La page sera bientôt tournée par le 777X.
Dans le jargon industriel, on parle d’ATO, Authorization to Offer. A savoir qu’avant de lancer un nouveau programme, un constructeur est autorisé par son conseil d’administration ŕ proposer ŕ d’éventuels clients de lancement un avion, ŕ un prix donné, des performances contractuelles et un calendrier précis. Mais cela sans engagement définitif, lequel ne peut intervenir qu’aprčs un feu vert complet, pour autant que la réaction des compagnies sollicitées soit positive.
On apprend que le futur 777 allongé et remotorisé, ŕ 400 et quelques places, doté d’une voilure nouvelle, provisoirement baptisé 777X, bénéficie depuis quelques jours d’une ATO en bonne et due forme. Laquelle n’avait pas immédiatement été mise sur la place publique, sans doute pour laisser au dossier 787 le temps de s’apaiser. C’était, affirment aujourd’hui des experts américains reconnus, le secret le moins bien gardé de Boeing… Il est probable que l’avionneur obtienne rapidement de premiers engagements d’achats, notamment d’Emirates, lance le nouvel appareil avant la fin de l’année et en livre les premiers exemplaires de série en 2019. Ce serait un événement d’importance considérable, qui relancerait la rivalité avec Airbus en haut de gamme (et plus précisément avec l’A350-1000) en męme temps qu’il marquerait sans doute la fin prochaine de la production du 747, gros porteur symbole du canal historique du transport aérien depuis les années soixante.
Ce 777X propulsé par deux GE9X, un moteur nouveau appelé ŕ succéder au GE90, sera bien plus qu’un simple dérivé de la lignée 777 lancée il y a une vingtaine d’années. Il aurait d’ailleurs mérité (il n’est pas trop tard) une appellation différente illustrant la rupture avec les épisodes précédents. En effet, il s’agit ici d’un trčs gros avion, d’une capacité trčs proche de celle du 747-8 (lequel offre 467 sičges en configuration de base) et caractérisé par de grandes dimensions au point d’exiger des extrémités d’ailes repliables pour assurer sa compatibilité avec les aérogares gučre adaptées ŕ une envergure de plus de 80 mčtres.
Au plan technique, ce 777X constitue par ailleurs la victoire absolue des exploitations ETOPS, c’est-ŕ-dire des vols bimoteurs trčs longues distances par-dessus les océans, sans limitations réglementaires contraignantes. Il n’est désormais plus justifié de faire appel ŕ des quadriréacteurs, aux coűts d’exploitation plus élevés, compte tenu de la trčs grande fiabilité des propulseurs de nouvelle génération. Et cela malgré des incidents rarissimes, le dernier en date étant l’explosion en vol d’un Rolls-Royce Trent d’un A380 de Qantas, ŕ l’origine d’une belle frayeur.
On comprend que Boeing ait hésité entre la conception d’un avion entičrement nouveau, qui aurait sans doute exigé une mise de fonds de l’ordre de 15 milliards de dollars, et un Ťsimpleť dérivé moins coűteux, toutes proportions gardées. Le compromis qui a été retenu est logique : moteurs nouveaux contribuant ŕ une diminution de la consommation de carburant, voilure en matériaux composites permettant un important gain de masse et des progrčs aérodynamiques sans doute importants et un calendrier trčs serré (encore que, de maničre générale, les délais annoncés manquent de crédibilité).
Plus de 1.500 quadriréacteurs 747 ont été vendus depuis la commande fondatrice de Pan American d’avril 1966 mais l’ultime dérivé 747-8 ne connaît qu’un succčs d’estime trčs relatif. Aussi la cadence de production du ŤJumbo Jetť vient-elle d’ętre ramenée ŕ moins de deux exemplaires par mois (trčs exactement 1,75) et, depuis le début de l’année, deux appareils de ce type seulement ont été vendus alors que cinq annulations ont été enregistrées. Déjŕ, le 747-400F cargo avait cédé la place au 777F, dont Air France a été le client de lancement et tout porte ŕ croire que le 747X conduira ŕ la clôture de ce chapitre 747 d’une durée de plus d’un demi-sičcle. Mais l’heure du bilan n’a pas encore sonné.
Pierre Sparaco - AeroMorning