« Dans l’amour il y a bien plus que la personne qu’on aime, il y a cette part de soi-même qu’elle nous renvoie, cette haute idée que l’autre se fait de nous et qui nous porte. »
Lorsque ce livre, L’amour sans le faire, a été publié, son titre m’a un peu intriguée… Après avoir refermé le roman, je me suis dit qu’il était particulièrement bien choisi alors que je ne l’avais pas trouvé très bon de prime abord !
Tout commence par un coup de téléphone. Franck, un jour, se décide à appeler ses parents avec qui il était brouillé depuis des années. Mais, c’est une voix d’enfant qui lui répond. Alexandre. Ce prénom résonne douloureusement lorsque Franck l’entend. Son frère cadet, décédé depuis une dix ans, s’appelait ainsi. Poussé par la curiosité, le parisien décide de retourner, juste pour quelques jours, à la campagne, à la ferme familiale.
A quelques centaines de kilomètres de la capitale vit Louise. Elle aussi est une jeune femme un peu perdue, pleine des souffrances passées. Elle a un fils, Alexandre, qui vit à la campagne, dans une ferme, avec ceux qu’il appelle « papi-mamie ».
Vous l’aurez compris, les deux histoires se rejoignent donc comme vont se retrouver les personnages, venus par hasard, dans un lieu synonyme de bonheur perdu. Ils ne se sont vus qu’une seule fois, à l’enterrement d’Alexandre. En quelques heures, ils vont réaliser qu’ils se ressemblent et surtout qu’ils peuvent s’aider l’un, l’autre, car tous les deux transportent leurs fêlures. Le récit pourrait être mièvre, mais c’est loin d’être le cas. Le texte fait émerger une grande force de la fragilité des personnages, une force qui naît justement parce qu’ils sont deux et probablement parce que leur amour est impossible et qu’ils en sont tous les deux conscients. On sent une certaine bienveillance, une tendresse liée à une certaine pudeur , en lisant le récit de cette rencontre. Il n’est pas si fréquent de trouver des textes qui portent ce type de regard sur les personnages, sans tomber dans un pathos dégoulinant. Le ton employé par Joncour est juste et laisse entrevoir un avenir plus radieux… En tout cas, je me suis plu à le croire car la fin est très ouverte…
Un beau roman, entre force et fragilité.
« A la campagne, on le sait, celui qui a goûté à la ville, il est foutu, celui qui a goûté à la ville, il ne reviendra pas. »
Serge Joncour, L’Amour sans le faire, Flammarion, 2012