Promenade dans une ville fantôme

Par Carmenrob

J’ai le grand bonheur d’être en résidence d’écriture chez des amis, à Saint-David-de-l’Auberivière, qui me prêtent leur nid pendant qu’ils bourlinguent en Méditerranée. Le bonheur et les tourments aussi. J’y ai terminé le manuscrit en chantier depuis presque deux ans et je l’ai transmis à mon éditeur, me croisant les doigts pour qu’il le juge digne de publication. Ça, c’est le bon côté des choses. Le tourment, c’est le nouveau roman dont j’ai entrepris l’écriture et dont je n’arrive pas à définir le ton. Écrire au « je » ou écrire au « il »? « Big problème », me direz-vous en levant les yeux au ciel. Sans espérer vous faire pleurer sur mon triste sort, faut que je vous dise que ça fait toute une différence, que le « je » commande un style plus simple, plus près du langage parlé alors que le « il » permet l’usage d’un langage plus littéraire, celui auquel je suis habituée. « En ce cas là, écris au “il”, pis fatigue-nous pu avec ça. » Ben… c’est que j’aimerais un peu sortir de mes ornières, expérimenter un autre style, et que je ne trouve pas ça évident. D’où les tourments, et d’où la promenade dans Saint-David, ce qui est, en fait, le véritable sujet de ce billet.

L’Église a perdu sa belle flèche lors d’un violent orage en 1969. La vieille dame de 136 ans en a été un peu écourtée.

Avant la perte de la flèche

Avec un début de mai qui se prend pour l’été, faudrait être sans-cœur pour ne pas mettre le nez dehors. C’est ce que j’ai fait en allant me balader de l’autre côté du boulevard de la Rive-Sud, dans ce qui devait être le cœur de la ville de Saint-David-de-l’Auberivière. Du moins je l’imagine puisque l’église y trône sur le promontoire qui domine le fleuve.

J’ai arpenté d’est en ouest les rues qui me semblent principales. Rien. Aucune trace de ce qui devait bien être le carrefour où se croisaient les citoyens avant que toute l’activité commerciale et marchande ne se transporte sur le boulevard. Pas un café, pas un restaurant, pas une petite épicerie ou quincaillerie de proximité sur un kilomètre de long. À croire que la ville n’a jamais existé. De retour à la maison, des recherches sur internet me confirment pourtant la fondation d’une municipalité et d’une paroisse vers la fin du 19e siècle. Mes lectures m’ont aussi permis de satisfaire ma curiosité quant à son nom. L’abbé Joseph-David Déziel, fondateur et grand bâtisseur de la ville de Lévis, lui en a légué la première partie et Mgr François-Louis de Pourroy de l’Auberivière, 5e évêque de Québec, en explique la seconde. Tout un héritage!

J’y apprends enfin que Saint-David fusionne avec Lévis en 1990, soit 12 ans avant la grande vague de fusions de 2002 qui allait faire de Lévis une ville longitudinale et hétéroclite.

Dès 1991, le cimetière était cédé à celui de la corporation Mont-Marie (Lévis); en 1992, la paroisse était fusionnée à la celle de Saint-Joseph-de-Lévis et en 1996, le « modeste » presbytère était vendu à une entreprise funéraire. Tout était consommé.

Le «modeste» presbytère

Ce qui frappe aujourd’hui, quand on se balade à pied dans l’ancienne ville, c’est l’absence de ces lieux de rencontre qui tissent et solidifient la trame d’une communauté. Comme l’avenue Bégin, à Lévis, la rue Cartier ou la rue Saint-Jean à Québec, pour ne donner que quelques exemples. Comment se traduit le sentiment d’appartenance de ces « Lévisiens »? Où vont-ils siroter leur café du dimanche matin? Et lécher leur crème glacée des beaux soirs d’été? Sur quelle terrasse prennent-ils une bière fraîche tout en regardant flâner les badauds? Dans le vieux Lévis ou le vieux Québec? Ou restent-ils chez eux?

Petite maison traditionnelle

Ruisseau qui traverse les rues anciennes

De petit village à modeste ville, Saint-David a maintenant tout à fait l’allure d’une banlieue, un endroit où l’on dort, où l’on mange, mais dont on sort pour travailler et s’amuser. Formée d’un vieux quartier et de nouveaux lotissements, elle est balafrée par le boulevard de la Rive-Sud qui court de Lévis jusqu’au pont de Québec, déprimant de laideur, et qu’on traverse à ses risques et périls si la prochaine traverse piétonnière est trop loin.

Dans la vieille ville, des rues gardent pourtant le charme d’un riche patrimoine couvrant plusieurs siècles et autant de styles architecturaux. Qui sait si le secteur ne pourrait pas s’éveiller sous l’impulsion de quelques commerçants bien avisés qui sauraient mettre en valeur son petit air villageois et son incroyable vue sur le fleuve et ramener la vie dans ses rues?

Influence victorienne

Curieuse construction à l’allure de château forteresse

Belle résidence traditionnelle avec toit mansardé à deux versants