Les semaines, les mois ont passé, et voici que David Lean et son cinéma fait pour le grand écran ont de nouveau les honneurs des cinémas parisiens. Tout du moins de l’un d’entre eux, le bien caché Action Christine, dont la localisation discrète, dans cette rue Christine où les rares passants sont presque tous cinéphiles, n’empêche pas les amateurs de vieux cinéma américain de se montrer en nombre lorsqu’il s’agit de découvrir ou redécouvrir un classique restauré comme c’est le cas en ce moment. Le cinéma organise un cycle d’incontournables en version restaurée, où « African Queen » et « Sur les quais », que j’ai déjà par le passé vus chacun sur grand écran, côtoient deux films de David Lean, le fameux « Lawrence d’Arabie » et « Le pont de la rivière Kwai ». Si l’évocation du premier me ramènera pour le reste de mes jours à ce soir de novembre 2012 dans la salle Langlois de la cinémathèque, le second fait partie de ces films découverts un après-midi de vacances adolescentes où j’étais probablement scotché à la télé. Et depuis, rien.
« Le pont de la rivière Kwai » n’était jusqu’ici qu’un souvenir télévisuel de l’enfance et rien d’autre. Il ne pouvait en être autrement pour « Lawrence d’Arabie », cette magnifique version restaurée était destinée à ressortir en salles (même si j’imaginais mieux qu’une poignée de séances par semaines à l’Action Christine), et je nourrissais ce mince espoir que peut-être, une salle en profiterait pour passer d’autres films de Lean qu’il me restait à découvrir sur grand écran. L’Action Christine a donc exaucé mon vœu, et je me suis retrouvé un dimanche après-midi à emprunter la calme rue Christine que je n’avais pas traversée depuis bien longtemps, trop longtemps.
William Holden et sa gouaille, Alec Guinness et sa baguette de leader, la jungle birmane, ces soldats sifflant en rythme cet air mémorable entré depuis bien longtemps dans l’imaginaire collectif. « Le pont de la rivière Kwai » n’a pas la grandeur de ce que sera « Lawrence d’Arabie » quelques années plus tard, mais il cache sous son trompeur aspect de film d’aventures (si tant est qu’un film sur un camp de prisonnier puisse être considéré comme tel) un discours fort et amer sur l’orgueil humain. Aaah, ces films hollywoodiens à l’ampleur et l’ambition disparues... Mais si l’on ne produit plus vraiment de tels films à Hollywood, il nous reste heureusement les salles obscures parisiennes pour nous replonger en 1942, 1957, 1962 ou 1976, pour voyager dans l’histoire du cinéma sans avoir à dénicher de DeLorean.