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Les lundis Y : Le management peut-il vraiment être humain ?

Publié le 06 mai 2013 par Diateino

Les lundis Y : Le management peut-il vraiment être humain ?Je n’ai que 26 ans et je fais donc partie de cette fameuse génération « Y » dont on ne cesse de parler. Et si pour une fois, plutôt que d’écrire sur la génération « Y », c’était cette même génération « Y » qui vous écrivait et qui vous donnait accès à sa vision du monde de l’entreprise, sans fard ni langue de bois ?

Issue de la Chaire Entrepreneuriat de l’ESCP Europe, j’ai exercé pendant un certain temps le métier de consultante en management pour ensuite créer ma propre entreprise dans le domaine de l’innovation (je fais partie des 660 000 auto-entrepreneurs français), et je suis bien sûr avec beaucoup d’intérêt l’actualité du management en France et à l’étranger. L’un des sujets prégnants du moment est le retour de l’humain dans l’entreprise ; un sujet que l’on retrouve de manière très régulière dans la presse spécialisée comme sur les réseaux sociaux ou encore lors de conversations avec des responsables RH ou dirigeants d’entreprise. Il est grand temps de s’en préoccuper après les vagues de suicides qui ont secoué de grandes entreprises françaises.

Les entreprises sont encore trop préoccupées par leurs seules performances

La véritable question est la suivante : l’Etat et les instances dirigeantes souhaitent-ils vraiment changer les choses ? Comment réagir face aux propos attribués à Jean-Paul Bailly, le PDG de La Poste dans Ceux d’en-haut, un ouvrage d’entretiens conduits par l’écrivain et éditeur Hervé Hamon paru le 4 avril au Seuil : « Une institution comme La Poste, traditionnellement, s’accommodait du travail limité des gens un peu inadaptés. On ne les emmerdait pas, on disait que ça faisait partie du casting, et on les laissait dans leur coin. Maintenant, par les temps qui courent, ils n’ont plus leur place dans l’entreprise même si, à La Poste, ils restent boucler leur carrière et font des déprimes à répétition » ?

Nous sommes très loin ici d’une volonté de retour de l’humain dans l’entreprise. Bien au contraire. Ces propos, s’ils n’ont pas été déformés ainsi que le dit Jean-Paul Bailly, sont d’une violence et d’un mépris rares à l’encontre des employés de La Poste. Comment remettre de l’humain dans l’entreprise si les dirigeants eux-mêmes ne témoignent d’aucun respect pour leurs collaborateurs et plus particulièrement pour leurs collaborateurs les plus en difficulté ? Comment remettre de l’humain dans l’entreprise si cette dernière n’est préoccupée que par ses performances et ne prend pas en compte les spécificités de chacun et les manières de les employer au mieux ?

Développer les talents de chacun

Revenons un instant à l’exemple de La Poste et faisons un peu d’analyse de texte. La question n’est plus ici de savoir qui est à l’origine des propos cités plus haut mais plutôt d’en extraire des pistes de réflexion, un peu comme un exercice spéculatif sur le management des individus dans les entreprises françaises. La première question que je me pose, et pardonnez-moi par avance si elle vous choque, est la suivante : comment des « gens un peu inadaptés » sont-ils arrivés à La Poste ? Est-ce que La Poste a volontairement embauché des « personnes inadaptées » ? Etait-ce là l’intitulé de leurs offres d’emploi « Recherche personnes inadaptées pour occuper postes divers » ? Si ces personnes ont été embauchées, c’est certainement parce qu’elles avaient le profil ADAPTÉ au travail qui leur était confié. Que s’est-il donc passé pour que ces personnes adaptées deviennent inadaptées ?

La réponse est dans le texte : « On les laissait dans leur coin ». Car, plutôt que de développer les talents de ces collaborateurs et de les accompagner aux mutations de leur secteur et de leur entreprise par des programmes de formation ou des programmes de mobilité interne ou externe, on les laissait croupir à des postes obsolètes où leurs compétences devenaient elles-mêmes obsolètes. Bien que j’exècre ce mot, les employés d’une entreprise sont ses premières « ressources » (la preuve en est qu’une grève générale peut paralyser un pays tout entier) et ce n’est qu’en développant les compétences de ces millions d’hommes et de femmes que les entreprises seront sources d’innovation et continueront à générer de l’emploi. Et les sociétés françaises en ont bien besoin en ce moment !

Quelles sont les valeurs que nous voulons transmettre à nos descendants ?

N’est-il pas temps de passer à un autre système d’encadrement ? Dans ce dessein, nous devons non seulement compter sur la volonté de changement de la génération Y, mais également sur la volonté de changement de la société toute entière, toutes générations et tous métiers confondus, en commençant par les professeurs de l’enseignement secondaire et supérieur. Ne sommes-nous pas tous responsables du monde que nous créons et de l’avenir que nous offrons à nos successeurs ? Quelles sont les valeurs que nous voulons transmettre à nos descendants ? Si les entreprises elles-mêmes ne souhaitent pas s’adapter et continuent, au contraire, à s’inscrire dans un schéma de performance hérité de la révolution industrielle, de la taylorisation des tâches et de la course aux dividendes, c’est à nous, employés, managers, dirigeants de PME, consultants, etc. de faire changer les choses et d’orienter les politiques managériales de nos entreprises vers davantage d’humanité, de tolérance et surtout de réalisation de soi à travers le développement des compétences qui nous sont propres. Qu’existe-t-il de plus valorisant que de se sentir utile, à sa place et ses compétences reconnues ?

Si le changement ne vient pas d’en haut, c’est d’en bas qu’il doit venir

L’entreprise ne doit plus être un endroit où l’on presse les employés comme des citrons pour en extraire toujours plus de résultats – et sans pépins s’il-vous-plaît ! – mais davantage un immense incubateur de talents. C’est grâce à nos talents et au développement de nos compétences singulières qu’auront lieu les réussites de demain et non plus grâce à la force et à la coercition.

C’est pour cela qu’il incombe aux hommes à l’intérieur des organisations – car ces dernières ne semblent pas encore prêtes à prendre le virage d’un management moins dirigiste et plus ouvert – de prendre la question en main et de transformer les choses à leur échelle. Comme l’écrivait Saint Thomas d’Aquin : « S’il se présente un cas où l’observation de telle loi soit préjudiciable à l’intérêt général, celle-ci ne doit plus être observée ». Il en va de même pour les stratégies d’entreprise. Si celles-ci, qu’elles s’appellent TOP, NExT, Act ou autres, sont nuisibles au bien commun – ici à la santé et au bien-être des collaborateurs – il faut savoir en dévier et refuser l’adhésion que demande avec tant d’insistance la direction. D’ailleurs, ne croyez-vous pas que si une stratégie était bonne en soi (avec des objectifs ambitieux mais réalistes, qui n’exige pas que ses employés se sacrifient pour la mettre en place), elle ne rencontrerait pas une adhésion immédiate des employés ? Faire adhérer, c’est imposer. C’est une véritable injonction paradoxale dès lors que l’adhésion est sensée être un mouvement libre et volontaire. Or, ici, il n’y a plus de libre arbitre : vous êtes forcé d’adhérer ou bien vous êtes mis au banc.

Aussi, si les choses ne changent pas par le haut, c’est par le bas qu’il faut les changer. C’est à vous, managers, de remettre de l’humain dans l’entreprise. C’est à vous, collaborateurs, d’exiger un statut d’individu et non plus de « ressource » ou de « capital » et d’exiger d’être considérés en conséquence. Et c’est justement parce que le changement est initié par les individus et non par les organisations que je vais vous parler dans mes prochains billets de ces hommes et femmes extraordinaires qui ont osé changer les choses et qui participent à la création d’un monde meilleur, plus humain, plus créatif et parfois même plus amusant.


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