Gretel Weyer, sans titre, encre, acrylique et aquarelle sur papier, 2013. © Gretel Weyer
Il était une fois, dans le monde merveilleux de Gretel Weyer… Cette jeune artiste, diplômée en 2011 de la Haute École des Arts du Rhin de Strasbourg, nous transporte dans un univers qui oscille entre réel et imaginaire. Elle a principalement exposé au Castel Coucou à Forbach en 2010 et travaille depuis fin 2012 avec la galerie Yves Iffrig, qui lui consacre actuellement une exposition personnelle.
Un art conçu pour son prénom, un prénom parfait pour son art. En effet, son prénom semble issu du fameux conte des frères Grimm, Hansel et Gretel. Aurait-elle quelques prédispositions à travailler l'univers des contes ?
Vue de l'exposition Gretel Weyer. © Gretel Weyer
Elle manie le monde de l'enfance, ses jeux et son vocabulaire, et le décline dans un univers qui associe tour à tour ludique et tragique, sordide et merveilleux. Gretel Weyer serait-elle en train de nous donner sa propre version de l'imagerie d'Épinal ?
Dans ses tableaux, des petites filles telles de petits chaperons rouges sont prêtes à se transformer en loup. Une allure sage et discrète, comme pour nous dire « c'est pour mieux te manger mon enfant ». L'atmosphère des toiles devient alors presque inquiétante. Les œuvres expriment une frontière entre deux mondes qui revisite les mythologies enfantines. Je me suis alors posée la question : Pourrais-je être cette petite fille ?
Vue de l'exposition Gretel Weyer. © Gretel Weyer
Son travail est comme une écriture qui se déroule dans un monde où l'invraisemblable est accepté. Au premier coup d’œil, on se croirait effectivement dans une iconographie enfantine, mais en s'approchant un peu plus près, le spectateur fait irruption dans un monde cruel. Il est bien loin le temps de l'île aux enfants. Le travail de Gretel Weyer peut être rapproché de celui de Françoise Petrovitch. En effet, dans ses dessins et peintures, Françoise Petrovitch propose elle aussi un univers ambivalent où l'imagerie enfantine laisse sa place à d'étranges figures aux formes hybrides. Ses toiles traitent de la vie, de l'expérience et notamment du passage de l'enfance à l'âge adulte. Sous l'apparente simplicité du trait, les deux artistes nous projettent dans des histoires inquiétantes. Attention à la pleine lune …
Gretel Weyer, sans titre, 2011 © Gretel Weyer
Gretel Weyer explore cet entre-deux, cet infime passage qui existe entre le réel et l'imaginaire. L'artiste Katia Bourdarel, prend soin elle aussi de mêler merveilleux et réalité, dans des compositions souvent troublées et ambiguës qui détournent l'esthétique des contes de fées. Tout comme dans les propositions plastiques de Gretel Weyer, Katia Bourdarel met en scène des figures essentiellement féminines qui parcourent des mondes à la fois tangibles et abstraits. Où commence le réel et où termine la fiction ?
Sur le sol de la galerie on retrouve des petites billes. Jeu enfantin auquel tout le monde a joué au moins une fois dans sa vie. J'ai eu très envie de jouer. Lentement, les souvenirs remontent à la surface et l'envie de lancer une bille sur une de ses semblables commence à prendre le dessus. En s'approchant, les billes montrent leur vrai visage. Un œil terrifiant nous regarde. D'un seul coup je n'ai plus envie de jouer. Un peu plus loin encore je découvre un jambon en guise de jambe. Si vous vous sentez l'âme anthropophage vous êtes au bon endroit ! Le fantastique s'unit à l'épouvantable, avec toujours une note ironique pour agrémenter le tout. Et même si les thèmes de l'enfance sont ses leitmotivs, Gretel Weyer s'en détache, prend ses distances. Cette prise de recul lui permet de souligner certains aspects de la réalité, ou devrais-je dire de sa réalité. Les peurs et les désirs issus de l'enfance subsistent, transformés par la conscience de l'artiste.
Gretel Weyer, sans titre, 2010. Plâtre peint, table en bois. © Gretel Weyer
Gretel Weyer nous conte des histoires avec beaucoup d'espièglerie. Son art est porté dans la mouvance de ces nombreuses artistes féminines telles Françoise Petrovitch, Katia Bourdarel, Karen Knorr, Kiki Smith ou même Annette Messager, qui mettent en exergue, dans leurs travaux, les contes populaires et les mythologies enfantines. Sous un trait un temps soit peu naïf, le travail plastique de Gretel Weyer nous rappelle que l'enfance n'est pas loin. Toutefois, la cruauté du monde apparaît très clairement, et vient saupoudrer les mythologies enfantines de son doux parfum d'atrocité. C'est ainsi que Gretel Weyer met à mal son innocence, et chemine entre terrains connus et terres inconnues.
Anaïs
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Exposition Gretel Weyer à la galerie Yves Iffrig
Du 5 avril au 11 mai
6, rue des Charpentiers
Strasbourg
Ouvert du jeudi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous
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Anaïs Roesz, née en 1989 dans la bourgade strasbourgeoise est
actuellement étudiante en Master professionnel critique-essais à
l’université de Strasbourg. Issue d’un milieu artistique, c’est tout
naturellement que ses envies se sont tournées vers l’art contemporain.
Depuis 2011, elle multiplie les expériences et les rencontres dans le milieu culturel
Conjointement à ces différentes activités, et de son statut d’étudiante, Anaïs Roesz travaille depuis septembre 2012
comme monitrice vacataire à la bibliothèque des arts de l’université de
Strasbourg. Elle aime tout particulièrement écrire et faire partager
son amour de l'art, et pour le plaisir elle tente d'écrire des textes de
fiction.