La puissance d’un pays dépend, entre autres, de la taille de sa population. Si, dans les siècles passés, le souci était surtout de pouvoir disposer d’assez de soldats, c’est la puissance économique qui est désormais primordiale. Un pays peuplé conjugue une main d’oeuvre nombreuse et un large marché intérieur, qui permettent ensuite la conquête d’autres marchés. Les problèmes déjà apparents en Russie et ceux qui se profilent en Allemagne sont liés au vieillissement de la population. Inversement, la taille de leur population joue certainement un rôle décisif dans l’accession au rang de puissances économiques de pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil.
Ce sont des considérations de ce genre qui ont conduit différents gouvernements à mener une politique nataliste. Il y a moins de cinquante ans, Michel Debré se faisait l’avocat d’une France de cent millions d’habitants. Au lendemain de l’épouvantable saignée de la Grande guerre, qui avait fauché toute une génération, il importait d’inciter les Français à avoir des enfants. Parmi les mesures prises alors figurait la carte de famille nombreuse. La présence dans un foyer de deux enfants ne permettant même pas le renouvellement des générations, seuls les enfants nés à partir du troisième sont à même d’assurer la croissance de la population.
Si les sentiments sont déterminants dans la décision d’engendrer, il faut prendre aussi en compte des facteurs économiques. Or, accueillir un enfant dans une famille implique aussi un engagement financier pour au minimum un bail de seize ans, âge limite de la scolarité obligatoire. Si l’Etat décide de mener une politique familiale, on est en droit d’attendre que les mesures prises soient pérennes et non pas révocables selon l’humeur de tel ou tel ministre sommé de réaliser des économies. Lorsque, en outre, une mesure peut être annoncée le matin et démentie le soir même, n’importe quel individu sensé comprend qu’un tel comportement est inadapté et scandaleux.
La notion de contrat échappe totalement à nos ministres soucieux de veiller à leur carrière et de ne pas encourir la colère de notre guide suprême. Envisager de supprimer une mesure prise il y a bientôt 90 ans, alors que depuis lors la France a traversé des périodes beaucoup plus critiques sans la remettre en cause, est une honte. Quand l’Etat a poussé des familles à avoir des enfants, les a assurées qu’il les aiderait à supporter le surcroît de charges qui en résulte, il a pris un engagement que, à moins de le déshonorer, on ne peut oublier.