Le passage 12

Par Emia

12. Dans la rue, elle est venue marcher à côté de moi.

- Tu boites, ai-je fait remarquer. Ça te fait souffrir ?

- Je suis née avec le pied bot. On m’a opérée ; l’intervention s’est déroulée comme prévu, mais ensuite la plaie s’est infectée. J’en suis presque morte –

Elle s’est tue à cet instant, et puis elle s’est élancée sur la chaussée ténébreuse pour rejoindre un homme reconnaissable au chariot qu’il poussait : c’était le marchand de jus de canne à sucre que j’avais vu sous ma fenêtre le soir précédent. Elle lui a parlé vivement, mais l’homme n’a pas répondu, il n’a fait que baisser la tête. Elle lui a tendu quelque chose, un billet qu’il a glissé dans sa poche. Puis elle est revenue en boitillant, l’air contrariée.

- Décidément, il faut tout faire soi-même, a-t-elle marmonné.

L’homme a continué son chemin.

- J’ai vu cet homme hier, ai-je dit.

- La rue de ton hôtel fait partie de son secteur.

Comme elle paraissait de mauvaise humeur, je n’ai pas osé l’interroger d’avantage.

Nous nous sommes quittées devant l’hôtel.

Alors que je la regardais s’éloigner, elle s’est retournée et m’a fait signe de la main.

- Prends soin de toi, m’a-t-elle crié.


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