Par un petit matin de cette semaine, je me suis installée tranquillement dans un gentil bistro du 11ème, un de ceux qui ont conservé leur formica d’origine [j’aime bien].
Il était relativement tôt ; dans un coin un écran plat diffusait sans le son les images d’une chaîne d’information continue. Mon double expresso fumait devant moi quand, par dessus le crissement du moulin à grain et le claquement de la porte du lave-vaisselle du bar, me parvint une conversation … comment dire… motivée.
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Je ne dois pas être la seule à apprécier ces conversations qui traînent le long des zincs des cafés. Brèves de comptoirs et poésies urbaines y côtoient moult discours philosophiques [si, y en a !] et surtout d’extraordinaires chroniques politiques et sociales. En quelques minutes – le temps de commander un sandwich – ou le temps d’un plat du jour, s’expriment les vérités des gens sur leur quotidien.
Et ce jour là, juste derrière moi, La question du jour âprement débattu autour du petit crème était – dans le texte – la suivante:
- « Pourquoi ca ne redémarre pas, la croissance ? »
La principale raison donnée fut la suivante :
- « Ah mais, c’est la faute de l’Allemagne si la croissance n’est pas au rendez-vous… avec cette fichue austérité qu’ils nous imposent, comment veux-tu… Y veulent pas qu’on s’en sorte, de toute façon. »
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Bon sang, ils sont trop forts nos politiques en place, me suis-je dit. Il aura suffit d’une allocution véhémente contre nos voisins, d’un weekend [le temps que « ça prenne »], de deux ou trois mentions complémentaires sur toutes les chaines pour que l’idée s’impose et descende éclairer [embuer ?] les lanternes des citoyens.
Remarquez, ceux d’avant [les politiques] n’ont pas démérité non plus.
On ne peut oublier cette déclaration de guerre si poignante contre les banques et les traders au moment de ce que l’on a plus appelé l’affaire Kerviel que l’affaire Société Générale.
A pointer du doigt l’homme plus que l’institution, on a fait plus que désigner LE coupable … au passage, on a diabolisé de pauvres traders et totalement oublié qu’on les payait pour faire ce qu’on leur demandait.
Subtile ironie.
Loin de moi l’idée d’émettre un quelconque avis politique sur l’un de ces deux sujets. De plus, comme il est fort à parier que le premier – comme ce fut le cas pour le second – soit classé assez rapidement dans la rubrique « effets de manche » de nos mémoires collectives : pourquoi perdrais-je mon temps ?
En revanche, il me semble plus intéressant de signaler l’usage abusif et dangereux de ces fameux « Effets de Manches », des ces « Ecrans de Fumée » sur-médiatisés.
Parce que trouver, à n’importe quel prix, ce qui stigmatisera suffisamment pour détourner l’attention du sujet principal n’est pas sans risque…
Cette ultime parade de mauvaise foi est – au mieux – le plus bel aveu de totale impuissance dont l’on puisse faire montre.
Au pire, c’est oublier qu’il n’y a pas d’actions – et donc de paroles – sans conséquence… surtout quand on ravive de vieilles rancœurs et que l’on tape dans le stéréotype historique. Ce type de manipulation de haut vol, qui finit par voler « très bas », n’alimente pas que les conversations de café.
Effets de manche, écran de fumée… que de techniques connues des illusionnistes qui savent mieux que quiconque que pour qu’un tour de magie soit réussit, il faut savoir détourner l’attention du spectateur.
Sauf que dans le cas présent, les ficelles sont un peu grosses … et les effets un tantinet écœurants… enfin, je trouve.
A tout prendre, je préfère qu’on détourne l’attention avec les [surement] très jolies peintures de Monsieur Guéant.