Entendu : ce mardi 16 avril les premières hirondelles piailler sur les façades du boulevard.
Déniché : non pas ces hirondelles, mais, lors d’un vide grenier, 5 livres de la collection « Le livre de demain » des Editions Arthème Fayard avec
- Joseph de Pesquidoux (de l'Académie Française et chroniqueur terrien local puisqu’il résidait pas très loin d’ici, près d’Eauze dans le Gers) « Le livre de raison » avec des bois gravés de L. William Graux. Dans ce texte, il relate une ancienne coutume de l’Armagnac dénommée la « Roste », version païenne du baptême particulièrement originale et exclusivement réservée aux femmes :
« A la maison, elle[1] retourne au foyer. Et elle prépare la « roste », dont elle a fourni le pain et le sucre : la roste, agape coutumière qui suit un divertissement allègre. Elle allume une flambée de beau bois pétillant. Et, au-dessus, au lieu d’eau, elle suspend une bassine de vin vieux, où elle jette son sucre, de vin d’or, tout traversé de lueurs mobiles, qui s’est éclairci dans l’ombre fraîche du chai. Et, tandis qu’il chantonne sous la flamme, elle coupe dans le pain de longues lèches de croûte, autant qu’il y a de personnes. C’est ce pain trempé dans ce vin qui constitue la roste. Le vin bout, il crève en bulles dansantes dans le récipient. On l’ôte du feu, on l’apporte sur la table, on le verse dans un saladier. Chacune y trempe son morceau de croûte et le mange. Et c’est alors que le saladier posé par terre, au milieu de la pièce débarrassée de chaises, l’us final triomphe… La première voisine se baisse, trousse ses jupes, recule, s’élance, saute par-dessus le saladier, donne l’exemple aux autres qui, toutes, jeunes, mûres, vieilles à sa suite, troussent à leur tour leurs cottes et sautent, et continuent jusqu’à l’essoufflement, parmi les pouffées de rire, tandis que l’on voit le vin se rider au vent brusque des bonds… Enfin, les jupes retombent. On a soif. Le saladier remonte sur la table. Et la voisine décroche une louche. Et elle la plonge dans le vin, et elle l’élève toute remplie, y boit, la passe, l’envoie circuler de bouche en bouche jusqu’à la dernière invitée. Et tout le rite de la roste est accompli. Je me trompe. Il reste l’enfant. La goutte du fond lui est réservée. On attend qu’il rêve aux anges, et la perle liquide roule sur son sourire, roule ardente et sucrée ».
- Edmond Jaloux (autre académicien) « L'escalier d'or » avec des bois gravés de Paul Baudier dont je ne sais rien mais dont j’aime les illustrations de Baudier.
- Maurice Larrouy « Le cargo tragique » avec des bois gravés de Renefer. Un exemple de roman maritime et exotique - l’action se passe en chine – qui avait alors les faveurs du public par un écrivain officier de marine.
- Maurice Constantin-Weyer « Une corde sur l'abîme » avec des bois gravés de Jean Lébédeff, graveur, xylographe, et illustrateur naturalisé français, né en 1884 à Bogorodskoie (près de Novgorod en Russie) et décédé en 1972 à Nîmes.
- Michel Georges-Michel « Les Montparnos » avec des bois gravés de Touchagues, un roman qui met en scène les peintres de l’Ecole de Paris et qui a valeur de témoignage dans la mesure où l’auteur est un de ces peintres et qu’il a bien connu ce milieu. D’ailleurs l’un des protagonistes de ce roman n’est autre que Modigliani.
Me suis interrogé : Est-il bien nécessaire de tenir un journal ? D’exposer à des inconnus comme à ses proches ses pensées comme ses faits et gestes ? De se contraindre à les noter, donc à y revenir, y réfléchir, parfois ? Pourquoi ? Pour qui ? Pour moi-même ? Alors, n’est-ce pas une manifestation d’un état de crise comme celle de l’adolescence ou de la sénescence ? Dans ce cas, le jeu en vaut-il la chandelle ? Surtout lorsque le cours de la vie laisse peu de temps à ces retours sur soi. L’exemple de ces deux dernières semaines pose ces questions. Entre route, visites (nombreuses) à la famille, aux amis, aux expositions parisiennes, aux tourbillons générés par la réception de nos petites filles, qu’il faut occuper, si possible intelligemment, tout en leur faisant plaisir… en se réservant quelques minutes, toutes personnelles, pour s’occuper des affaires courantes (préparation d’un voyage, réalisation d’un site internet, écriture d’une nouvelle, lectures). Le journal devient alors accessoire, d’autant que les appels de l’oisif qui sommeille en moi ne cessent jamais.
Parcouru : l’exposition « La valise mexicaine » dans l’espoir d’y trouver l’intimité des rapports entre Capa, Taro et Chim. Raté ! La scénographie de l’exposition au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme avait d’autres ambitions, ou, plutôt, reprenait la structure habituelle de la vision sur les évènements que chacun couvrait. Leur chronologie n’était même pas respectée et le choix des tirages extraits des planches contacts guère propice à de nouvelles découvertes. En fait, une visite inutile pour ceux qui, comme moi, possèdent l’ouvrage en 2 volumes des Editions Actes-Sud. Il vaut encore mieux parcourir le net et trouver ainsi ces commentaires relatifs à cette photo de Gerda Taro qui enrichissent la légende mais aussi l’histoire.
L’identité du motocycliste présenté comme étant Gustavo Duran né à Barcelone en 1906 et colonel de l ‘armée Républicaine serait sujet à caution. Elle est catégoriquement démentie par le fils de ce motocycliste qui précise que les officiers se déplaçaient rarement en moto. Cet homme dont le regard porte probablement vers une escadrille de l’aviation allemande ou italienne, dans une attitude exprimant l’inquiétude, se nommait Vicente Fernandez -Fernandez né en décembre 1918 à Madrid. Il était, aux dires de son fils, estafette dans l’armée Républicaine, engagé volontaire à 18 ans et avait 19 ans en 1937 lorsque la photo fut prise au Nord-Ouest de Madrid. Il rapporte ces propos paternels « les nationalistes répandaient de l’huile de vidange dans les virages afin de faire chuter les motocyclistes républicains » (voir ici). Cette simple anecdote donne plus de substance à la photographie que tous les commentaires de l’exposition.
Pris : plaisir à parcourir l’exposition « Tamara de Lempika » à la Pinacothèque de Paris, un midi, sans grand monde venant perturber la vision des toiles ou commenter d’inepties les œuvres présentées. Et c’est heureux. Il faut une certaine sérénité pour aller au-delà de la simple jouissance visuelle. Car si l’artiste sut jouer de l’engouement du public pour son style sensuel, elle sut également exprimer ses émotions profondes comme dans les toiles qu’elle fit de son célèbre modèle Raphaela qu’elle aima tendrement et dont elle fut la maitresse. Elle l’avait aperçue, se promenant dans un jardin public parisien. Subjuguée par sa beauté, elle n’avait pu résister à l’aborder pour lui demander de poser pour elle. Ce que la Belle accepta… Rapahela est là, maintenant devant moi, sur plusieurs toiles. Et je partage cette exaltation qu’a saisie Tamara de Lempika, même – et c’est peut-être là que se niche son talent - si c’est par son regard que je l’admire.
L’exposition a le grand mérite de présenter des tableaux que l’on voit rarement. Collections privées obligent. Elle est par contre couplée avec « L’art nouveau, la révolution décorative » qui ne m’a guère impressionné.
Lu : quand même, quelques bouquins dont je parlerai – peut-être – ici ou ailleurs. : « Les dormants » de Jonathan Munoz (Editions Cléopas), « España la Vida » de Vaccaro, Le Roy & Jouvray (Éditions Casterman), « Peste et cholera » de Patrick Deville (Édition du Seuil, collection Fiction & Cie), « Ce que j'appelle oubli » de Laurent Mauvignier (Éditions de Minuit).
[1] L’organisation de cette « cérémonie » est assurée par la plus proche voisine de la jeune mère.