POLITIQUE - le 3 Mai 2013
Jean-Luc Mélenchon "Le 5 mai, pour un Front du peuple des plus larges"
Pour Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche, le Front de gauche, qui a les outils programmatiques et la méthode politique, doit ouvrir une perspective à gauche.
François Hollande est au plus bas dans les sondages. Comment l’expliquez-vous ?
Jean-Luc Mélenchon. Ce qui est déterminant, c’est la volte-face du chef l’État qui l’a amené à épouser les objectifs du Medef et à refuser quelque contrepartie que ce soit aux salariés. Cette réalité fausse tout le champ politique quand celui qui est censé représenter le changement fait le contraire. Il ne suffit pas d’avoir des opinions favorables dans le patronat pour provoquer l’adhésion des Français.
Le gouvernement reporte sur les politiques d’austérité menées en Europe et en Allemagne les difficultés de la France. Comment réagissez-vous ?
Jean-Luc Mélenchon. Nous nous appuyons toujours sur ce qui nous permet d’avancer. D’un côté, le PS intègre notre discours sur l’Europe austéritaire et sort du déni de réalité qui lui faisait dire que c’était la seule politique possible. C’est positif. De l’autre, il reporte sa propre responsabilité sur Angela Merkel alors même qu’il pratique sa politique en France. C’est une ruse de communication.
Le gouvernement fait passer en force la loi sur l’ANI, rejette l’amnistie sociale…
Jean-Luc Mélenchon. Cela confirme l’ampleur du tournant politique du noyau dirigeant du PS. Voyez la violence avec laquelle ils ont agressé le président de l’Assemblée nationale, le traitant de démagogue, pour avoir posé le problème de la confrontation avec l’Allemagne. Ce tournant trouve son origine dans les années 1980, quand les socialistes européens ont reformulé la doctrine sociale-démocrate. Les Solferiniens en France, les Blairistes en Angleterre, les Schroedérien en Allemagne, les D’Alémanistes en Italie se placent hors de la lutte de classes, entre « l’entreprise et les salariés » et même, parfois, hors du cadre droite-gauche.
Un remaniement gouvernemental est évoqué. En quoi pourrait-il être une solution ? Vous vous dites vous-même disponible pour devenir premier ministre ?
Jean-Luc Mélenchon. Le Front de gauche se réclame de la radicalité concrète. Notre ligne politique n’est pas d’attendre 2017, voire 2022… Le changement que nous voulons, nous sommes en état de le réaliser tout de suite. Nous en avons les outils programmatiques, les méthodes politiques. C’est pourquoi j’ai résumé cette offre par : « Je suis prêt à être premier ministre. » Montrant ainsi que nous sommes une force gouvernementale, et non de témoignages. Maintenant, soit Hollande resserre son gouvernement pour continuer la même politique, soit il change de cap. Dans ce cas, nous sommes ouverts à la discussion.
Le désenchantement, la colère ne semblent pas se traduire par des mobilisations sociales fortes et bénéficient à l’extrême droite…
Jean-Luc Mélenchon. La situation est contradictoire. La volte-face de Hollande crée des dégâts considérables. Des milliers de gens ne comprennent pas pourquoi il se produit le contraire de leurs espérances de 2012. Soit ils en concluent qu’ils ont été trahis, ce qui les démoralise, soit qu’il n’est pas possible de faire autrement, ce qui les démoralise aussi. L’autre conséquence, avec l’impuissance du parti majoritaire, c’est que l’extrême droite et la droite, qui ont tendance à constituer un tout idéologique, peuvent alors apparaître, à des fractions de la société, comme la solution du moment.
Dans cette situation, quelle est la responsabilité du Front de gauche ?
Jean-Luc Mélenchon. La force que nous avons constituée durant l’élection présidentielle – 4 millions de suffrages – n’est pas une force champignon, c’est-à-dire éphémère. Elle aurait pu se diluer dans le paysage politique. Ce n’est pas le cas. Elle a été confirmée et des sondages la donnent en progression. Surtout si nous sommes capables de prendre la tête non seulement de la colère populaire, mais d’une espérance populaire.
Dans cet objectif, quelles sont les ambitions du Front de gauche avec la marche du 5 mai : coup de semonce contre la politique du gouvernement ou volonté d’affirmer une alternative à gauche ?
Jean-Luc Mélenchon. Les deux à la fois. Le Front de gauche a une responsabilité devant le pays à la suite de l’affaire Cahuzac. Nous devons expliquer et proposer des solutions. Le mot d’ordre de VIe République est revenu avec force. Après les reniements du gouvernement, le 5 mai s’est chargé d’un contenu plus social. Ce coup de semonce dont vous parlez se fera entendre lors du vote sur l’ANI, au Sénat, le 14 mai, et sur l’amnistie sociale, le 16 mai, à l’Assemblée nationale. Nous avons une stratégie politique, celle de construire un front du peuple le plus large possible et nous sommes en train d’entrer dans l’imaginaire collectif comme une alternative possible à gauche.
Entretien réalisé par Max Staat