Les chercheurs qui travaillent et étudient l’ours brun dans les Pyrénées ont produits déjà pas mal de publications scientifiques qui devraient permettre à l’Etat d’accoucher d’une politique de conservation de l'ours efficace, à condition d’en avoir le courage politique...
En voici quelques-unes, et quelques extraits...
Diagnosing Mechanisms of Decline and Planning for Recovery of an Endangered Brown Bear ( Ursus arctos) Population, (Guillaume Chapron et al, 2009)
“We suggest that a translocation could take place, even if the decline has not yet been reversed, if the translocation itself removes the biological mechanisms behind the decline. In our case, the ultimate cause of low reproductive success remained unknown (infanticide or inbreeding), but our proposed translocation strategies should eliminate the proximate cause (low reproductive success) of the decline and ensure population recovery and viability”Analyse du comportement spatial des Ours Bruns (Ursus arctos arctos) réintroduits dans les Pyrénées. (Le Portal, 2007)
“Après avoir fait une analyse descriptive des déplacements d’ours bruns et avoir tenté leur modélisation, je pense qu’il y a encore beaucoup à faire pour réellement comprendre le comportement spatial des ours bruns. Sur le jeu de données qui m’a été mis a disposition, je pense que l’impact individuel est très important en raison du faible nombre d’individus et que cela rend l’interprétation des résultats délicate, et ne permet pas de faire de généralisation. Je suis légèrement surpris que les simulations n’aient pas données de plus mauvais résultats, j’aurais imaginé que l’environnement, la saison du rut et la disponibilité en ressources alimentaires auraient été les motivations premières de déplacements effectués par l’ours brun.
Aujourd’hui, cette modélisation n’a pas de grande révélation à nous faire sur d’éventuelles prédictions sur le comportement d’ours bruns, elle nous a juste montrer que les hypothèses sous-jacentes du modèles coincident avec la réalité. C’est à dire qu’un ours possède une grande faculté de perception de l’environnement, qu’il a le pouvoir de mémoriser les endroits par lesquels il est passé, que son comportement exploratoire n’est que temporaire et qu’il se stabilise à un moment ou à un autre avant l’hivernation.
Une modélisation sur l’occupation de l’espace par les ours bruns serait un outils très intéressant pour les gestionnaires, pouvoir connaître les habitats suceptibles d’être colonisés ou au contraire peu propices à l’installation d’un ours bruns, permettrait de gérer le choix du lieu de lâché lors d’une réintroduction. Il serait donc intéressant de pouvoir un jour prédire avec un modèle de ce type mais amélioré, une zone d’établissement du Domaine Vital de l’animal en fonction du lieu de lâché, du poids de l’animal, de son état de santé, de son statut d’ours réintroduit ou autochtone, de son sexe, du type d’habitat, de la densité de population et donc des intéractions entre individus… beaucoup de paramètres qui à mon avis ne sont pas négligeables dans l’implantation d’un Domaine Vital d’ours bruns comme le montrent Bjørn Dahle et Jon E. Swenson dans leur étude sur les variabilités dans les Domaines Vitaux d’ours bruns.”Bilan des rencontres homme ours dans les Pyrénées de 1996 à 2010 (Quenette, rapport scientifique ONCFS 2011)
« Dans le cadre du suivi opportuniste ou systématique de la population d’ours, 495 cas de rencontres homme-ours ont été relevés entre 1996 et 2010 dans les Pyrénées françaises. Chaque rencontre est analysée en fonction de la date, de l’heure, du type et du nombre d’observateurs, de la distance à l’ours, du type d’ours, de la durée, de la réaction de l’ours et du type d’habitat. Ces informations permettent de détailler les conditions d’observation de l’animal, son comportement et sa réaction lorsqu’il détecte la présence de l’homme. (...)
Lors des observations visuelles, soit l’animal marche, soit il s’alimente. Dans la grande majorité des cas (79 %), lorsque l’ours détecte la présence de l’homme, il s’enfuit en courant ou s’éloigne en marchant. Les 4 cas d’agressivité relevés concernent une femelle accompagnée de ses oursons de l’année. Ce comportement agressif se traduit par une ou des charges d’intimidation. À chaque fois l’animal a été surpris à courte distance par une ou 2 personnes. »
Brown bear habitat suitability in the Pyrenees: transferability across sites and linking scales to make the most of scarce data (Martin et al, 2012)
« Our study illustrates how a nested-scale approach, combining coarse data from a different population and fine-scale local data, can aid in the management of small populations with limited data. This was applied to remnant brown bear populations to identify priorities for conservation management«Évaluation des différentes techniques de suivi de l'ours brun dans les Pyrénées françaises (Bombillon, 2012)
« Les grands carnivores ont un rôle important dans le maintien de la biodiversité par leur effet en cascade sur la chaîne alimentaire. Dans certains pays, des plans de gestion et de sauvegarde se sont traduits par la réintroduction d'individus issus de population sources abondantes notamment en France avec la réintroduction de 8 ours depuis 1996. Dans ce cadre, différents protocoles de suivis de la population sont mis en place et reposent sur la collecte indirecte de tout type d'indices de présence (poils, crottes, photographies...). En France, deux grands types de suivis sont mis en place avec des méthodes systématiques et opportunistes. Le suivi systématique repose sur la mise en place de dispositifs (stations avec pièges à poils, appareils photos, itinéraires) régulièrement visités tandis que le suivi opportuniste ne repose sur aucun plan d’échantillonnage et correspond aux observations d'indices effectuées par les utilisateurs de la montagne ainsi que les constats de dommage sur les troupeaux et les ruchers.
Le travail présenté ici consiste à estimer l'apport de chaque technique de suivi en fonction des deux principaux objectifs fixés pour le suivi de la population de l'ours brun : l'aire de présence de l'espèce et l'évaluation annuelle des effectifs. Pour comparer les techniques par rapport aux objectifs fixés, des analyses descriptives ont d’abord été réalisées à partir de bilans quantitatifs pour chaque méthode. Puis deux approches sont utilisées avec des modèles de capture-marquage-recapture pour évaluer l'abondance de l'ours et des modèles de présence pour évaluer l'aire de présence. Ces modèles ont permis de différencier l'apport des techniques sur le suivi de la population d'ours. Le suivi systématique par itinéraire couplé au suivi opportuniste donne des résultats satisfaisants tandis que le suivi par appareil photo demande plus d'années d'expertise au vu de la nouveauté du protocole. Enfin, les stations de suivi ne permettent pas de répondre aux objectifs fixés. »Habitat sélection and movement by Brown bears in multiple-use landscapes (Martin 2009)
« La sélection de l’habitat est un domaine prépondérant en biologie évolutive, en écologie et en biologie de la conservation car c’est un des processus majeurs influençant la distribution de la faune sauvage dans le paysage. Il s’agit d’un processus hiérarchique intervenant à différentes échelles spatiales et temporelles. Dans cette thèse, je me suis intéressée à la sélection de l’habitat à différentes échelles spatio-temporelles de trois populations européennes d’ours brun (Ursus arctos) qui évoluent dans des habitats contrastés et affectés différemment par les pressions anthropiques.
Nos résultats ont montré que la sélection de l’habitat par la population Scandinave diffère en fonction des échelles spatiales et temporelles considérées. En revanche, l’activité humaine influence les ours à la fois à l’échelle du paysage (établissement de la population) et à fine échelle (sélection des habitats par les individus à l’intérieur des domaines vitaux). Nous avons également mis en évidence un évitement temporel des structures anthropiques et une réponse fonctionnelle des femelles en réponse à ces perturbations. A une échelle spatiale intermédiaire, aucun patron commun de sélection n’a cependant été identifié, probablement du à la structure sociale des femelles (philopatrie) qui pourrait supplanter le choix des habitats.
Grâce à un modèle quantitatif de sélection de l’habitat, nous avons également pu démontrer qu’à large échelle, les populations des monts Cantabriques et des Pyrénées sélectionnaient les mêmes caractéristiques d’habitat : une importante connectivité des forêts à large échelle (15 km), des zones de forte production de fruits forestiers et des zones de faible influence humaine.
Notre model prédictif nous a donc permis de quantifier les habitats de bonne qualité pour ces deux populations et les connections potentielles entre les noyaux d’individus au sein de chacune des populations, et constitue donc un important outil de conservation.
Le mouvement étant le mécanisme permettant aux individus d’effectuer des choix parmi les habitats disponibles, nous avons également conduit une analyse des règles de mouvement des ourses scandinaves qui a révélé une influence conjointe des facteurs internes et externes sur les déplacements et une optimisation des mouvements selon leurs exigences biologiques. Je discute également du lien entre l’écologie du mouvement et la sélection de l’habitat, et du potentiel d’une intégration de ces deux processus dans la compréhension des mécanismes comportementaux impliqués dans la sélection des habitats par les animaux.”La génétique non invasive au service des espèces protégées : le cas du loup et de l’ours brun (Duchamp et Quenette, 2005)
Les techniques de biologie moléculaire dites non-invasives s’avèrent particulièrement utiles pour étudier les espèces protégées. Appliquées au Loup et à l’ours, les analyses de l’ADN contenu dans les excréments, les poils ou l’urine permettent non seulement de compléter un dispositif de surveillance de l’aire de répartition, mais aussi d’identifier les individus et leurs liens de parenté et ainsi d’estimer certains paramètres démographiques. Les données recueillies sont autant d’éléments nécessaires à l’exercice d’un suivi fiable de ces petites populations, notamment en vue d’améliorer leur gestion et de garantir leur conservation.La sélection du site de couche diurne chez l’ours brun (Voinson et al, 2008)
La conservation de l’ours brun dans les Pyrénées nécessite de mieux connaître son habitat. Notre travail repose sur l’analyse de la sélection du lieu pour la phase de repos diurne. La création d’une cartographie des sites susceptibles d’accueillir des couches diurnes est possible grâce à la modélisation par les nouvelles techniques d’analyse multivariée. Une méthode récemment développée est l’analyse factorielle des distances de Mahalanobis (MADIFA). Nous utiliserons cette technique pour une étude sur la population d’ours de souche pyrénéenne anciennement localisée dans le département des Pyrénées-atlantiques. Les résultats de la MADIFA montrent un évitement des routes secondaires et forestières à accès libre ou interdit et un rapprochement des routes régionales et principales. Ajouté à cela, l’exploitation des fonctions de sélection des ressources (RSF) est utilisée pour la modélisation de ces sites sur une grande partie de la chaîne pyrénéenne à partir de données issues de cinq ours équipés d’émetteur et réintroduits en 2006. Notre étude sur ces cinq individus est initiée par une analyse K-select pour déterminer la variabilité inter-individuelle du choix du site diurne, en tenant compte de deux saisons : le printemps et l’été-automne. Les résultats de la K-select montrent une similitude de comportement de choix du site de couche diurne entre les individus. Il y a une sélection des lieux forestiers éloignés des perturbations humaines (routes) et très pentus. L’évitement des perturbations humaines est davantage marqué durant la saison d’été-automne avec l’augmentation de l’activité humaine.Le statut de la population d’ours brun dans les Pyrénées: bilan 2010 et actualités 2011 (Decaluwe et al, 2011)
« Alors que les résultats confirment la régression du noyau occidental, dans les Pyrénées centro-orientales, une dynamique positive semble s’amorcer et la structure de la population semble conforme à ce qu’on observe ailleurs dans le monde. Toutefois, l’existence d’un géniteur dominant pourrait entrainer à moyen terme une érosion de la diversité génétique. »
Une estimation de la qualité des habitats pour l’ours brun dans les Pyrénées (Martin et al, 2012)
La population d’ours brun dans les Pyrénées est considérée comme l’une des plus menacées d’Europe. Après avoir frôlé l’extinction avec une population constituée de seulement cinq à six individus, celle-ci a augmenté suite à un programme de renforcement conduit en 1996-1997 et 2006 qui a donné lieu à la réintroduction de six femelles et deux mâles. Cependant, le statut de cette population reste très précaire, avec seulement vingt-deux individus détectés en 2011, répartis en un noyau central et un noyau occidental. Ces deux noyaux sont isolés de tout échange d’individus, celui localisé dans l’ouest des Pyrénées ne comprenant que deux individus mâles. (…)
Les deux noyaux d’habitats de type source correspondent très bien à la présence de l’ours: environ 70 % des indices de présence sont localisés dans cette catégorie d’habitat et 90 % des indices de présence de femelles suitées. Le modèle révèle également la présence de bons habitats inoccupés en périphérie des deux noyaux. Cependant, ces zones sont connectées par des habitats type refuge pouvant être perçus négativement par les femelles, en raison de leur faible niveau de ressources alimentaires (habitats pauvres pour la reproduction). La probabilité pour que les femelles colonisent ces types d’habitats et interconnectent ainsi les deux noyaux reste faible. Néanmoins, une petite section d’habitats de type puits attractif connecte les noyaux sources par le nord et pourrait constituer un corridor permettant des échanges d’individus. Il s’agit donc ici d’une zone cruciale à gérer, afin de permettre l’échange de femelles entre le noyau central et le noyau ouest. (…)
Il faut noter que de grandes zones constituées d’habitats sources restent inoccupées et que les Pyrénées pourraient donc accueillir un plus grand nombre d’individus qu’actuellement. Bien que 79 % des habitats type source soient occupés (contre 86 % dans les Monts Cantabriques), la densité de population y est faible : 0,28 individu/100 km2 pour 2,1 dans les Monts Cantabriques. En se basant sur la densité de la population cantabrique (stabilisée), on peut estimer que les Pyrénées ont la capacité d’accueillir environ cent dix individus d’après la quantité d’habitats de type source disponibles. La population atteindrait alors un statut de conservation plus favorable.
What’s Up in the Pyrenees? Disappearance of the Last Native Bear, and the Situation in 2011 (Camarra et al, 2011)
« Population Status in 2010-2011 In 2010, the minimum size of the bear population in the entire Pyrenees was est imated at 19 individuals. Currently, only the central core can contribute to the growth of this population. Indeed, 2 litters of 2 cubs were spotted during 2010. This good news was tempered, however, by the discovery of a cub carcass in July 2011. This population is in a precarious state, where the slightest of events affecting a few individual females could have a serious impact on the population’s demography. The replacement of the female bear Francka is a growing priority. As we pointed out in 2009, the effort already made to promote the acceptance of the species in the Pyrenean mountains should be continued and thereby facilitate political decision-making. Currently, and since the end of 2009, no bear conserva-tion plan exists in France, although there is a National Strategy for Bear Conservation in Spain.«
Sans oublier les rapports qui trainent dans les tiroirs des ministères :
- 2005 Le rapport Swenson
- 2005 Le dossier Concertation (Etat)
- 2006 Rapport Servheen - AScA
- 2008 Rapport Laurens-Ribière
- 2008 Rapport Binet-Escafre