Pierre Moscovici n’a pas un travail facile

Publié le 07 mai 2013 par H16

Pierre Moscovici n’a pas un travail facile. Il doit convaincre tout le monde qu’il est le Ministre de l’Économie et des Finances françaises, qu’il y comprend quelque chose, et que la situation va s’améliorer dans les prochaines semaines, les prochains mois ou les prochaines années. Ce n’est vraiment pas un travail facile. Heureusement, il est « aidé ».

Bien sûr, au départ, lorsqu’il est arrivé à son poste, il avait une idée assez précise de ce qu’il y aurait à faire. Un peu comme François Hollande, son copain qui l’avait mis là parce qu’ils avaient décroché la timbale, un 6 mai 2012. Ce jour là, c’était bien, c’était simple, c’était frais (et humide aussi un peu). Tout était limpide dans la tête de Pierre : les clowns qui l’avaient précédé à son poste avaient fait n’importe quoi et n’y comprenaient rien en Ministère des Finances Économiques Truc-machin, alors c’était le souk. Mais lui, Pierre, il savait sur quel bouton appuyer et comment remettre la belle machine en marche. Et un petit coup de chiffon ici, et ce sera nickel chrome.

Bon.

Cependant, après un an à filer des petits coups de chiffons, l’ampleur du souk en question est apparu à Pierre qui a maintenant lui-même du mal à ne pas passer pour un clown. C’est un comble et c’est scandaleux parce que lui, il a gagné avec François et toute son équipe et donc, normalement, ça devrait marcher mieux. Logiquement. Si vous me suivez bien…

En plus, ceux qui devaient l’aider ne l’aident pas vraiment.

Bien sûr, il y a Montebourg, cette frétillante endive frisée dont chaque sortie médiatique accroît l’embarras de son patron, du patron de son patron, d’une bonne partie des Français et d’une quantité croissante d’industriels du monde entier. La dernière fois, c’était avec Dailymotion, cette entreprise dont le ministre du Dressement Reproductif tente à tout prix de saboter la croissance à l’étranger pour un motif obscur et bien plus électoraliste qu’économique. Pierre avait pourtant prévenu François : « Arnaud, il n’y connaît rien en ministère, et rien en redressement. » Mais voilà, maintenant, il faut faire avec.

Bien sûr, il y a Mélenchon, le bruit et l’odeur, l’insulte et le tracas, qui prend un malin plaisir à exister en opposition avec le Parti Socialiste, le parti dont Pierre semble être membre, entre deux coups de chiffon au Ministère ; en effet, même si cette existence, mélange subtil de l’ectoplasme de Georges Marchais et de la momie de Lénine ne se traduit par rien d’autre qu’une déferlante de mousse médiatique chargée des odeurs lourdes de bière tiède et de merguez froides, le bouillant tribun semble bien parti pour cristalliser avec lui les rancœurs de militants qui attendent enfin l’ouverture des sprinklers socialistes de pognon gratuit. Pierre, lui, a bien tenté de faire comprendre qu’il les avait ouvert à fond (mais bon : au lieu d’une pluie de richesses, ce fut surtout un gros appel d’air). Peine perdue : maintenant, Mélenchon accuse même Hollande d’être responsable de la crise. Pierre n’est vraiment pas aidé.

Bien sûr, il y a Jean-Marc et son combi Volkswagen hors d’âge. Après un Président normal, il écope d’un Premier Ministre réel qui, en guise d’orientation de son gouvernement et à défaut de la moindre autorité sur les multiples dissensions dans les membres de son équipe, se contente de filer des métaphores bucoliques et printanières pour calmer l’impatience des Français :

« Quand vous semez, quand vous êtes jardinier, ça ne pousse pas dans les minutes qui suivent. »

Le président fait du bricolage, le premier ministre, lui, fait du jardinage. Tout ceci sent bon la crédibilité, la solidité et la détermination.

Et puis surtout, il y a François Hollande lui-même. Normalement, François devait réenchanter la France, faire de gros changements-maintenant, insuffler un nouvel élan, tout ça. Et un an après…

Peau de zob.

Bon. Bien sûr, Pierre expliquera à qui veut l’entendre que François est dans l’action, qu’à côté de lui, les Avengers sont des vieux sous Tranxène, et que la politique avec Hollande, c’est comme ABBA interprété par Slayer, ça dépote et c’est capable de mobiliser les foules.

Mais la réalité, c’est que François n’en décoince pas une. Si Midas transformait tout ce qu’il touchait en or, Hollande, lui, semble posséder le toucher du clown : tout ce qu’il touche se termine systématiquement en pitrerie pathétique (et ça s’est vu, même Outre-Atlantique). Le dernier exemple en date n’est même pas symptomatique mais juste normal : alors que toute l’équipe gouvernementale s’égosille depuis un an sur le thème « On va passer sous la barre des 3% de déficits budgétaires en 2014″, la Commission Européenne a remis les choses au clair en donnant, tout de même, deux ans de plus à la fine équipe en place pour atteindre cet objectif de toute façon invraisemblable. C’était couru d’avance : en février, Hollande avait réitéré son objectif d’annulation des déficits d’ici à la fin du quinquennat. Il avait touché le sujet, à de multiples reprises. Pif ! C’est maintenant une pitrerie pathétique que plus personne ne prend au sérieux.

Pierre lâche un soupir.

Il lui faut maintenant convaincre les Français et le reste du monde que ce délai de deux ans ne sera pas une nouvelle occasion de faire absolument n’importe quoi. Et il faudra choisir avec tact et doigté. En effet, un peu d’analyse montre par exemple que si Pierre se contentait de courir tout nu dans un champ de colza en fleurs, sans plus s’occuper du tout ni d’économie, ni de finance, en laissant reposer en paix le code fiscal pendant un ou deux ans, et – mieux encore – s’il pouvait faire participer Arnaud Montebourg à cette joyeuse farandole, l’économie française s’en porterait nettement mieux.

Nous n’aurons pas cette chance : à peine l’annonce du répit bruxellois connue de nos protagonistes, Pierre n’a pas pu s’empêcher de continuer son « travail » : prenant d’autorité d’une poigne ferme les bouquets de micros mous tendus à lui pour qu’il exprime aussi vocalement que possible son opinion sur les efforts à mener pour continuer à patauger dans la crise sans trop éclabousser de monde, il se sera empressé d’expliquer avec son humour inénarrable que « l’austérité c’est fini, le sérieux ça continue ». Eh oui : l’austérité fantasmée d’une réduction drastique du périmètre de l’État est à présent terminée. Elle n’a jamais eu lieu, il n’y a jamais eu de diminution des dépenses de l’Etat. Les arrosages publics ne se sont jamais arrêtés et n’ont même jamais été aussi forts.

En revanche, l’autre austérité, celle qui qui aura exclusivement consisté à tabasser les contribuables, les salaries et les entreprises d’impôts, de taxes et de ponctions, celle qui se sera traduite par de multiples pertes d’emploi dans le secteur marchand, celle qui aura détourné de la création d’entreprise les quelques esprits un peu fous prêts à se lancer pour tenter de s’en sortir, cette austérité là, oui, elle a bien eu lieu. Et pour le coup, cette austérité là, elle va continuer comme devant, sans laisser un pouce de terrain : les charges sociales vont continuer d’augmenter, la compétitivité française va continuer à se détériorer, le nombre d’emplois précaires va augmenter, le nombre de chômeurs aussi.

Pierre nous l’a gentiment fait comprendre : l’austérité, qui n’a jamais été en place, est finie. Le sérieux, qui n’a jamais été en place non plus, continue donc. Et question sérieux, il en connaît un rayon, le Mosco !