Pour en finir avec "la" culture ?

Publié le 03 mai 2013 par Ep2c @jeanclp

Attention !

Jean Caune n’y va pas de main morte, sur bon blog, Affinités électives, dans son billet en date du 28 avril dernier :

Misère de la pensée, défaite de la politique

Dans une interview à la revue Mouvement, la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, déclare vouloir « inscrire la culture dans un projet politique global ».

(…)

Le champ de ruines laissé par la présidence de Sarkozy aurait dû donner à la gauche « l’ardente obligation » de restaurer l’action culturelle publique. La préférence donnée à l’homme d’Église au détriment de l’instituteur pour forger un sentiment d’appartenance ; l’abandon d’une politique de démocratisation culturelle, évaluée comme un échec ; la priorité donnée à une politique de l’offre et du spectaculaire, en lieu et place d’une action sur les territoires de vie… ont été les marques de la disparition d’une volonté politique en matière culturelle.

Les questions nouvelles qui se posent dans cette triple crise, économique, sociale et politique ne peuvent être abordées, comme le fait la ministre, en considérant la culture comme un atout pour « le redressement du économique ». Une telle perspective exprime un point de vue philistin qui, comme le rappelle Hannah Arendt, relève d’une « mentalité exclusivement utilitaire, d’une incapacité à penser et à juger une chose indépendamment de sa fonction ou de son utilité ».

(…)

Est-il judicieux de devoir justifier la politique culturelle de l’État par les richesses créées dans le secteur des industries culturelles ? Que peut bien signifier cet agacement qu’elle exprime en déclarant « en avoir assez que la culture soit perçue comme non-marchande », alors qu’elle est « au cœur dur de l’économie française » ? À qui s’adresse cette saillie ? « À ceux qui véhiculent le mythe de la culture comme supplément d’âme », précise-t-elle. Mais qui, aujourd’hui, peut encore soutenir cette idée d’une dimension désincarnée de la culture réduite à sa spiritualité ? Cette conception qui date des années soixante ne correspond à aucune expérience concrète. Les phénomènes culturels s’inscrivent dans un monde vécu ; ils ne sont pas séparés des formes de loisir, des supports qui les diffusent, des conditions socio-économiques dans lesquelles les produits culturels et les œuvres artistiques sont reçus. Qui peut croire à ce récit naïf et déconnecté de la réalité où la culture serait « le moyen de notre aspiration au bonheur » et le modèle spécifiquement français « un modèle efficace dans la mondialisation » ?
L’essentiel du propos de la ministre reprend les illusions développées, dans les années quatre-vingt, par Jack Lang et Jacques Attali, sur la convergence entre le développement économique et le progrès culturel . Si la politique culturelle ne peut ignorer les transformations profondes générées par le numérique, dans la production, la diffusion et la réception des produits culturels, elle ne peut, pour autant, se situer à la remorque des industries culturelles. Au-delà de la régulation des conditions techno-économiques de la production et de la diffusion artistiques, la politique de l’État doit s’opposer de manière permanente et volontaire, aux appropriations abusives des processus de création et à l’hégémonie du marché. Elle doit viser à mettre en place des dispositifs correcteurs des inégalités, non au bénéfice des gens mais des plus défavorisés. Elle doit libérer les forces et les espaces de la prise de parole artistique et de l’usage des formes symboliques.

(…)

© Jean Caune

La suite ?

Elle est consacrée à la priorité « éducation artistique » (Mais cette question peut-elle s’aborder dans les termes institutionnels des années soixante où l’École et les institutions culturelles étaient l’objet d’une séparation de nature. Et s’agit-il seulement de faire une place à l’art dans le système éducatif ? Et cette place peut-elle être occupée par l’Histoire de l’art ?) et elle est du même tonneau, de la même redoutable pertinence.

Il faut donc lire l’article de Jean Caune

Convergence ?

On en jugera. Une des dernieres chroniques de Jacques Bertin dans Policultures (16 avril 2013) :

OUI, LA CRISE.

La crise. Oui, la crise. Ca va mal.

Tout le monde sait maintenant et tout le monde dit et répète que “ Ca va mal ! ” Et que la société française est en crise. Economique ? Oh oui, mais oh non ! Ce serait trop simple : dix ans de misère pour les classes inférieures et ça repart ! Mais une crise sociétale, culturelle, une crise de foi ; la fin d’un monde.

(…)

Je pense à cela en repliant le grand quotidien national plein d’assurance, de mépris à l’égard du peuple ringard, et tout entier occupé à la lutte contre la frilosité (qui handicape notre économie). J’ai lu aujourd’hui dix fois le mot populisme. Observez l’emploi de ce mot dans les bons médias : c’est atterrant. Il en est de même pour le mot “ Etat-providence ”. Quel mépris ! Comme si le cantonnier n’était pas l’Etat-providence pour le PDG dans sa limousine... (Mon père et ma mère, au boulot à treize ans ; ils ont vécu de l’Etat-providence...)

(…)

Bon. Mais la culture ? L’intelligentsia ? Les artistes ? Ils nous aident, dans cette crise ? Ne sont-ils pas habitués à parler, donner des directions, des mots de passe ?

Non. Ils ne m’aident pas du tout.

C’est que la culture et l’art arrivent à la fin d’un cycle (la rupture, la rébellion, le dépassement des formes etc.). Les cultureux continuent ce train-train et n’ont surtout rien à dire sur l’homme dans l’époque : l’homme, ça n’existe pas, on n’est pas naïf.

Trop occupés dans l’expression de leurs génies individuels, dans la religion de la novation, toute cette lourdinguerie contemporaine. Les “révolutions”. A quoi servent ces “révolutions” ? A l’argent et au commerce. Dans certains cas (l’art plastique), elles servent carrément à fonder un nouveau secteur de placements financiers. Dans d’autres cas (la “ mode ”) elles peuvent même servir, en brisant les codes du beau, à aider les industriels à vendre n’importe quoi très vite... Souvenez-vous comme il y a cinquante ans chaque costume était ajusté au millimètre selon les critères de l’élégance. L’élégance, aujourd’hui, c’est d’être “ décalé ”. Belle victoire, grande cause.

Donc, la culture “ bouscule mes conformismes ”, elle “ remet en question mes croyances ”... Ca va durer combien de temps encore ce gag triste ? Le dérangeant ? Arrête donc de me déranger, mon garçon, la vie s’en charge tous les jours.

(…)

©Jacques Bertin, Policultures


 Lire : Oui,  la crise, par Jacques Bertin

 

Voir aussi les pages :

Sept points clés pour le changement

Création sociale et innovation culturelle

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