Mesdames et Messieurs les Elus, Messieurs représentants les corps constitués, Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
L’actualité nous conforte dans notre volonté de donner un sens à cette célébration de la capitulation de l’Allemagne nazie. En effet par un cruel raccourci de l’histoire le nazisme vient encore de marteler nos libertés par une présence criminelle insupportable, une intrusion violente du racisme et du déni de la démocratie. J’en veux pour exemple l’ouverture lundi 6 mai du procès à Münich de Beate Zschäpe. Criminelle néonazie accusée de complicité d’assassinat pour avoir participé à l’exécution sommaire de huit Turcs et d’un Grec entre 2000 et 2006 et d’une policière en 2007… Ce procès s’ouvre alors que les actes de violence néonazie sont en augmentation et que selon les ONG plus de 150 crimes racistes ont été commis en Allemagne ces deux dernières décennies. Faut-il encore mentionner l’arrestation lundi d’un homme âgé de 93 ans qui avait été déporté des États-Unis pour avoir menti au sujet de son passé nazi. Arrêté par les autorités allemandes, qui l’accusent d’avoir été un gardien au camp de concentration d’Auschwitz. Hans Lipschis a été appréhendé après que des procureurs ont conclu qu’il existait des «preuves irréfutables» qu’il avait été impliqué dans des crimes perpétrés à Auschwitz pendant qu’il y était, de 1941 à 1945. Environ 1,5 million de personnes, surtout des juifs, ont péri à Auschwitz.
Comment donc au regard de ces faits ne pas s’inquiéter aujourd’hui que des groupes criminels nostalgiques du IIIe Reich vouent un culte immodéré à la Princesse Nazie, âgée de 83 ans, fille de Himmler et figure incontournable de l’Association Stille Hilfe ( Aide silencieuse ) qui soutint les nazis pourchassés pour leurs crimes. C’est sous cette menace et devant ce Mémorial de la Liberté que nous célébrons le 8 mai 1945, jour de la capitulation sans condition de l'Allemagne nazie, marquant ainsi la fin de la seconde guerre mondiale.
Il y a 68 ans le 8 mai 1945 le Maréchal Keitel signait la reddition de l’Allemagne Nazie face à la coalition des alliés. Ce jour historique la présence de la France en la personne du Maréchal de Lattre de Tassigny représentait le courage de ceux qui firent le choix de la Résistance… de celui qui croyait au ciel et de celui qui n’y croyait pas… comme l’a chanté Louis Aragon… Représentait notre pays à travers son gouvernement dirigé par le Général De Gaulle et de ce long combat que l’Appel du 18 juin 1940 avait précédé.
Cette victoire sur les troupes hitlériennes a provoqué, dans toute l’Europe, un immense espoir : l’espoir de l’avènement d’un monde meilleur car jamais l’horreur n’avait été poussée aussi loin.
Hitler et ses sbires avaient créés une société basée sur l’inégalité des hommes, sur des critères raciaux, religieux, politiques, philosophiques, sexuels comme les odieux triangles roses des homosexuels et médicaux eugénistes. Sans exception tous les domaines de la personne humaine étaient visés par cette idéologie.
Aux millions de victimes, se sont ajoutés les dizaines de millions de persécutés, les centaines de millions de personnes subissant les privations de liberté.
En quelques années, la peste brune s’est abattue sur le monde.
En 1933, c’est une élection qui porta au pouvoir le parti nazi. Un programme dit social, autoritaire, excluant des pans entiers de la société allemande. La montée « légale » du fascisme par le jeu d’une élection doit nous faire réfléchir sur les conséquences du développement et de la banalisation des thèmes d’exclusion et des solutions nationalistes exacerbées et catégoriques pour mettre un terme aux effets économiquement dévastateurs des crises économiques.
L’antisémitisme, le racisme étaient au cœur de leur programme. La pureté de la race, la préférence nationale, la peur de l’autre sont autant de ressorts sur lesquels le fascisme s’installa. L’Occupation allemande facilita l’expression d’un fascisme français nourrit des haines et des ressentiments sociaux par un Pétain et un Laval devenus les chevilles ouvrières, les fourriers du nazisme, les persécuteurs de la nation française, les assassins de la République.
Dans la douleur, le sang et les larmes, la clandestinité et l’esprit de résistance finit par l’emporter, le prix en fut élevé. C’est aussi par les combats des français libres partis de Brazzaville en passant par Bir- Hakeim, par le combat des tirailleurs marocains de Monte Cassino, des tirailleurs sénégalais, des bataillons malgaches et du Pacifique, des pilotes de Normandie Niémen, de l’abnégation des commandos Kieffer débarquant à Ouistreham le 6 juin 1944, du sursaut de la République du issue des maquis du Vercors, des anciens des brigades internationales comme ceux du maquis Cévenol de Saint-Etienne Vallée Française qui me sont chers, des MOI comme Manouchian placardés comme métèques sur une sinistre Affiche Rouge, des réseaux anonymes où se sont illustrés des Jean Moulin, des Pierre Brossolette, des Rol Tanguy, du couple Aubrac…
Cette victoire, nous la devons aux femmes et aux hommes qui surent dit non, qui refusèrent l’inacceptable. Au plus profond de la nuit de l’occupation, ils eurent le courage et la vision d’élaborer un projet de société. Unis contre le fascisme, certains dès 1936 arrivèrent à s’unir sur un programme : le programme du Conseil National de la Résistance qui fut l’acte fondateur de notre société, plus que jamais d’actualité quand notre lien social a été dangereusement démantelé.
Ce programme a refondé la société sur les bases nouvelles de la solidarité collective, de la fraternité, de l’universalité des droits de l’homme et des libertés démocratiques.
Ce travail fut un formidable débat vif, passionné parfois contradictoire mais toujours respectueux des points de vue opposés. Car ils étaient différents, issus de familles politiques, philosophiques, syndicales voire religieuses.
L’intérêt de la France fut leur boussole et c’est au nom de cette cause qu’ils parviennent à s’unir jusqu’à la victoire. Nous ne pouvons pas voir, sans inquiétude sérieuse, l’état de tensions qui traversent le monde, l’accroissement phénoménal des injustices et des inégalités, l’ampleur et la profondeur de la crise économique et sociale, la montée des fanatismes et des extrémismes…
Comme nous ne pouvons pas voir non plus sans graves préoccupations la remontée, en Europe notamment, de l’extrême droite, parfois relookée mais toujours aussi insidieuse comme le démontre mon introduction par l’évocation de ce procès de Münich.
Il me semble qu’il ne faut pas sous-estimer non plus les effets des discours politiciens ambiants qui prospèrent ces temps-ci, qui s’appuient sur les peurs économiques et la colère sociale nées de la crise, qui pratiquent la stratégie du bouc-émissaire et de l’opposition des catégories sociales entre elles, et agitent la peur de l’étranger, la peur des différences comme dernièrement la pente dangereuse de l’homophobie qui sans limite, ouvertement violente refuse l’accès à la légitimité citoyenne du mariage pour tous et toutes.
Ces discours là se font, de fait, des relais plus ou moins avoués, plus ou moins des idées obscurantistes et xénophobes qui font le lit de l’extrême droite… et d’autant plus dangereusement dans une période comme celle que nous abordons.
Ils jouent, ce faisant sur les pires ressorts de l’âme humaine en activant la jalousie, la mesquinerie, l’esprit de chapelle et de pré-carré, sans parler de l’agressivité, de l’intolérance à l’autre, de la haine et de la violence.
La boite de Pandore qu’ils risquent d’ouvrir a un autre nom : celui que lui donnait Bertold Brecht quand il disait « le ventre est encore fécond d’où est née la bête immonde »…
Alors, là encore, il n’y a heureusement pas d’automatisme, ni de fatalité. Parce qu’il en va, d’abord et avant tout, de la conscience et de la volonté des peuples, de la vigilance des démocrates et de l’ensemble des citoyens.
C’est cette conscience, cette volonté et cette vigilance que nous nous efforçons de porter tous ensemble, à travers les différentes actions que nous menons avec nos concitoyens … et dans la diversité de ce que nous sommes, de ce que nous représentons les uns et les autres, avec les regards différents que nous avons éventuellement sur les choses…
Mais tous, avec la conviction partagée que nous devons opposer le barrage de nos déterminations conjointes pour stopper la réactivation des vieux poisons sur le lit des échéances électorales et construire de nouvelles solidarités face à la logique inhumaine du marché roi et des multinationales, pour faire advenir une société refondée sur les valeurs universelles de justice, de fraternité et de coopération… Ces valeurs qui ont fondé la force rayonnante de notre République, qui ont porté l’espoir des Français après la victoire sur les nazis et la libération… et dont nous poursuivons le combat jour après jour avec l’ensemble de nos concitoyens, avec les associations d’anciens combattants.
Il faut donc, plus que jamais, faire preuve de vigilance.
Au poison sournois du racisme, de l'antisémitisme, de la xénophobie, sous toutes ses formes, les discriminations sexuelles et du handicap, nous devons sans relâche opposer nos valeurs républicaines, œuvrer pour détruire les ressorts du désarroi qui pousse certains à se tromper.
Cette journée commémorative est devenue un jour férié par la loi du 23 septembre 1981, à la demande du président de la République, François Mitterrand. Elle connut une histoire mouvementée : de jour de commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale, le 8 mai devient jour férié le 20 mars 1953, avant de perdre cette qualité par le décret du 11 avril 1959, puis d’être supprimé en 1975 par le Président de la République V. Giscard d’Estaing au nom de la réconciliation avec l’Allemagne. Finalement la commémoration et le jour férié ont été l’un et l’autre rétablis le 1er juin 1981 avec la gauche au pouvoir. Cette journée est l’occasion pour nous de travailler en direction de nos concitoyens, avec les organisations de déportés, d’internés, de résistants et leurs familles, avec la communauté juive, avec les Anciens Combattants et l’ensemble des associations de notre ville pour faire perdurer, le souvenir des suppliciés du nazisme, mais au-delà, pour faire connaître et comprendre les mécanismes qui ont permis à l’horreur suprême d’anéantir plus de 60 millions d’hommes et de femmes et d’enfants.
Que vive leur souvenir et que vive la France !