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Biodigesteur au Burkina : Il faut oser

Publié le 03 mai 2013 par Kafando @KAFANDORAPHAEL

 Le Burkina Faso, pays sahélien enclavé avec un taux annuel de déforestation de l’ordre de 4%, compte une population rurale des 85%. Les énergies traditionnelles (bois de chauffe, charbon de bois, résidus agricoles) représentent près de 86% de la consommation énergétique nationale et seulement, 18% de la population a accès à l’électricité. En plus du déficit énergétique, le pays fait face souvent à une insécurité alimentaire due aux aléas climatiques, à la pauvreté des sols et aux techniques agricoles rudimentaires (agriculture extensive et saisonnière), ce qui ne permet pas d’obtenir de bons rendements agricoles. À cela, il faut ajouter le prix élevé des énergies fossiles. Dans un tel contexte, il s’avère nécessaire pour le Burkina Faso de valoriser les déchets organiques pour créer une énergie propre et naturelle et ainsi, créer un nouveau secteur marchand viable et durable.
C’est dans un tel contexte qu’est né le Programme national de biodigesteur au Burkina Faso (PNB-BF) en 2009, soutenu par le programme de Biogaz en Afrique (ABBP), fruit d’un partenariat public/privé entre DGIS et deux organisations de la société civile néerlandaise, Humanist institute for development cooperation (HIVOS) et SNV. Par exemple, en 2011, les activités du programme ont permis le développemnt d’un environnement favorable à la dissémination de la technologie du biodigesteur dans onze (11) régions sur les 13 que compte le pays. Plus de 200 maçons répartis sur l’ensemble des régions du Burkina ont été formés à la technique de construction et de promotion du biodigesteur. De 2010 à 2012, le cumul des constructions est de 2012, ce qui reste en-déçà des objectifs attendus, à un an de la fin de la première phase. Cependant, cette contre-performance reste un exploit pour un pays comme le Burkina Faso et peut être liée aux facteurs suivants, tels que la nouveauté de la technologie, le mode d’exécution du programme (le client participe financièrement à l’exécution du programme), le coût élevé de la technologie etc. Le programme espère construire environ 2500 ouvrages en 2013. Face à ces barrières, les batailles pour lever certaines résistances sociologiques sont encore à faire pour faciliter l’appropriation de la technologie, notamment sur les questions de la cuisson à base de déjections animales, mais surtout humaine, ce qui limite la possibilité de connecter les toilettes aux digesteurs pour avoir du gaz, et d’utiliser le digestat comme engrais pour la culture maraîchère. Aussi, l’Union des producteurs de coton s’est engagée pour 5 000 ouvrages et lors des Journées nationales du paysan, en avril 2012 à Ouahigouya (rencontre phare des producteurs), les organisations ont formulé la recommandation « un éleveur, un biodigesteur » soit 75 000 ouvrages. Malheureusement, le financement du projet à partir de 2013 reste toujours en pointillé quand on sait qu’entre-temps la crise financière et économique est passée par là. Ce qui a diminué les ardeurs de certains partenaires. Pourtant, les résultats économiques et environnementaux du biodigesteur militent en faveur d’un maintien de ce type de programme pour éviter que le programme ne meurt de sa belle mort, comme tout ces projets entre- temps qui n’avaient plus de financement extérieur. En effet, la construction des biodigesteurs a permis aux maçons d’avoir des revenus substantiels pour subvenir à leur besoins familiaux : en 2011, la construction des 609 ouvrages a permis aux maçons d’engranger la somme de 44 500 000 FCFA (101 931 000 F CFA en 2012 pour les 1292 ouvrages). Il est estimé que les biodigesteurs ont évité la consommation de 350 tonnes de bois en 2011, soit 5 250 000 FCFA, correspondant à environ 55 ha de forêts épargnées. Cette technologie permet également d’avoir une production d’une énergie propre et renouvelable, une gestion durable des déchets organiques, une réduction de la déforestation et des émissions de gaz à effet de serre. Au vue de tous ces avantages et dans un contexte où les conséquences des changements climatiques sont ressenties dans la vie de tous les jours, il est impérieux que la volonté politique s’exprime pour aider les populations rurales à bénéficier de cette technologie. D’autant plus que dans le programme quinquennal 2010-2015 du président du Faso, Blaise Compaoré, la technologie du biodigesteur est prise en compte. « Au cours du quinquennat, je m’attacherai à mettre en place un schéma de développement énergétique durable, à travers la promotion des énergies solaires et hydrauliques,...Par ailleurs, à l’instar des plateformes multifonctionnelles, les villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso seront dotées de biodigesteurs de grande capacité pour éliminer les déchets organiques et en tirer du biogaz. Une telle expérience pourrait par la suite, être étendue aux autres centres urbains et au milieu rural, comme une solution énergétique d’appoint », indique le programme présidentiel. En outre, Le chef de l’Etat l’a rappelé dans son discours à la Nation le 31 décembre 2012, en ces termes : « …le processus lancé pour la diffusion de la technologie des biodigesteurs vient contribuer à l’amélioration du quotidien des ménages en milieu rural, et participer à la protection des équilibres écologiques ». Des engagements qui méritent que, malgré la réticence des bailleurs de fonds pour le financement de la seconde phase après 2013, l’Etat prenne ses responsabilités pour asseoir le secteur du biogaz au Burkina.

Raphaël KAFANDO


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