Il fut un temps où l’Art obéissait à des codes qu’il fallait respecter pour figurer au Salon et ne pas choquer les critiques, les autorités, le public. Dès le XIXe siècle, quelques artistes entreprirent de détourner ces codes, d’en repousser les limites. Ils s’appelaient Gustave Courbet, Edouard Manet ou Auguste Rodin. Au XXe siècle, sous l’influence de Picasso et, plus encore, de Marcel Duchamp, ces règles explosèrent, mais l’Art demeura. Quelques esprits chagrins, attachés à l’académisme, s’en plaignent encore.
Et il n’est pas certain que ces esprits-là se satisferont aujourd’hui d’un nouveau « code » proposé par Andy Guérif, qui se livre à une intéressante œuvre de création, à la fois originale, inattendue, ludique et profonde, dans un ouvrage intitulé Le Code de l’Art (Editions Palette, 128 pages, 14,90€).
Il ne s’agit pas, en effet, pour l’auteur de fixer un cadre à la production artistique, mais de se livrer à un jeu facétieux qu’il résume ainsi : « L’idée : utiliser des panneaux de signalisation, ces images normalisées et omniprésentes dans le quotidien pour découvrir, par association, des œuvres d’art complexes, singulières et méconnues. »
Le résultat surprend, séduit et réjouit l’œil, car les passerelles jetées entre deux rives, le panneau en page de gauche et l’œuvre en page de droite, deviennent vite lumineuses. Les liens apparaissent dans toute leur évidence, comme celui qui unit L’Origine du monde et le cache que peignit André Masson pour Jacques Lacan et Sylvia Bataille, qui font émerger, derrière les traits d’un paysage surréaliste, les lignes principales du tableau originel.
En parcourant Le Code de l’Art, le lecteur, à travers Cranach, Edward Hopper, Van Gogh, Brueglel l'ancien, Monet, Basquiat et bien d'autres, prend immédiatement conscience qu’une œuvre, dans sa complexité parfois cryptée, peut finalement être associée à un simple pictogramme à travers la symbolique schématique, minimaliste, qu’il représente.
La démarche dépasse le pur lien ludique. Elle nous rappelle que ces deux représentations visuelles, si éloignées en apparence l’une de l’autre, constituent cependant deux formes d'un langage universel, compréhensible de tous, sous toutes les latitudes.
Illustrations : Confrontations issues du Code de l'Art, © Editions Palette.