certes différentes, soit donne la force de continuer, soit cele d'arrêter. The land of hope tient ce discours de la façon la plus radicale, en nous le répétant trois fois, à travers trois histoires entremêlées dans l'environnement mortifère d'une catastrophe nucléaire.
Je vois un lien entre les quatre films qui renforce ce sentiment de quatuor (tout à fait fortuit, au moins sur ce dernier point) : la présence dans chacun des quatre films d'un extraordinaire personnage de femme âgée, fragile, bouleversant, porté par une actrice d'exception. C'est évidemment Emmanuelle Riva (Amour), l'actrice extraordinaire Naoko Ôtani qui incarne Chieko (The land of hope), vieille petite fille un peu ailleurs, qui habite ses rêves et nous fait pleurer, Deanie Ip, dont la vie a été si simple, et... Et je suis embêté par Quartet car le génie féminin est partagé par deux personnages, deux actrices belles à pleurer (encore !), Maggie Smith et Pauline Collins (dont le personnage, fragile et un peu alleurs est si proche de la Chieko de Land of hope) qui font jeu égal.

Une seule différence entre Une vie simple et les trois autres films, les actrices se confrontent dans Quartet, Amour et The land of hope à des acteurs de dimension suffisamment exceptionnelle pour tenir la route et se montrer au niveau : Jean-Louis Trintignant, Tom Courtenay et Isao Natsuyagi. Ce n'est pas le cas de Deanie Ip dans Une vie simple, sans doute parce qu'elle n'a pas réellement de compagnon avec qui affronter la vieillesse. Le fils de la famille pour laquelle elle a travaillé soixante années, qu'elle considère autant comme un fils que comme un patron et qui l'aime tendrement (filialement), ne peut jouer ce rôle de compagnon. Et l'acteur, qui est bien, n'est pas au niveau de la douce Deanie Ip.

Une vie simple n'est pas un film compliqué, loin de là, mais subtil et tendre. Ah Tao (Deanie Ip) a consacré 60 ans de sa vie à travailler comme domestique pour la famille de Roger, trentenaire célibataire, producteur de cinéma. Une relation très particulière s'est nouée entre la domestique et les générations de patrons dont elle s'est occupée, qui ignore la lutte de classe. Quand un accident cardiaque lui interdit de continuer son travail, elle choisit de se retirer dans une maison de retraite. Elle observe ces vieilles personnes ayant atteint diférents stades de la dépendance (les pensionnaires d'une véritable maison de retraite, ce qui évoque bien sûr Quartet, d'autant qu'un érotomane -interprêté, lui, par un acteur - y sévit...) avec étonnement et sensibilité, bienveillance. Mais sa préoccupation est Roger, son ancien patron. Il lui manque et sait qu'il est en fait incapable de s'assumer seul. Et là me semble être le noeud du film : dans une relation fondée sur le don et non sur la relation amoureuse, familiale ou d'opposition (opposition de classe), comment continuer à donner pour continuer à recevoir lorsque le corps se dérobe ?
Très beau film.

 PUB

Présentation
(par le Forum des images)

Forum des Halles, 2, rue du Cinéma
75045 Paris Cedex 01
Cliquer le logo du Forum pour voir le programme complet.

Quelques envies dans les sorties de la semaine : deux documentaires, Liv & Ingmar, parce que c'est Elle, parce que c'est Lui et L'esprit de 45, parce que c'est signé Ken Loach. Peut-être Porfirio, parce que Colombien, et je ne connais pas le cinéma colombien. Pourquoi pas une reprise alléchante, Raccrochez c'est une erreur d'Anatole Litvak, parce que Burt Lancaster et Barbara Stanwyck en 1949, un beau millésime (non ?). Peut-être le Robert Redford, parce que Robert Redford, quand même ! Je reste assez réservé à propos de Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas qui me tente plastiquement mais sans plus... Peut-être un ou deux films de la semaine précédente ? Intervallo me tente, Stoker m'interroge.

 Petit rappel :

Orléans n'est pas facile à trouver sur la carte des salles parisiennes.

On ne peut le voir qu'au MK2 Beaubourg, tous les soirs à 20h00
et au Reflet Médicis,sauf le dimanche et à des heures impossibles.

Mais pour 58  minutes de bonheur cinématographique,
entre rêve et docu,
ça peut justifier un petit effort.

A bientôt.