Fraichement débarqués dans un village rural, pour une période courte et circonscrite, Steve Butler et sa collègue Sue, font partie de la firme Global. Leur travail consiste à recueillir auprès de la population le maximum de signatures pour procéder à l’extraction du gaz de schiste qui se trouve sous leurs pieds. Mais la valeur de cette entreprise est remise en question. En d’autres termes, et pour simplifier, cette action n’est-elle pas une menace environnementale ? Est-ce vraiment la bonne action à effectuer ? Est-ce pour un bien ? Craignant toute opposition, qu’elle vienne d’un des habitants ou d’un environnementaliste quelconque, les deux collègues s’installent en ville, et n’ont que quelques jours pour rencontrer les habitants.
Filmés dans leur quotidien, nous suivons le tandem dans toutes leurs tâches, qu’elles soient anodines (faire les courses, aller se détendre dans un bar…) ou fastidieuses comme de faire du porte-à-porte pour convaincre les gens. Ce faisant nous commençons à nous ranger de leur côté, impliqués dans leur entreprise par cette proximité recherchée. Pour une fois, nous sommes du côté des « méchants ». Car en effet, le doute plane sur les implications et les conséquences de l’extraction du gaz de schiste. N’est-ce pas condamner davantage ces habitants déjà criblés de dettes, en menaçant notamment leur santé ? N’est-ce pas promettre à des gens dans le besoin, un avenir meilleur à tort ?
A mesure que les deux collègues développent leur discours, ils essaient aussi bien de convaincre leur interlocuteur que de se persuader eux-mêmes de la justesse de leur acte. D’autant que Steve Butler, adepte du demi-mensonge, amoindrit les faits, ou en dissimule une partie de manière à ce que la réalité ne soit pas trop difficile à supporter pour ceux à qui s’adresse. Cette faculté de mentir compulsive lui est d’ailleurs reprochée par Sue un peu plus tard dans le film. Le tandem d’acteurs, porté par Frances McDormand, révèle un héros, Steve Butler (Matt Damon) en pleine crise d’identité.
Brusquement face à l’opposition d’un des habitants, Frank Yates, professeur, mais aussi un ancien ingénieur de chez Boeing qui soupçonne justement les risques environnementaux, provoqués par la fraction hydraulique (le procédé d’extraction) qu’il place au-dessus des avantages économiques ; Steve est ébranlé dans ses convictions. S’ouvre alors un questionnement intéressant sur son propre travail, en même temps que sur les notions de Bien et de Mal. Rapportées au domaine très pratique et sur lequel il est parfois difficile de prendre du recul (ou tout du moins de remettre en question), du travail quotidien. Ici on est contraint de se poser, d’ailleurs les deux collègues prennent le temps, ils sont contraints de prolonger leur séjour. Serait-il possible d’avoir la conscience tranquille tandis que l’on ment à des gens sur leur avenir ? Comment défendre une cause aussi peu noble ? Pris dans ce dilemme, Steve se bat contre ses doutes et contre lui-même, jusqu’à l’arrivée d’un rival de taille.
Dustin, est l’environnementaliste que Steve et Sue redoutaient tant de voir. Beau garçon et beau parleur, il s’emploie à convaincre la population du village du côté néfaste de l’entreprise Global. Il déploie une armada de moyens, et rallie à sa cause avec facilité bon nombre d’habitants. C’est l’homme à abattre pour Steve qui se dresse contre lui de toutes ses forces. Ce double apparait effectivement comme son opposé, à l’aise là où il ne l’est pas, lui mettant une distance dans la vue sur chaque tableau. Dustin est bien accueilli, il sympathise avec les habitants, sort avec la jolie fille du village, et s’allie avec Frank Yates. A l’inverse, Steve est diabolisé et n’a pas toutes les chances de son côté (même la météo lui fait défaut pour la foire qu’il organise).
Dans le déroulement de l’intrigue, on ne peut pas faire l’économie de saluer le scénario qui réserve des surprises. C’est réussi et on ne s’y attend pas. Pour Steve, le coup dur est porté par une dissolution du méchant, une prise de conscience d’un vide, qui le ramène directement à son questionnement initial, à savoir si ce qu’il fait est juste.
L’issue qu’il trouve est malheureusement ponctuée de phrases moralisatrices un peu gratuites et inutiles, sur le fait de savoir prendre soin de quelqu’un ou de quelque chose. Est-ce parce que je m’attendais à ce que le réalisateur élève le film au rang d’Elephant (pour ne citer qu’un de ses films), que la fin m’a un peu déçue ? J’en retiens tout de même le traitement de la question de l’éthique et du travail, et le twist final.
A voir :
Promised land, un film américain de Gus Van Sant (1h46)