La crise économique qui a débuté en 2008 a érodé la confiance du public dans la notion de libre marché – et de manière injustifiée, dans l’esprit de beaucoup. Aux USA elle a déporté la politique sur la voie de l’accroissement de la réglementation financière et du « bricolage interventionniste » dans l’économie. Cela contraste avec de nombreux pays en développement d’Afrique, où le libre marché a connu une sorte de renaissance, même après la récession. La reprise américaine a été très lente, tandis que l’économie de l’Afrique est de nouveau en plein essor à un rythme de 5,4 pour cent par an - plus vive qu’avant la crise.
En dépit des nombreuses preuves que les politiques économiques favorables au marché constituent un moteur important du développement, les réunions printanières de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International ont démontré, de manière quelque peu inquiétante, que le soutien à l’économie de marché s’étiole toujours davantage. Pour le pire ou le meilleur, les politiciens occidentaux et les agences d’aide exercent une influence notable sur les politiques des pays en développement et leurs actions touchent des millions de personnes pauvres à travers la planète.
Au cours de la dernière décennie, le continent le plus pauvre du monde, l’Afrique, a fait des progrès économiques considérables. Le produit intérieur brut réel a augmenté à un taux annuel moyen de 4,9 pour cent entre 2000 et 2008 - deux fois plus vite que dans les années 1990. Dans la foulée de la crise financière, la croissance africaine a ralenti à 2 pour cent en 2009, mais est depuis revenue à des taux d’avant la crise.
La croissance de l’Afrique a été en partie alimentée par la hausse des prix des matières premières. Toutefois, selon un rapport de McKinsey sur le développement économique de l’Afrique, « les ressources ne représentaient qu’environ un tiers de la croissance retrouvée. Le reste résulte de changements structurels internes qui ont stimulé l’économie nationale en général ».
Que s’est-il passé exactement ? L’inflation a été réduite par des politiques monétaires plus restrictives sur le continent, passant d’une moyenne de 22 pour cent dans les années 1990 à 8 pour cent dans les années 2000, les déficits budgétaires et la dette publique ont été réduits, et de nombreux pays se sont également engagés dans un programme de libéralisation des échanges et de privatisations. Ces réformes ont été souvent accompagnées de réductions d’impôts et de changements de l’environnement légal et réglementaire, ce qui a réduit les coûts de faire des affaires.
Aujourd’hui ce progrès économique du monde en développement, et de l’Afrique en particulier, est menacé parce que le consensus intellectuel en faveur des marchés faiblit parmi les décideurs occidentaux et « l’industrie de l’aide ».
Même Jim Yong Kim, le président de la Banque mondiale, a pu laisser entendre qu’il était un sceptique de réformes pro-croissance. « Même si les mesures des politiques néolibérales ont réussi à stimuler la croissance économique, les bénéfices de la croissance ne sont pas arrivés à ceux qui vivent dans une extrême pauvreté », a-t-il écrit dans un livre publié en 2000, intitulé Mourir pour la croissance : Inégalités globales et santé des pauvres. La publication chante les louanges du système de soins de santé de Cuba, qui, écrit-il, « donne la priorité à l’équité sociale ».
Les projets favorables à la croissance de la Banque mondiale, et plus particulièrement le projet Doing Business, qui mesure la qualité du climat d’affaires du monde entier, ont fait l’objet d’attaques idéologiques d’organisations comme Oxfam pendant une longue période. Sous la direction de M. Kim, une évaluation indépendante du Doing Business a été annoncée, dirigée par un ancien ministre des Finances sud-africain, Trevor Manuel. La revue a donné aux groupes sceptiques du projet une occasion unique de faire soit dérailler ce dernier soit de le dépouiller de son intérêt analytique.
Depuis sa création il y a 10 ans, le projet Doing Business a fourni un point de mire pour les gouvernements des pays émergents qui tentaient d’améliorer leur environnement des affaires. Grâce à un ensemble complet de réformes, le Rwanda a pu grimper de la de 150ème place, dans l’édition 2008 du rapport Doing Business, à la 52ème en 2012. Les « réformateurs agressifs », tels que Maurice, le Rwanda et la Géorgie, non seulement ont connu une croissance économique significative, ils ont également vu des améliorations spectaculaires en matière de gouvernance et d’une diminution de la corruption.
Une présentation conjointe préparée pour le comité de révision avant les réunions de printemps par un groupe d’ONG, dont Oxfam, Christian Aid et Save the Children, semble indifférente à cette preuve. Affirmant catégoriquement que le projet Doing Business « fait peu pour réaliser les ambitions de vie des entrepreneurs pauvres ou pour atteindre les impératifs de développement de la Banque mondiale », ces organisations exigent que la Banque mondiale et d’autres bailleurs de fonds cessent d’utiliser Doing Business comme une référence pour en évaluer les environnements institutionnels des différents pays.
Toutefois, la baisse observée de la pauvreté dans le monde en développement, de la moitié de la population totale en 1981 à seulement 21 pour cent en 2010 - le tout, en dépit d’une hausse de 59 pour cent de sa population - aurait été inconcevable sans les réformes « néolibérales » dans les pays pauvres - réformes qui ont été fustigées par l’industrie de l’aide et les alliés intellectuels de M. Kim, lui-même nommé par l’administration Obama.
Inverser la tendance de ce progrès se révèlerait être une terrible tragédie humaine.
Dalibor Rohac et Marian Tupy sont analystes au Center for Global Liberty and Prosperity au Cato Institute. Le 7 mai 2013.
Cet article a été publié originellement en anglais sur le site du Cato Institute.