Plutôt que de parler de privatisations qui n'existent pas, pourrait on discuter d'une nationalisation de la BCE ?
La question est simple est presque urgente.
"Privatisations", le gros mot
Avec quelques heures d'avance sur l'anniversaire de l'élection de François Hollande, dimanche soir, Jean-Marc Ayrault était sur TF1 pour affirmer qu'il existait. Et de lâcher l'une de ses petites annonces au détour d'une phrase qui fera merveille ensuite sur les réseaux sociaux et dans quelques unes médiatiques du lendemain:
"Nous envisageons que dans un certain nombre d'entreprises publiques où le taux de participation de l'Etat est très important nous puissions dégager une partie pour financer de l'investissement. Pas pour boucher les trous du budget."Le jeu du moment est ainsi fait que la séquence est connue d'avance: un ministre, fut-il le premier, commet l'erreur de livrer une mesure d'apparence libérale et franchement inutile, fut-elle floue et marginale, et soyez sûr qu'elle sera reprise en boucle avec davantage d'intensité que n'importe quel projet de loi . Le grand cirque peut repartir. C'est comme remettre une pièce dans la machine.
Ce dimanche soir, Jean-Marc Ayrault voulait occuper le terrain. C'était inutile sauf à apprécier que TF1, le Figaro, France Inter et L'Humanité réunis se délectent la soirée et la journée du lendemain à répéter que le gouvernement lançait des privatisations. Pierre Moscovici est donc sorti du bois, sur iTélé, pour démentir qu'il s'agissait d'un retour des privatisations ("Non, ce n'est pas le retour des privatisations mais c'est une gestion fine du capital de l'Etat, en conservant son rôle d'Etat stratège"). Techniquement pourtant, la vente d'une partie d'une entreprise publique qualifie comme une privatisation. Mais quelle polémique ! Sur le fond, le ministre a ajouté qu'il s'agissait de vendre quelques actions d'entreprises cotées en Bourse où l'Etat a encore quelque part... Quelle polémique !
Si nos médias voulaient s'occuper de privatisation, ils auraient pu à nouveau s'interroger sur la Banque Centrale Européenne.
BCE, l'inutile
Celle-là mériterait une nationalisation à l'échelle européenne en bonne et due forme. Car la réaction de cette BCE supra-nationale ces derniers jours n'a pas lassé de surprendre et d'énerver.
1. Quand la France "obtient" de la Commission européenne le report de deux années pour redescendre sous la barre des 3% du PIB, rares sont les éditocrates à se féliciter de ce répit pour la croissance. Ni même d'une prise de conscience chez ces Commissaires désignés que la situation est grave. Au contraire, ils ne retiennent qu'Hollande ne tiendra donc pas son "pari" de rééquilibrer les déficits "dans les délais". Et ils s'en inquiètent.
2. En parallèle, rares sont ceux à comprendre, noter, remarquer que ce résultat est aussi le fruit d'un rapport de forces. La négociation, à l'échelle européenne, n'est qu'affaire de rapports de forces.
3. Jeudi, la BCE avait baissé son principal taux directeur de 0,75 % à 0,50 %. Pour l'institution, il s'agissait de calmer un trop fort renchérissement de l'euro, d'une part; et de favoriser le financement de l'économie, via un abaissement du coût du crédit. C'était un geste finalement tardif (le premier depuis 10 mois), et ridicule.
Dès le lendemain, Mario Dhragi, patron de la BCE, s'agace que la mesure n'est que peu d'effet. L'euro recule à peine. A Rome, il en rajoute alors. "Nous nous tenons prêts à agir encore", a-t-il dit.
Cette "petite phrase", notent les Echos, fait reculer l'euro/dollar à un plus bas du jour autour de 1,3065 dollar. Voilà à quoi nous en sommes réduits. Des petites phrases d'un irresponsable à la tête de la Banque centrale de l'Union.
La BCE "agit" mais tout le monde s'en fout. Là n'est pas l'action que l'on attend. Un expert ajoute: cette baisse de taux n'empêchera pas la récession. Trop faible, trop tard et à côté.
4. Vendredi, la BCE s'agace de la décision européenne d'avoir accordé un délai à la France: "les pays de la zone euro doivent garder la maîtrise de leurs finances publiques, et tout particulièrement les plus endettés d'entre eux qui ne doivent pas chercher à relancer la croissance en tournant le dos aux efforts budgétaires." Le lendemain, un autre membre de la BCE, le Français Benoît Coeuré, en a rajouté une couche le lendemain: "Ce qui compte pour la BCE, c'est la crédibilité. (...) Si ces deux ans de plus accordés permettent de crédibiliser la trajectoire de baisse des déficits, à ce moment-là, pourquoi pas ? Mais si, au contraire, ces deux ans de plus donnent l'impression qu'il n'y a plus de limite, que les objectifs ne sont plus là et que l'effort s'atténue, à ce moment-là, cela n'aurait pas servi à grand-chose." Le gars s'inquiète d'un "relâchement" généralisé en Europe. Mais qui est-il pour s'inquiéter ? D'ailleurs, Benoît Coeuré, ancien XXXX, complète son raisonnement pleinement politique et sans rapport avec son activité de banquier central: Bien sûr, il faut une stratégie de retour à la croissance collective, cela ne passe pas nécessairement par plus de dépenses. Ce n'est pas en créant de nouvelles dettes qu'on va résoudre le problème de la croissance en Europe
5. Quelle légitimité a donc cette BCE non contrôlée par les Etats ? Ce n'est pas la première fois que cette institution, dont l'indépendance fut rendue possible par le Traité de Maastricht de 1992 comme un préalable à la création de l'euro, se prononce sur de tels sujets. Outre l'objectif général de contribuer à la stabilité des prix, ses statuts prévoient de "définir et mettre en œuvre la politique monétaire de la zone euro" ; de "conduire les opérations de change" ; de "détenir et gérer les réserves officielles de change des pays de la zone euro" ; et, ô surprise, de "promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement". Nous pouvions donc reprendre la question, maintes fois posées en ces temps de coûteux surendettement: pourquoi donc la BCE ne prête-t-elle pas directement aux Etats plutôt qu'aux banques ?
10. La question n'est pas nouvelle. En janvier 2012 déjà, alors que la crise financière menaçait encore d'emporter la Grèce, des femmes et hommes politiques à gauche appelaient à cette mesure de bon sens. "Il n'existe aucune barrière juridique à un prêt de la BCE à un établissement public de crédit" expliquait alors l'un de ses représentants. La FED américaine, tout aussi indépendante des autorités politiques outre-atlantique, s'était bien livré à des prêts massifs et peu chers (0,01%) au plus fort du krach boursier de l'automne 2008. Pour la BCE, l'obstacle n'était pas juridique mais politique. L'opposition est allemande, elle émane du gouvernement Merkel, qui, à de multiples reprises, a expliqué combien il récusait tout crédit aussi direct
Comment se prennent les décisions à la BCE ? Par vote de son Conseil des Gouverneurs. De toutes façons, les gouvernements allemand comme français n'ont pas davantage de pouvoir juridique direct sur l'institution : "Ni la BCE, ni les banques centrales nationales (BCN), ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes de l’Union européenne (UE), des gouvernements des États membres de l’Union européenne ou de tout autre organisme." (source)
Par un miracle sémantique, une illumination sans doute, une conjonction des astres politiques, les différents responsables de la BCE partagent donc les mêmes positions que le gouvernement d'un seul Etat de l'UE, l'Allemagne. La conclusion est inévitable. La BCE fait de la politique. Il serait temps qu'elle en rende quelques comptes.
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