Mezz est dans sa période nostalgique et a décidé de feuilleter les vieux albums avec vous, pas questions de photos on parle bien de chansons. On prend la machine à remonter le temps et nous voilà le 7 mai 1996. Chez les bons disquaires, un clown fendu sur fond jaune arrive dans les bacs, ça change des couvertures plus sombres des précédents albums de Cure. Le groupe mené par Robert Smith entame une nouvelle phase, finie le punk des premiers temps, et la période très romantique New Wave de la fin des années 80 et du début des 90’s.
Wild mood swings nous attaque directement avec Want. Une intro de 3 minutes (OK on a dit que Cure changeait, mais les intros à rallonge restent quand même), chaque instrument entre en scène et renforce la ligne très rock de cette chanson. C’est un hymne à la vie, une sorte de Carpe Diem des temps moderne. Un craquement d’allumette, nous voilà embarqués au Club America pour une nuit aux sons de guitares saturées. The Cure a définitivement laissé ses claviers et boîte à rythme dans les années 80. On aurait presque peur de ne pas retrouver les « marques de fabrique » du groupe.
Heureusement, This is a lie nous rappelle que The Cure et surtout Robert Smith sont des être torturés, en proie aux doutes. La longue intro, les cordes, on retrouve les éléments de la ballade curesque qu’on avait aimés dans Disintegration. Le quatrième morceau The 13th était le premier single de l’album. Les trompettes nous entraînent dans un rêve ou cauchemar d’un Robert au maquillage ravagé. Mais qui n’a pas ressenti ça, certaines nuits d’ivresse, cette frontière si ténue entre le plaisir et la raison ? Strange attraction vient confirmer que les choses ne sont jamais simples, que ce soit pour le plaisir ou pour l’amour, c’est comme si ces deux chansons se répondaient.
Mint Car, deuxième single de l’album balaye ces quelques interrogations d’un revers de main en nous entrainant avec sa mélodie et ses paroles pleines d’optimisme. Mais l’envol est de courte durée et nous sommes rattrapés par la sombre Jupiter Crash. Une des chansons les plus abouties sans doute de l’album, qui rappelle le Cure new wave en introduisant de nouveaux éléments, précurseur des mouvements électro actuels. Jupiter Crash peut être comprise de différentes manières : un hommage à David Bowie et sa Space Oddity ? une métaphore de la relation amoureuse qui va droit dans le mur ? ou encore des angoisses plus profondes de la fin d’un monde ? Peu importe finalement le sens que l’on met derrière ces mots, il faut juste se laisser tomber dans cette chanson pour s’écraser sur Round & Round & Round. Cette chanson rappelle Hot, Hot, Hot, croisée sur Kiss me, Kiss me, Kiss me (non, on ne bégaye pas !), on imagine sans aucun mal les soirées d’excès du groupe et on ne peut que souscrire à la conclusion de la chanson « once more is never the end ».
Gone ! dernier single de l’album reprend l’optimisme de Mint Car avec plus de profondeur et pour l’occasion les claviers sont ressortis de leur placards mais plus en arrière laissant la place aux cuivres. Numb, dixième morceau, est sans doute la chanson la plus sombre de cet album. On est loin de la dépression romantico-amoureuse chère à Robert Smith, il s’agit bien là d’un drame : les ravages de la drogue. Même si dans d’autres chansons Cure n’hésite pas à parler des substances illicites en tous genres, il y a bien une différence entre la consommation festive et la dépendance. La précision des mots ne fait aucun doute, il y a une intimité entre le « Numb » et Robert Smith.
Return est un retour à la légèreté des trompettes, un peu dans la même veine que The 13th. Trap nous ramène aux thèmes chers à The Cure, l’amour se mélangeant si facilement à la haine (thème maintes fois abordé mais on retiendra How beautiful you are et Why can’t I be you). L’album se clôture avec deux chansons quasi-jumelles au niveau de l’orchestration : Treasure et Bare. Treasure est une chanson de rupture qui n’est pas sans rappeler To wish impossible Thing rencontrée sur Wish. On pourrait lui reprocher ses violons sirupeux, dégoulinants de larmes mais c’est aussi ça Cure, un certain goût du romantisme que les mauvaises langues qualifieront de kitsch. Bare est d’ailleurs le point d’orgue de ce romantisme si on ne s’arrête qu’à la profusion de cordes. Pourtant, Robert Smith signe là un de ces plus beaux textes, comme un journal intime qu’il est presque impudique de lire.
Lors de sa sortie en 1996, Wild Mood Swings avait été descendu par la critique et les fans, les salles de concerts étaient à moitié vides, c’était presque ringard d’écouter Cure. Pourtant, 17 ans après, on voit toujours la coupe en pétard sur scène, et même si cet album n’a pas rencontré le succès escompté, le fait que le groupe joue encore certains de ses titres sur scènes montre que c’est un album de qualité. Certains l’ont jugé trop éclectique alors que pour nous c’est justement cet éclectisme qui amène toute la cohérence de cet opus et c’est pour cette raison que c’est l’un de nos préférés.