Deux intéressantes tribunes sur l’école dans le Libération de jeudi.
La première, magistrale, d’Alain Bentolila, dont voici quelques extraits:
“D’un côté, nous trouvons ceux qui, tellement désireux de «sauver la haute école», sont prêts à enterrer le quart des élèves. Ceux-là ont l’absolue certitude que la force et la beauté naturelles des textes littéraires, la rigueur et la noblesse évidentes des connaissances suffiront à entraîner l’adhésion de tous les élèves, à la seule condition que l’on veille à rester «droit dans ses bottes culturelles». Apprentissage frontal, mémorisation des règles, automatisation des mécanismes sont les maîtres mots de la pédagogie proposée. Ce discours renvoie le plus souvent à une époque rêvée où l’école «tenait son rang», où les élèves restaient à leur place et où les professeurs faisaient strictement leur métier de professeurs… Un temps où la sélection était tellement sévère qu’on livrait aux enseignants des élèves préparés à faire docilement leur métier d’élèves. S’il faut avoir la même ambition pour tous et ne pas priver certains des plus belles pages de notre patrimoine littéraire, la vraie question est cependant de savoir comment mettre en pratique cette juste ambition pour une population en rupture culturelle et sociale”.
“Parier sur l’intelligence d’un enfant constitue certes le fondement même de l’acte éducatif. Un enfant, parce qu’humain, n’imite pas ; il découvre ! A condition cependant qu’il soit accompagné de médiateurs, à la fois bienveillants et exigeants, qui lui apprennent à analyser ses erreurs et à dépasser ses limites. Mais mener un enfant à la découverte du savoir ce n’est pas s’en remettre au hasard, en espérant qu’il tombe juste de temps en temps. C’est lui donner les clés des mécanismes fondamentaux. Et ces clés ne s’inventent pas, elles sont conventionnelles et non discutables. L’expertise se gagne, étape après étape, en maîtrisant parfaitement l’identification des composantes de la langue et leur organisation”.
La seconde, d’un enseignant en ZEP du 9-3: “Or, quelle égalité et quelles chances convoque-t-on dans les nouveaux programmes du ministère de l’Education nationale ? Egalité devant une «culture scolaire» dont la clef principale est l’étude de la langue française, comme objet en soi, déconnectée de toute réalité, de toutes pratiques sociales dans lesquelles cet apprentissage prendrait tout son sens ?… Seuls y réussissent les enfants dont le rapport à la langue et à cette «culture» se construit, dans, mais essentiellement hors les murs de l’école…”
Quelle école construire? “Une école où il est possible dès la maternelle de produire de nouveaux savoirs plutôt que de les singer. Une école où faire des mathématiques et du français a du sens parce que ces disciplines s’inscrivent dans un projet, dans un partage, où les productions sont socialisées, où l’on apprend ensemble dans la coopération, l’entraide, où personne n’est stigmatisé parce qu’en «difficulté»…”
Je n’ai rien à y rajouter et cela constitue, à mon avis, le coeur du débat qui devrait être ouvert..