L’heure de vérité

Publié le 04 mai 2013 par Lino83
04 MAI 2013 | PAR EDWY PLENEL

Sous l’effet de souffle de l’affaire Cahuzac, la Cinquième République vacille. Tandis que François Hollande s’enferme et s’isole dans un présidentialisme archaïque, toujours fatal à la gauche, la droite accentue sa dérive extrémiste, appelant à « un nouveau 1958 », autrement dit à un coup d’État. Au peuple d’avoir l’audace qui manque à ses gouvernants : imposer la nécessaire refondation démocratique de la République.

« La France a besoin d’un nouveau 1958 » : l’appel vient de Jean-François Copé, dans une tribune au Figaro du 4 mai. Le président de l’UMP évoque cette année funeste où, à Alger, un soulèvement de militaires extrémistes mit fin à une République parlementaire, la Quatrième, qui s’était elle-même égarée et discréditée dans l’aveuglement colonial. Que le retour au pouvoir ainsi permis du général de Gaulle n’ait pas enfanté un régime dictatorial n’empêche pas la Cinquième République qui en est issue d’être un régime d’exception, marqué par cet acte de naissance anti-démocratique.

Ce propos du leader en titre de la droite confirme le chemin de radicalisation qu’elle emprunte depuis que Nicolas Sarkozy et son clan s’en sont emparés, marginalisant la droite républicaine. Après avoir, au pouvoir, épousé les thématiques de l’extrême droite, en donnant droit de cité aux idéologies identitaires et inégalitaires, ils ont cautionné, revenus dans l’opposition, la violence de rue des franges les plus radicales de la droite, en marge des manifestations contre l’égalité étendue au mariage. Et maintenant donc l’appel, sans vergogne, à renverser le pouvoir en place.

S’il fallait, pour les républicains de tous bords, un signe que l’heure est décisive, le voici. Il est d’autant plus significatif qu’il vient de l’homme qu’en 2011, Mediapart a dévoilé barbotant dans la piscine de l’intermédiaire en ventes d’armes Ziad Takieddine ; de l’avocat d’affaires qui, jusqu’à il y a peu, ne voyait aucun conflit d’intérêts à cumuler ces activités lucratives avec celles de député de la nation ; de l’un des principaux défenseurs à droite, avec Éric Woerth, de Jérôme Cahuzac, le fraudeur et menteur que l’on sait, avant que la vérité ne triomphe ; bref d’un symbole vivant des arrangements et des aveuglements, entre intérêts et privilèges, d’un monde oligarchique aujourd’hui saisi de panique.

Car l’affaire Cahuzac ne fut pas la révélation du mensonge d’un homme, mais le dévoilement de l’imposture d’un système. Durant les près de quatre mois où l’on tenta d’étouffer la vérité mise au jour par Mediapart, c’est tout simplement la démocratie qui n’a pas fonctionné. Un pouvoir exécutif tétanisé, immobile ou complice ; un pouvoir parlementaire coalisé, sans confrontation ni opposition ; un pouvoir judiciaire attentiste, jusqu’à ce que nous l’interpellions publiquement ; un contre-pouvoir médiatique majoritairement aveugle, au point de relayer les manœuvres communicantes des ennemis de l’information.

Notre démocratie s’est enrayée. Fatiguée, épuisée, dévitalisée. Impuissante et inconsciente. Et c’est une faillite collective. Celle d’un système institutionnel qui, loin d’élever la République et de renforcer l’État comme il le prétendait à l’origine, a fini par abaisser la première et affaiblir le second. Plus que jamais, les intérêts privés ont pris leurs quartiers au sein des machineries politiques et étatiques, partisanes et ministérielles. Trop souvent, la politique est devenue professionnelle, constituée en caste au-dessus du peuple tandis que, dans son sillage, se construisent des carrières intéressées, du public au privé et aller-retour, où l’âpreté au gain a remplacé le goût du devoir

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