Colin a une vie très agréable. Il profite de sa richesse. Il aime les plats de Nicolas, son cuisinier. Il épate son ami Chick avec son pianocktail et toutes ses trouvailles, jusqu'à ce que cet ami lui apprenne qu'il a rencontré une jeune fille prénommée Alise avec qui il a une passion commune : l'écrivain Jean-Sol Partre (allusion au philosophe très médiatique à l'époque, Jean Paul Sartre)Le roman est surréaliste. La description du pianocktail (contraction de piano et cocktail) est relativement facile en mots sur une page blanche. La traduire en image est une toute autre affaire. Le livre plonge littéralement les personnages dans un bain surréaliste, faisant de son adaptation au cinéma un pari insensé.
Colin rencontre Chloé lors d'une soirée par l'entremise de Chick. Ils tombent amoureux, se marient mais Chloé tombe très malade pendant le voyage de noces. Au fur et à mesure que le temps passe, la jeune femme va de plus en plus mal ...
Michel Gondry, le réalisateur, a prodigieusement réussi à rester fidèle à l'oeuvre originale. Les effets spéciaux sont époustouflants sans être jamais gratuits. On devine l'ampleur du budget (budget de 20 millions d'euros pour être précise) et on voudrait que ce film français soit un succès.
Tout est gag et on pourrait le voir dix fois qu'on n'aurait encore pas tout repéré. Voilà pourquoi il me semble qu'il sera (hélas) davantage apprécié en version DVD que sur grand écran où on ne peut pas faire d'arrêt sur image ni revenir en arrière.
Autre écueil me semble-t-il, avec le casting. Certes les acteurs sont formidables. Mais ce qui m'a dérangé, ce n'est pas tant que Romain Duris, alias Colin, Audrey Tautou, alias Chloé et Gad Elmaleh alias Chick, aient largement dépassé l'âge des rôles, mais que leur propre célébrité vienne interférer avec des personnages devenus mythiques.
Omar Sy est excellent mais ce n'est pas Nicolas. Et même si Alain Chabat campe un Jules Gouffédrolatique à souhait j'aurais préféré une distribution d'acteurs moins connus.
Je n'aurais gardé que Philippe Torreton, dans le si difficile rôle de Jean-Sol Partre, Sacha Bourdo dans celui de la souris, Aïssa Maïga (Alise) et Charlotte Le Bon (Isis).
Qu'on me comprenne bien. Ce n'est pas une question de talent mais de processus identificatoire. Et je respecte le travail des acteurs qui sont allés jusqu'à accepter un salaire revu à la baisse.
Si personne n'avait jusque là songé à adapter l'Ecume des jours ce n'était peut-être pas un oubli. Fallait-il pour autant renoncer ? Chapeau bas à Michel Gondry pour l'avoir fait, même si le mieux est l'ennemi du bien.
Nous connaitrons dans quelques semaines le verdict final, car c'est le public qui fait le succès ou l'échec d'un film, et en aucun cas les critiques inconstructives du genre : film inventif mais pas émotif ... qui me fait penser au minaudage des enfants devant un plat trop sophistiqué pour leurs papilles : c'est bon, mais j'en veux pas.
Ce qui sera perdu à court terme sur le plan financier (on peut le craindre) sera gagné ultérieurement en notoriété. La consolation est maigre mais ce n'est pas tout le monde qui pouvait faire un film aussi abouti sur un tel script et Michel Gondry a de quoi être fier. Le voilà dans la cour des grands, des Jacques Tati et des Jean-Pierre Jeunet dont il partage les univers.
Beaucoup de scènes figureront dans les anthologies et je parie que les extraits seront très largement utilisés par la télévision. Vous regretterez alors de ne pas avoir été le voir sur le grand écran.